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Affaire DSK : Tout le monde savait, vraiment ?
Publié le 18 mai 2011 à 10:25
Par Julien Bellver
C'est ce qu'affirme France Soir à sa Une ce matin. De qui parle le quotidien ? De son entourage, des journalistes ? La presse est mise en accusation. Revue de presse.
Montage puremedias.com Montage puremedias.com© La Une de Libération et de France Soir du 18 mai 2011.
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Dominique Strauss Kahn et les femmes. Ses frasques, sa réputation de séducteur, d'aguicheur. A en croire France Soir ce matin, « tout le monde savait ». Mais de qui parle le quotidien ? De ses proches, d'un proche. Sous couvert d'anonymat, il témoigne : « Depuis plusieurs mois, j'ai demandé que Dominique Strauss-Kahn ne se déplace plus sans être accompagné par deux ou trois gardes du corps. Il ne faut jamais le laisser seul. Non pas pour le défendre contre une quelconque agression mais pour empêcher (...) mon ami de céder à la problématique de sa vie sexuelle ». « La problématique sexuelle », cette confidence a été lâchée il y a trois mois aux journalistes du quotidien. Mais depuis 72 heures et le début de l'affaire DSK, les langues se délient. Beaucoup, sous couvert d'anonymat bien sûr, racontent à l'envi des anecdotes sur le directeur du FMI et les femmes. Les quotidiens rappellent ce billet d'un journaliste de Libération à Bruxelles publié en 2007. « Le vrai problème de DSK est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement » écrivait-il comme une prémonition.



La presse, les journalistes et le milieu médiatico-politique savaient, vraiment ? Les rumeurs, les ragots, « les bruits de chiotte », tous les journalistes en entendent. Chaque jour, sur les politiques, les stars de la télévision, du cinéma. Souvent sexuelles, ces histoires doivent-elles pour autant être portées à la connaissance du grand public, les journalistes doivent-ils enquêter pour établir leur vérité ? Rémy Dessarts, directeur de la rédaction de France Soir est « en colère » ce matin. « Colère d'apprendre que tout le monde savait - y compris nous les journalistes - que DSK pouvait, dans certaines circonstances, se révéler très insistant auprès de ses interlocutrices pour assouvir ses pulsions ». Au point de les violer ?

A Libération, qui fait son autocritique à sa Une ce matin avec « Sexe, médias et polémique », on s'interroge. « Quitte à ramer à contre-courant de l'époque et contrairement aux injonctions entendues ici et là, Libération continuera, premier principe, à respecter la vie privée des hommes et femmes politiques. C'est un principe démocratique hypocrite aux yeux de certains mais fondamental » écrit Nicolas Demorand, directeur de la rédaction. « Un principe imparfait mais nécessaire » reconnaît-il. « Que des adultes consentants aient une sexualité libre, libérée, libérale, libertaire ou libertine ne regarde pas les journalistes qui ne sont ni des professeurs ni des modèles de vertu » insiste Demorand. « Nous avons raconté ce qui était racontable » plaide de son côté Renaud Dély dans Le Nouvel Observateur.



A Libération justement, le débat fait rage en interne depuis le début de l'affaire DSK. Un article d'Alexandra Schwartzbrod raconte les coulisses des discussions houleuses entre les reporters du quotidien. « Depuis quelques jours, on peut dire qu'il existe autant de points de vue que de journalistes » écrit-elle. « Tant qu'il n'y a pas d'infraction ou agression caractérisée, au nom de quoi on va enquêter sur ça  » se défendait hier un chef du service politique. Un autre pense en revanche que Libération a « trop souvent fermé les yeux sur ces histoires, il fallait enquêter ». « Le problème, c'est que les services politiques, consciemment ou inconsciemment ont peur d'être exclus des cerles de pouvoir » écrit-il.

Et c'est précisément ce que la presse américaine reproche aux journalistes français aujourd'hui : le mélange des genres, la relation incestueuse entre médias et politiques. « A code of silence » écrivait hier le très prestigieux New York Times à propos de nos médias. Certains se souviennent de Mazarine, la fille illégitime de François Mitterrand. Tout le monde savait à l'époque, personne ne l'écrivait, encore. Mais l'époque était tout autre. Ce secret-là aurait-il survécu en 2011 ? Pas si sûr. La presse française « est très en retard dans sa lucidité sur sa société à dominante masculine et blanche » dénonçait hier Médiapart. Yves Thréard du Figaro leur répond dans son édito ce matin : « Faut-il rappeler, là aussi, que tous les séducteurs ne sont pas des délinquants sexuels présumés ? Les journalistes français, sachant que DSK avait la réputation d’un Casanova, devaient-ils pousser plus loin leurs investigations ? Au nom de quel a priori, de quelle exigence ? D’une transparence aussi inquisitoriale que dangereuse ? »



Ce « secret de polichinelle » dont tout le monde se délecte aujourd'hui a exaspéré hier Bernard Henri Lévy, ami de 30 ans de DSK : « J'en ai marre de ces petits messieurs qui disent "mais on savait, c'était un secret de polichinelle" (...) Ecoutez, ces petits mecs, s'ils savaient tout ça, pourquoi ne le disaient-ils pas ? Dominique Strauss-Kahn est à terre, il est traité comme très peu d'hommes ont été traités dans l'histoire des démocraties modernes et vous avez des mecs qui se répandent en propos absolument indécents ! Qu'est ce que c'est de dire ça au moment où il joue sa vie, son destin ? Il dort en prison, choisir ce moment-là pour venir déballer son paquet, c'est absolument dégueulasse ! (...) Ils viennent applaudir la guillotine médiatique ». Entre information et peopolisation de la vie politique, dénoncée par beaucoup depuis dix ans, la frontière reste infiniment mince. Mais l'article 9 du code civil ne laisse pas de la place à l'interprétation : « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

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