Enquête
"L'audience veille ne suffit plus" : Pourquoi 30% du public d'un programme TV a disparu des radars ?
Publié le 21 avril 2023 à 16:00
Par Tom Kerkour
Alors que la télévision est en proie à des changements rapides et profonds sous l'impulsion de la révolution numérique, puremedias.com a interrogé les directions des groupes France Télévisions, TF1 et M6 sur les défis et enjeux de cette nouvelle donne. Première partie.
Comment sont mesurées les audiences télé ? © Unsplash
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Chaque soir 20 millions de Français s'installent devant leur téléviseur pour suivre "Capitaine Marleau", "Koh-Lanta", ou "Mariés au premier regard". Mais au fur et à mesure que les années passent, les scores affichés le lendemain matin à 9 heures par Médiamétrie ne cessent de se réduire. Les observateurs peuvent y voir deux choses. D'abord, un lent déclin de la télévision qui n'est aujourd'hui nié par personne, y compris les acteurs de ce milieu eux-mêmes. Mais un autre phénomène bien moins visible agit finalement en trompe l'oeil. Toute une partie de l'audience des programmes passe à la trappe : le non-linéaire.

La consommation dite "non-linéaire", qu'il s'agisse de replay, de visionnage grâce à des box internet ou sur les diverses plateformes des chaînes traditionnelles, ne cesse de monter en puissance. Un concept qui s'oppose à l'audience dite "linéaire", le mode de fonctionnement de la TNT. Ainsi, ce qui représentait il y a quelques années encore une part négligeable de l'audience en représente aujourd'hui, en moyenne 30%. un taux qui varie selon les programmes et les chaînes. Pour la télé-réalité ou des feuilletons comme "Demain nous appartient" et "Ici tout commence", la part grimpe même jusqu'à 50%. Une transformation en pleine accélération que constatent unanimement les dirigeants de France Télévisions, TF1 et M6 interrogés par puremedias.com.

Mais où est passée l'audience ?

"La délinéarisation est un phénomène que nous observons depuis longtemps, mais nous voyons au fur et à mesure des années que la tendance s'accentue. Et cela s'est encore confirmé l'année passée, observe Xavier Gandon, le directeur des antennes de TF1. Cette consommation complémentaire peut représenter sur certains programmes la moitié de l'audience linéaire, et sur les plus gros prime de TF1, environ un tiers de l'audience". Exemple récent, le lancement de "Koh-Lanta" dont le premier épisode a été suivi par 4,17 millions de téléspectateurs auxquels s'ajoutent 1,2 million de personnes qui ont regardé le programme en replay dans les sept jours qui ont suivi, un record.

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Dans les autres grands programmes de la TNT lancés cette année, c'est "Pékin Express" qui gagne la palme de programme avec le taux le plus élevé de consommation en replay, avec 27% pour le premier épisode de cette nouvelle saison. Guillaume Charles, le directeur général des programmes du groupe M6 note une "démocratisation du replay sur la fiction et sur ce style de programmes familiaux". Il admet également que d'autres programmes sont, au contraire, plutôt faits pour le linéaire, notamment l'info. Au final, il faut se scinder en deux. "On se retrouve face à un dilemme, faire à la fois du live, et jongler avec du plus feuilletonnant, un vrai défi de satisfaire tous ces besoins. Mais on y arrive bien", sourit le nouveau bras droit de Nicolas de Tavernost.

Chez France Télévisions, contrairement aux "vendeurs de lessives", terme utilisé par Stéphane Sitbon-Gomez pour parler des chaînes commerciales, la façon de faire est encore différente. "Qu'il s'agisse de 'Vortex' ou de 'Piste noire', notre stratégie est de lancer les séries en première partie de soirée sur France 2 et de mettre le même jour l'intégralité des épisodes à disposition sur notre plateforme france.tv", décrypte Florent Dumont, le directeur adjoint des antennes et des programmes du groupe audiovisuel public.

Ainsi, dès le matin de leur diffusion en prime, certains programmes sont déjà mis en ligne. Leur philosophie : s'adapter aux usages du public, et pas l'inverse, sans être tenu par le "carcan de la consommation linéaire". "On constate que les usages s'additionnent. Certains téléspectateurs restent très attachés au rythme de diffusion hebdomadaire, d'autres préfèrent regarder les séries en quelques jours, comme les plateformes les y ont habitués", ajoute-t-il.

"La part d'audience ne veut plus dire grand-chose"

Une chose est claire, la télé d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier. Pourtant, la manière dont sont commentés ses résultats n'ont pas tant évolué. La mesure qui fait encore foi, "l'audience veille" ou "J+1" est la plus utilisée - y compris par puremedias.com. Chez les diffuseurs, on souhaite désormais compléter cette donnée "archaïque" qui détermine rapidement la réussite d'un programme aux yeux du public.

Lorsqu'un programme réalise 30% de son audience sur le non-linéaire, ce n'est évidemment pas le soir même de sa diffusion, mais généralement dans les sept jours qui suivent, "J+7". L'enjeu est donc "d'adapter l'analyse et les commentaires des audiences à cette nouvelle donne pour refléter la réalité de la consommation" et "ne pas exclure jusqu'à 40% de l'audience", comme l'analyse Xavier Gandon. Une analyse hâtive qui peut porter préjudice à un programme. Un point de vue partagé par son homologue de France Télévisions : "L'audience veille est un premier indicateur extrêmement important mais qui ne suffit plus". L'équivalent de cantonner le succès d'un film à son succès aux Halles de châtelet à 9 heures.

Ainsi, plutôt que de regarder l'audience d'un programme à J+1, il serait plus judicieux de faire preuve de patience et de regarder ses performances consolidées à J+7 voire à J+28. Une méthode déjà employée par les plateformes comme Netflix qui communique son Top 10 de manière hebdomadaire et mesure la performance de ses programmes sur les 28 premiers jours. Pour les chaînes classiques, il est crucial de pouvoir se comparer à ses concurrents natifs du numérique pour une bonne raison. Désormais, comme eux, ils s'adressent aux annonceurs. Une conséquence directe du lancement d'offres avec publicité chez Disney et Netflix. Un besoin de créer un référentiel commun qui naît d'une raison simple. Les audiences communiquées chaque matin par Médiamétrie sont en vérité destinées au marché publicitaire avant tout, pour lui permettre de mesurer où son annonce sera la plus vue, et donc, vendue plus cher par les chaînes.

Des projections ?

Dans la foulée, Florent Dumont aimerait bien se débarrasser de la sacro-sainte part d'audience (PdA) : "La seule part d'audience ne suffit plus pour analyser le succès d'un programme. C'est un indicateur adapté à la diffusion linéaire. Face à la multiplication des usages, ce qui compte, c'est le nombre de personnes qui regardent ce programme, que ce soit en direct, en avant-première de la diffusion antenne, ou en replay dans les jours et semaines qui suivent. Cette audience consolidée est très importante pour nous comparer aux acteurs du numérique qui ne parlent pas en PdA, ils parlent bien du nombre de vidéos vues ou du nombre de personnes qui ont regardé le programme". Un point qui laisse plus sceptiques les chaînes commerciales qui fondent leur communication non pas sur les 4 ans et plus, mais sur une "cible commerciale", en l'occurrence, les "Femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans".

De son côté, Guillaume Charles ne souhaite véritablement pas remettre en question l'audience veille ou la part d'audience, mais apprécierait que celles de la veille soient agrémentées de "projections". "Il serait intéressant de voir une projection des audiences à J+7, sur base d'historique. Pour un programme comme 'Pékin Express', on est à peu près sûr en voyant l'audience veille de connaître l'audience replay, à 100.000 téléspectateurs près", assure-t-il. Cette question et d'autres sur l'évolution de la mesure de l'audience est fréquemment abordée au sein du "comité audimétrie" de Médiamétrie réunissant 6 membres représentant les diffuseurs de télévision, les annonceurs et les publicitaires.

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