La question embarrasserait-elle le sommet de l'État ? Depuis près de 36 heures, la journaliste d'investigation Ariane Lavrilleux a été placée en garde à vue après la perquisition de son domicile. Son tort ? "Avoir simplement fait son travail" et révélé les compromissions de la France avec l'Égypte, a insisté, ce mercredi 20 septembre 2023, la journaliste de "Médiapart" Célia Mebroukine, au cours des questions de la presse à Olivier Véran.
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"Ariane Lavrilleux a passé la nuit en cellule. Est-ce normal qu'une journaliste passe une nuit en cellule dans une démocratie ?", a-t-elle demandé au porte-parole du gouvernement. "Pardon (...) mais là, on n'est pas dans un sujet qui a été abordé dans l'enceinte du gouvernement", a opposé le ministre délégué chargé également du Renouveau démocratique.
"On est dans un sujet lié à la liberté de la presse et à la vitalité d'une démocratie. C'est important", l'a repris Célia Mebroukine. Mais une fois encore, Olivier Véran a refusé de répondre. "Je suis porte-parole du gouvernement c'est-à-dire que je porte la parole du gouvernement. Donc quand je dois dire les choses, je dis les choses avec la certitude que c'est la parole gouvernementale et que l'on a les éléments nécessaires pour ça. Ce n'est pas le lieu pour répondre à cette question", a-t-il esquivé.
"C'est compliqué de se positionner sur le fait qu'une journaliste ait passé une nuit en garde à vue pour avoir simplement fait son travail ?", s'est étonnée Célia Mebroukine. "Parce que vous êtes journaliste et parce que je suis élu de la République, je préfère m'exprimer sur des sujets en toute connaissance de cause, (en disposant de) la totalité des éléments, ce que ni vous ni moi n'avons à l'heure où je vous parle", a-t-il contourné.
"Je vous demande votre sentiment en tant que ministre. Ce n'est pas la première journaliste à passer une nuit en cellule. Ce n'est aussi pas la première à avoir été interpellée et perquisitionnée", a poursuivi la journaliste sans se démonter. Célia Mebroukine de citer : "Geoffrey Livolsi et Mathias Destal de 'Disclose' pour des révélations sur des ventes d'armes françaises, Ariane Chemin, une équipe de "Quotidien" mais aussi les locaux de 'Médiapart'".
Par conséquent, "n'est-on pas dans un contexte d'intimidations des journalistes ?", a-t-elle questionné le ministre. "Les locaux de 'Mediapart', c'était pour un problème fiscal me semble-t-il", a ironisé Olivier Véran. Mais l'effet escompté n'a pas fonctionné. "Non, c'était pour un problème lié à l'affaire Benalla, cela n'avait rien à voir avec un problème fiscal", a immédiatement démenti la journaliste. Avant de dégoupiller : "D'ailleurs, l'État a été condamné pour cette perquisition", a-t-elle riposté.
"Excusez-moi, il y a beaucoup de lieux de débats et je me prête à plusieurs émissions politiques par semaine. J'accepterai volontiers l'invitation de 'Médiapart'. Je vous dis juste qu'ici, c'est un lieu institutionnel", a tenté, une nouvelle fois, de s'échapper Olivier Véran. La journaliste, songeuse, d'enchaîner : "C'est quand même étonnant que cette question soit aussi gênante". "C'est la nature de votre question qui n'est pas adaptée au contexte. Invitez-moi, je viendrai avec plaisir. On trouvera un rendez-vous. J'ai plein de choses à dire sur la liberté de la presse dans notre pays et sur le pays des droits de l'Homme, qu'il reste d'ailleurs, la France", a conclu le ministre. C'est enregistré. puremedias.com vous propose de visionner la séquence.