La semaine dernière, la tuerie de "Charlie Hebdo" et les deux prises d'otages qui ont suivi ont été couvertes en direct par les principaux médias français. Mercredi, dès l'annonce de tirs dans les locaux de l'hebdomadaire satirique, qui ont coûté la vie à 12 personnes, les chaînes d'info ont lancé de grandes éditions spéciales. Du "breaking news" dans le jargon.
De larges sessions d'information en direct qui ont permis à BFMTV et iTELE de réaliser de très fortes audiences (et d'enregistrer des records historiques sur la journée de vendredi) mais aussi aux éditions à rallonge de TF1 et France 2 ainsi qu'aux émissions "C dans l'air", "C à vous", "Le Grand Journal", etc. Des audiences qui prouvent que les Français ont été touchés par ces attentats, ce qu'ils ont exprimé dimanche en participant nombreux à la marche républicaine.
Pour les chaînes gratuites, financées par la publicité, ces audiences ne permettront aucune retombée économique, du moins à court terme car les publicités se sont faites très discrètes pendant ces cinq journées, au point même de disparaître pendant de longues heures.
Vendredi, TF1 a proposé une édition spéciale de 10h10 à 21h15. Une session d'information de 11 heures qui n'a été entrecoupée d'aucune publicité. Celle-ci n'a fait sa réapparition qu'à la fin du long 20 Heures de Claire Chazal, juste avant le début de "Qui veut gagner des millions". Même constat dimanche avec l'édition sur la marche républicaine lors de laquelle les publicités ont disparu entre 13h et 18h. Jeudi soir, à 21h25, la série "No Limit" a suivi directement le 20 Heures sans le moindre intermède publicitaire.
France 2 a également coupé une partie de sa publicité. Le service public a usé avec mesure de son droit de diffuser de la réclame avant 20 heures. Vendredi, aucun spot n'a été diffusé après 9h30. Idem dimanche, où le dernier spot de la journée a été diffusé à 12h55 pour ne revenir que le lendemain matin...
Mais c'est BFMTV qui a été la plus radicale sur le sujet : aucun spot de pub n'est passé à l'antenne entre le mercredi 7 janvier à 11h45 et le samedi 10 janvier à 10h. 70 heures sans publicité pour la chaîne qui est repassée en version sans pub dimanche de 12h à 21h25 pour couvrir la marche républicaine. iTELE a elle renoncé à des interruptions publicitaires mercredi (de 11h45 à minuit), vendredi (de 8h à minuit) et dimanche (de 10h30 à minuit). Jeudi et samedi, la publicité était présente de façon minime.
Gênées, les chaînes ont préféré ne pas faire de commentaire sur ce sujet. "La raison de ce choix semble évidente, explique à puremedias.com Hervé Béroud, le directeur de la rédaction de BFMTV. D'abord, parce que nous n'allions pas interrompre le suivi des évènements en direct pour passer de la publicité. Et puis par décence... Dans ce climat pesant, les messages n'auraient pas été du meilleur goût.", ajoute-t-il.
Du côté d'iTELE, on confirme un arrêt pour des "raisons éditoriales". "On prévient évidemment les annonceurs après coup mais la décision d'arrêter la pub est prise unilatéralement par la direction de la chaîne. Il est évident qu'on ne veut pas interrompre le direct dans ces moments-là. Les téléspectateurs ne comprendraient pas qu'on rate le début d'un point presse du ministre de l'Intérieur ou une évolution sur le terrain à cause d'une page de pub", indique un cadre de la chaîne du groupe Canal+.
Des journées de pertes sèches donc pour les chaînes qui ont pourtant mobilisé leur rédaction et multiplié les déplacements pour être en duplex au plus près des évènements. A iTELE, on minimise l'impact financier des breaking news, indiquant que les publicités non-diffusées sont rattrapées dans les jours qui suivent. Par ailleurs, le budget provisionnel de la chaîne anticipe un nombre de journées sans pub en raison de l'actualité. Un connaisseur du marché publicitaire confirme que les spots annulés vont être recalés dans les jours qui viennent. Sans compter que les chaînes info ont de nouveau pris du galon cette semaine : en prouvant une nouvelle fois qu'elles sont devenues incontournables, elles peuvent espèrer attirer d'autres annonceurs à l'avenir ou augmenter leurs tarifs.
A noter que cette réduction de la pub n'a pas touché seulement la télévision. La presse écrite a également limité sa pagination publicitaire pendant cinq jours. Plusieurs médias ont préféré publier des formulaires d'abonnements à "Charlie Hebdo" et diffuser un spot de soutien réalisé par Reporters sans frontières.