Ils sont tiktokeurs, instagrammeurs, streameurs ou youtubeurs et ont un point commun : la réforme des retraites, ils sont contre. La caste d'habitude très discrète des "influenceurs" sort du bois depuis quelques jours pour dénoncer la situation politique française, principalement depuis le passage en force de la loi sur la réforme des retraites par le gouvernement grâce au 49.3.
Pêle-mêle, on retrouve "Seb" (5 millions d'abonnés sur Youtube), qui déplore qu'"en gros (le gouvernement) nous chie dessus jusqu'au bout", avant de préciser qu'"il ne faut rien lâcher". Plus mesuré, Joyca (5 millions aussi) dit "ne pas vouloir (s'étaler)" mais souligne que l'actualité politique "(le) rend fou", via son compte Instagram. D'autres encore partagent des cagnottes de grève. Au total, le fil Twitter du journaliste Vincent d'internet recense au moins une centaine de messages - plus ou moins impliqués et virulents - d'influenceurs. Ils dénoncent la situation, appellent à manifester, apportent leur soutien aux grévistes ou relaient des cagnottes.
Il est plutôt rare, voire totalement inédit, que les créateurs du web prennent la parole sur des sujets politiques. En-tout-cas, qu'ils soient si nombreux à le faire. Il faut dire que pendant le dernière élection présidentielle, certains s'y étaient brûlés les doigts. C'est le cas du duo McFly et Carlito qui avait tourné une vidéo avec Emmanuel Macron. Elle avait fait grincer des dents du côté du public, mais aussi des autres vidéastes. Le jeu est donc dangereux, et certains n'oseraient donc prendre la parole que pour suivre le mouvement ultradominant.
Peut-être s'agit-il une manière de rester le plus grand public possible ? S'assurer de ne heurter aucune opinion ? Ou il pourrait aussi s'agir d'une manière de ne pas froisser les annonceurs et les marques, dont les placements de produits sont aujourd'hui la première source de revenus ?
A LIRE AUSSI : "Audiences Youtube : Squeezie démolit la concurrence avec SCH et Soso Maness"
Pour Stéphanie Lukasik, enseignante-chercheuse à l'Université du Luxembourg et auteure de "L'influence des leaders d'opinion" (L'Harmattan, 2021), "les 'gros' influenceurs doivent ménager une communauté plus importante avec toute la diversité politique que cela comprend". De plus, prendre la parole sur des sujets qui ne sont pas à l'origine leur coeur de cible, une youtubeuse make-up qui s'exprimerait sur la réforme par exemple, est "une véritable prise de risque pour eux car ils risquent de décevoir leur communauté et de ne plus parvenir à créer une identification homophile (fréquenter ses semblables; ndlr) chez les usagers qui les suivent".
Enfin, l'experte estime que la couverture de l'actualité pourrait revenir de plus en plus fréquente chez les influenceurs. "Les influenceurs étant à la fois des médias individualisés et des leaders d'opinion du quotidien, les gens s'informent désormais aussi à travers eux, c'est pourquoi, ils sont si nombreux à s'exprimer sur cette réforme des retraites", conclut-elle.