"Lettre à France (Inter)". C'est accompagné par ce court message que Guillaume Meurice a publié sur les réseaux sociaux ce mercredi 12 juin une lettre ouverte, adressée à la radio du service public. La vieille, l'humoriste a annoncé son licenciement pour "faute grave". "Cette décision, je l'ai prise pour déloyauté répétée à l'égard de l'entreprise",a notamment écrit Sibyle Veil, patronne de la station, dans un mail envoyé aux salariés. La direction reproche au chroniqueur de l'émission "Le Grand dimanche soir" d'avoir répété une blague polémique sur le Premier ministre israélien, qui est sous le coup d'un mandat d'arrêt international pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
"Chère France Inter", écrit-t-il. "D'aussi loin que je me souvienne, tu étais là. Dans le petit poste posé sur le frigo de la cuisine familiale, sur la table, dans un coin du salon. Je ne pigeais pas grand-chose à ce que tu racontais, mais tu passionnais mes parents. (...) Et puis, j'ai découvert tes humoristes, dont je ne ratais aucune intervention. Je les enregistrais sur des cassettes, les écoutais en boucle. C'est toi qui m'as appris la satire, la liberté de ton, l'irrévérence", poursuit-il. Guillaume Meurice se rappelle alors avec nostalgie de sa carrière derrière le micro de la radio, entamée dans la bande de "On va tous y passer" deFrédéric Lopez en 2012.
"Résonnent encore dans ma mémoire mes premières chroniques, les premiers rires déclenchés autour de la table, dans le public, et, je l'espérais, derrière les petits postes posés sur les frigos, les tables, dans les coins de salons", écrit-il, avant d'évoquer l'émission de Charline Vanhoenacker. "Dix ans d'une émission qui a changé de nom autant qu'elle a changé ma vie. Je n'oublie rien des fous rires, des sketchs, des rencontres, de ce que nous avons construit ensemble, de la chance que nous avions de rencontrer un public fidèle et de plus en plus nombreux. Car oui, les audiences grimpaient", rappelle-t-il."Une fois encore, nous grandissions ensemble. Dans un espace médiatique rare où l'on pouvait tourner en dérision ceux qui oppressent, tuent, pillent et détruisent chaque jour au nom du pouvoir et au gré de leurs ambitions personnelles. Une petite heure par jour. C'était bien peu. C'était visiblement trop", poursuit son texte. L'humoriste s'attaque alors ensuite à la direction de France Inter et de Radio France plus globalement.
"Aujourd'hui, j'ai le coeur gros. Pas à cause de notre séparation forcée, ni de la manière dont notre histoire se termine. Si je suis si triste, c'est de te laisser ainsi, dirigée par des âmes de si peu de scrupules", lance-t-il en forme de pique. "(...) De celles qui ont comme boussole leur soif d'obéir, et un tableur Excel à la place du cerveau. De celles qui s'imaginent que tu leur appartiens mais qui t'oublieront sitôt leur mandat terminé pour gérer une autre boîte, benchmarker une start-up ou un ministre". "S'il y a toutefois une vertu à la fin de notre aventure, c'est d'exposer au grand jour leur brutalité" note encore le chroniqueur.
"Derrière leur pseudo bienveillance, leurs grands sourires, leurs coups de com', il y a les coups de mentons, les coups de matraques. Il y a ce pouvoir qui ne permet à rien de lui résister, qui écrase tout. Quiconque a eu l'audace de se rendre dans une manifestation ces derniers temps a pu se frotter à cette réalité. L'État de droit comme prétexte à la conservation de leurs privilèges. La Loi uniquement quand ça les arrange", ajoute-t-il. "Bientôt elles diront que tout est ma faute, que je me suis entêté. Faire passer les victimes pour des coupables, les rendre responsables des injustices qu'elles subissent, la stratégie est toujours la même, envers moi comme envers d'autres (coucou Nicole Ferroni, Pierre-Emmanuel Barré, Florence Mendez...etc)", écrit encore Guillaume Meurice, en rappelant ainsi d'autres départs forcés de la station.
"Car on en rirait volontiers si l'histoire s'arrêtait à mon cas personnel. Mais le projet est global. Les 'libéraux' sont en train de livrer le pays clés en main à l'extrême-droite, lui offrant, ce jour, une énième victoire idéologique", précise-t-il, en faisant référence à l'actualité politique et médiatique. Ce mardi, en commentant son licenciement sur le réseau social X , il avait déjà ironisé en interpellant des personnalités controversées, dont certaines des stars de CNews "Bravo à Pascal Praud, Eric Zemmour, Marine Le Pen, Eugénie Bastié, Elisabeth Levy, Delphine Horvilleur etc... Cette victoire, c'est avant tout la vôtre !", a-t-il écrit.
"Et après? Sans changement de cap, le rouleau compresseur continuera sa course folle. La fusion de France Télévisions et de Radio France, les coupes budgétaires, les licenciements", poursuit-il dans sa lettre. "À terme, ta privatisation. Leur rêve : te vendre au plus offrant. Leur aphrodisiaque : le fric. Leur projet de société : un champ de ruines. C'est peut-être dans ces moments-là que l'humour est le plus nécessaire. C'est sans doute cela qui les dérange, qui les agace, qui les terrifie", ajoute-t-il, avant de citer l'écrivain Romain Gary en conclusion. "(...) 'C'est pourquoi jusqu'à ce jour, toutes les pestes du monde craignent le rire par-dessus tout, car celui-ci possède des vertus désinfectantes qui sont fatales aux Puissants'. Je t'embrasse. Guillaume Meurice."