C'était le feuilleton média de la semaine. L'Union européenne a coupé le signal des médias russes Sputnik et RT France, ce mercredi 2 mars à 16h, ces derniers étant accusés de participer à "la machine médiatique du Kremlin". Une interdiction temporaire d'émission décidée en représailles à l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février dernier.
La présidente et directrice de l'information de RT France, Xenia Fedorova, digère mal cette fermeture brutale de la chaîne lancée le 18 décembre 2017. Elle y voit "une forme de censure" ainsi qu'un "précédent dangereux pour la liberté d'expression". Elle déplore, dans une interview à "L'opinion", que sa chaîne soit interdite parce que "financée par de l'argent public russe, et non pour des fautes qu'elle aurait commises".
"La différence dans notre couverture est que nous avons également présenté le point de vue russe et que nous avions une équipe dans le Donbass. Nos journalistes ont présenté toutes les positions dans le respect du pluralisme et de la diversité des opinions. C'est très important pour comprendre la complexité de ce type de conflit. Cela ne veut pas dire prendre parti", argumente Xenia Fedorova.
"Cette décision de nous bannir ne s'est inscrite dans aucune procédure contradictoire et elle n'est absolument pas proportionnée. On ne résout pas un conflit en fermant un média", s'insurge encore la présidente de RT France, qui tacle le silence des autorités françaises. "Personne ne nous a informés des décisions qui ont été prises, à aucun moment. Nous apprenons toutes les décisions qui nous concernent dans la presse."
Si les avocats de RT France "travaillent sur tous les recours pertinents", Xenia Fedorova ne se fait guère d'illusions quant à un retour de RT France même dans l'hypothèse où la guerre s'arrêterait. Emmanuel Macron a, selon elle, toujours été sur "une ligne anti-RT", et ce, bien avant qu'il soit élu président de la République.
A court terme, son objectif est donc d'accompagner dans les procédures administratives les 176 salariés de la chaîne, parmi lesquels 100 journalistes. "Pour le moment, des salariés sont mis en dispense d'activité et une petite équipe continue à couvrir l'actualité pour notre site web qu'il est encore possible de consulter hors de l'UE", précise Xenia Fedorova, qui l'assure : "Si nous ne pouvons pas garantir la poursuite de l'activité, nous devrons être sûrs que les salariés obtiennent ce que le droit du travail leur accorde, ainsi qu'une assurance-chômage."
Quant à l'avenir financier de la chaîne ? "Nous avons des problèmes avec la réception des fonds pour maintenir notre activité et, si la situation ne change pas, la liquidation de la société pourrait être notre seule option", conclut-elle.