Une enquête qui dérange. Le 5 mars dernier, Arte diffusait en prime time le documentaire "Religieuses abusées, l'autre scandale de l'église", consacré aux viols commis par des ecclésiastiques sur des religieuses. Lorsque les victimes se retrouvaient enceintes, elles étaient exclues de leurs congrégations ou contraintes d'avorter.
Ce documentaire, fruit d'une investigation de deux ans menée sur quatre continents par Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin, qui avaient convaincu des religieuses de témoigner pour la première fois, avait été très suivi au moment de sa diffusion, signant un record depuis le début de l'année pour un documentaire diffusé sur Arte, avec en moyenne 1,48 million de téléspectateurs, pour 6,3% de part d'audience, selon Médiamétrie.
Mais comme l'a relaté le quotidien catholique "La Croix" dans un article paru hier, un prêtre allemand a saisi la justice en référé le mois dernier après la diffusion de cette enquête des deux côtés du Rhin. Même si ni son identité, ni le lieu où il exerçait n'ont été donnés dans le documentaire, l'homme d'église "s'est reconnu et a estimé être reconnaissable par d'autres", comme l'explique Fabrice Puchault, directeur de l'unité société et culture d'Arte France, cité par "La Croix".
Un tribunal de Hambourg a donné raison l'intéressé en condamnant la chaîne franco-allemande à ne plus diffuser "Religieuses abusées, l'autre scandale de l'église" et à retirer par conséquent le documentaire de son service de replay, où il était censé être disponible pendant deux mois, soit jusqu'au 5 mai. Si la décision de justice a été rendue le 20 mars dernier, cette affaire n'a trouvé écho dans la presse allemande, en l'occurrence dans le "Süddeutsche Zeitung", que la semaine dernière. Le film a été retiré du replay le 5 avril dernier. Mais selon le quotidien allemand, en prenant en compte à la fois la diffusion en linéaire en France et en Allemagne et la consommation en replay dans les deux pays, le documentaire a été vu au total par 2,5 millions de personnes.
"Le tribunal lui a donné raison, après une audience à laquelle – pour des raisons qui tiennent à la procédure judiciaire allemande – nous n'étions pas présents", précise le responsable d'Arte en référence à l'homme d'église. Arte-GEIE, la structure qui regroupe les pôles français et allemands, entend d'ailleurs faire appel de cette décision : "Nous défendons ce film, dont nous avons accompagné la production comme la diffusion. Nous préparons donc un dossier pour faire opposition à la décision du tribunal", affirme Fabrice Puchault.