Un marathon de l'un de ses journalistes payé par une marque de chaussures qui s'étale sur onze pages du journal... "Le Figaro Magazine" a osé, "Le Canard Enchaîné" l'a épinglé. Dans son numéro du week-end dernier, le reportage sur la participation au marathon de New York d'un de ses rédacteurs en chef, Guillaume Tabard, avait éveillé les soupçons de la rédaction. Elle avait regretté dans un courriel interne la légère distorsion de la hiérarchie de l'information et demandé "plus de mesure dans la mise en avant de tel ou tel collaborateur".
La Société des Journalistes du "Figaro Magazine" ne se doutait sans doute pas que le marathon à New York de leur collègue avait été payé par la marque Asics, comme le révèle aujourd'hui le journal satirique. Car pour faire vivre au plus près l'épreuve de Guillaume Tabard, le dossier spécial du "Figaro" est abondamment illustré. Le lecteur peut ainsi contempler pas moins de sept photos du journaliste dont deux belles doubles pages.
Sur ces clichés offrant au passage une belle visibilité à une célèbre marque de baskets, le "Rastignac version running" n'hésite pas à prendre la pose, regardant souvent les gratte-ciel de New York d'un air pénétré. La direction du Figaro aurait promis de mentionner la marque Asics dans le papier, mais "pas dans le titre ni dans le chapeau", rapporte Le Canard.
Tout était subliminal ou presque. Dans ce reportage, le rédacteur en chef du "Figaro" décrit ses différents états physiques et mentaux durant ces 42 kilomètres, songeant successivement à Woody Allen, Dvořák mais aussi à ses baskets. "Combien d'heures passées avec elles ?", s'interroge-t-il.
Asics finance régulièrement les courses de certains journalistes, en les équipant avec ses chaussures. Cette fois, elle a payé le voyage à New York de son coureur-journaliste-tête de gondole. Onze pages dans un grand magazine, c'est incontestablement un bon retour sur investissement. Mais le "brand content" (contenu pour les marques), qui se développe beaucoup sur le web, doit être clairement indiqué aux lecteurs.