Le tour de France de BFMTV. Depuis la rentrée, la chaîne info a décidé d'envoyer ses présentateurs vedettes dans les régions françaises pour aller à la rencontre des téléspectateurs et répondre à leurs questions sur le fonctionnement du leader de l'info en continu. Après Marseille en octobre avec Bruce Toussaint, Adeline François et Christophe Delay, le duo qui officie aux commandes de la matinale "Première édition", s'est prêté lui aussi à l'exercice à Lille, le vendredi 18 novembre dernier. Malgré 15 ans d'ancienneté au sein de la chaîne, cette rencontre formelle avec les téléspectateurs était une grande première pour Christophe Delay.
Dans le cadre de cette nouvelle étape du "Tour de France BFMTV & vous", les deux journalistes ont été accueillis à l'Ecole supérieure de journalisme de Lille. Un retour aux sources pour chacun d'eux puisque c'est dans cet établissement que Christophe Delay a fait ses études, tandis qu'Adeline François s'est souvent rendue dans la cité nordiste lorsqu'elle était étudiante. Dans l'auditorium, près de 80 personnes attendaient les deux invités spéciaux du jour : des lycéens, des étudiants, des retraités, des journalistes... Le local de l'étape, Adrien Lanoy, journaliste de la chaîne BFM Grand Lille, était également présent devant cette assemblée pour faire part de sa propre expérience. puremedias.com a assisté à l'intégralité de cet échange de près de deux heures. Récit.
Pour participer à cette rencontre, les personnes intéressées ont dû au préalable envoyer leur question par mail. Une manière selon le service de communication de BFMTV de s'assurer qu'il n'y aura pas de temps mort ; chacun étant libre selon la chaîne de poser d'autres questions.
La première question est un tour d'échauffement puisqu'elle porte sur la manière dont est préparée la matinale "Première édition". L'occasion pour Christophe Delay, qui cumule les casquettes de rédacteur en chef et de présentateur de comparer son émission au fonctionnement d'un restaurant. "On est un peu en cuisine et ensuite on va en salle", résume-t-il. "L'antenne, c'est l'aboutissement de tout ça : un gros travail de gamberge et d'équipe".
Il faut attendre seulement un quart d'heure pour qu'arrive la première question autour du propriétaire de BFMTV, Patrick Drahi. "Est-ce-qu'il y a un poids de vos actionnaires sur vos choix éditoriaux ?", s'inquiète une téléspectatrice. "Jamais. Le seul critère, c'est qu'il faut que ça marche", répond tout de go Christophe Delay. "Je n'ai pas le numéro de Patrick Drahi ! Nous n'avons pas de consignes", assure Adeline François. Un sujet sur lequel elle reviendra quelques minutes plus tard à la faveur d'une question sur la liberté de la presse en France : "Oui, il y a un problème de concentration dans les médias. Il y a très peu de personnes qui détiennent beaucoup de médias. Aujourd'hui, l'argent est le nerf de la guerre et il n'y a pas 36.000 personnes qui ont de l'argent à investir dans les médias. On ne reçoit pas d'ordre. Le jour où en reçoit, je m'en vais".
Une autre personne du public reproche à BFMTV son "sensationnalisme" lors de la crise du coronavirus. "Je n'aime pas ce mot", réplique Christophe Delay, qui assume une "mise en scène" de l'information tout en restant honnête dans son traitement. "La limite, c'est le racolage. Elle est très ténue".
"Le risque, est-ce-que ce n'est pas de sacrifier la qualité du journalisme pour un but financier ?", questionne à son tour Benoît, un étudiant. "Qui a envie de faire de la télévision sans être regardé ? L'audience, cela rapporte de la publicité et donc des moyens", répond Adeline François. "Nous ne sommes pas un service public. Il faut qu'on fasse du chiffre. Mais vendre, ce n'est pas racoler", répète Christophe Delay.
Les choix éditoriaux de BFMTV sont ensuite mis en cause par une étudiante : "Pourquoi on surmédiatise certains événements et pas d'autres ? On ne parle jamais de la guerre au Yémen...". "Nous ne pouvons pas traiter toute l'actualité du monde. Faire du journalisme, c'est choisir", lui explique Christophe Delay.
Parmi les moments forts, un intervenant choisit de poser une question sur la mort en Ukraine au printemps dernier du journaliste Frédéric Leclerc-Imhoff. "La mort d'un journaliste dans une rédaction, c'est un événement terrible dont on ne se remet jamais tout à fait. Chaque jour de cette guerre, on pense à Frédéric", confie Adeline François, qui rappelle qu'une plaque commémorative a été posée au siège d'Altice.
De la gravité au sourire, il n'y a qu'un pas avec la question posée un peu plus tôt par un jeune homme se demandant pourquoi BFMTV n'est pas en direct 24h sur 24, ce qui pourrait rendre service selon lui aux insomniaques ou aux étrangers en décalage horaire. "Vous savez combien il y a de téléspectateurs sur BFMTV à 3h du matin ? 30.000, lui rétorque Christophe Delay. Et vous savez combien il y en a au même moment sur France 2 ? 38.000... Il n'y a pas de marché". "On est la chaîne qui fait le plus de direct en France : 20h sur 24 !", complète sa collègue de la matinale. Quand l'événement le nécessite, on sait être en direct. Regardez l'exemple de la nuit américaine !".
A l'issue de deux heures d'échanges à bâtons rompus, il est temps de se quitter. "Vous nous avez fait passer un bon moment !", les remercie un homme du public. "Cette rencontre m'a encore plus convaincu d'aller vers le journalisme", s'enthousiasme auprès de puremedias.com Amaury, venu exprès en train de Paris. "C'est bien qu'ils se déplacent en France. Ils ont beaucoup de choses à nous apprendre", observe de son côté Clément, un autre étudiant.
"Ils nous ramènent tous au bon sens de province !, se félicite enfin Christophe Delay, qui comme Adeline François, est originaire de province. Ils nous posent des questions que nous-mêmes nous nous posons tous les jours. C'est intéressant de voir que les préoccupations des gens qui nous regardent correspondent à ce qu'on essaie de leur donner". La prochaine étape du tour de France de BFMTV devrait concerner la Normandie, à une date qui reste encore à déterminer.