Mercredi 7 janvier, 12h25, Samuel Etienne prend l'antenne pour l'édition nationale du "12/13", le journal de la mi-journée de France 3. Le journaliste lance les titres de son édition : ouverture des soldes, fraudes aux allocations en Seine-Saint-Denis, affaire Vincent Lambert, la baignade en hiver et un point météo.
Comme le montre notre vidéo ci-dessus, avant de diffuser le tout premier sujet, Samuel Etienne annonce qu'une fusillade s'est déroulée "juste avant ce journal" au siège de "Charlie Hebdo". Le présentateur s'entretient par téléphone avec une envoyée spéciale de la chaîne sur les lieux du drame. "C'est vers 11 heures ce matin que deux ou trois hommes cagoulés et armés de kalachnikov ont fait irruption au siège du journal. Ils auraient tiré sur toutes les personnes présentes. Le parquet parle d'un bilan très lourd. 10 morts probablement, de nombreux blessés, on attend encore une confirmation", raconte, essoufflée la journaliste, tandis qu'à l'antenne s'affiche un plan du Boulevard Richard Lenoir.
La reporter évoque la fuite des tireurs, "une chasse à l'homme", la présence d'un policier grièvement blessé et des dizaines d'ambulances. "Voilà, on est sur place et on attend des informations", conclut-elle avant que Samuel Etienne ne confirme la mort de 10 personnes (il s'agissait du tout premier bilan, ndlr). Il déroule ensuite son journal et ne reviendra sur l'attaque qu'à 12h44. La chaîne publique est alors capable de diffuser quelques images (celles prises avec leurs téléphones portables par les journalistes de l'agence première ligne) et propose un témoignage d'une journaliste de cette agence. Samuel Etienne fait un dernier point, à 12h55, en fin d'édition. Quelques secondes plus tard, sur France 2, Elise Lucet propose une édition spéciale de 70 minutes de son 13 Heures, entièrement consacrée à l'évènement.
Au même moment, i-TELE, qui a révélé l'information peu avant midi, est déjà sur place. La chaîne est déjà en breaking news et diffuse juste après 12h les images des journalistes de l'agence Première Ligne, qui sont interviewés par téléphone. Un bandeau annonçant la mort de 10 personnes apparaît à 12h06. Les équipes de la chaîne font leur premier direct sur place à 12h15, soit dix minutes avant le "12/13" de France 3.
Deux semaines plus tard, le SNJ, la CFDT et la CGT dénoncent un "crash éditorial". "Lors de la triste journée du 7 janvier dernier, alors que la France découvrait l'ampleur du massacre de Charlie Hebdo, l'édition nationale du 12/13 de France 3 était diffusée pratiquement comme si de rien n'était (...) Pourtant, les informations des journalistes de la rédaction partis sur place, ainsi que les dépêches AFP, auraient permis de modifier le conducteur et de dérouler un journal à la hauteur de l'événement", écrivent les syndicats dans un communiqué sévère qui évoque "une défaillance très grave et très choquante".
En protestation, les journalistes ont voté une grève de 59 minutes qui se déroulera lundi prochain à 11h45 et qui devrait affecter le "12/13". Les journalistes veulent exprimer "leur indignation et leur colère face à cet échec éditorial qui a ridiculisé la rédaction". A noter que le 7 janvier au soir, le "19/20" de Carole Gaessler consacrera l'intégralité de son édition nationale à ce drame.
Dans les jours qui suivent, de nombreux salariés de France 3 ont déploré en interne de ne pouvoir proposer de larges tranches d'informations, comme a pu le faire France 2. La chaîne publique avait cassé son antenne jusqu'au dimanche pour suivre la traque des frères Kouachi, les deux prises d'otages et les marches républicaines.
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