Quelques minutes après la publication de la décision du CSA autorisant LCI à passer sur la TNT gratuite, puremedias.com a pu recueillir la réaction d'Alain Weill, le patron de NextRadioTV, la maison mère de BFMTV. Ce dernier a fait part de sa déception et dénonce une décision politique. Il confirme aussi son intention de saisir le Conseil d'Etat.
Propos recueillis par Benjamin Meffre
puremedias.com : Comment réagissez-vous à cette décision du CSA ?
Alain Weill : On réagit mal parce que c'est une décision qui est vraiment très négative. On considère que le CSA a renoncé à sa mission de régulation et qu'il a cédé aux pressions extérieures. Les arguments qu'il avance aujourd'hui pour justifier sa décision auraient pu être avancés il y a dix-huit mois. Il n'y a rien de nouveau et j'ai vraiment le sentiment que c'est une décision politique. On approche de l'élection présidentielle. On sent qu'il y a une vraie tension autour des chaînes d'information. Il y a un an, il n'y avait pas de place pour trois chaînes d'information. Maintenant, il va y avoir de la place pour deux nouvelles chaînes d'information. Finalement, on autorise aujourd'hui LCI et on autorisera demain la chaîne d'info publique. On n'est plus dans la régulation, on est dans la dérégulation, la loi du marché, la loi du plus fort.
Les arguments avancés par le CSA sont irrecevables selon vous ?
Ils ne sont pas appropriés. Ils auraient pu l'être il y a un an. Les nouveaux arguments ne correspondent pas à des changements dans la situation de LCI par rapport à il y a 18 mois (date de la première décision du CSA dans le dossier LCI, ndlr). Rien n'a changé sinon la décision du CSA. Le CSA se déjuge et ce, sans arguments nouveaux. On est très loin des valeurs du CSA consacrées par la loi, c'est-à-dire le pluralisme de l'information. L'argument avancé du pluralisme n'est ainsi pas recevable. Quand on affaiblit iTELE et BFMTV, on ne renforce pas le pluralisme. Ce n'est pas vrai ! Contrairement aux apparences, on renforce TF1, on renforce le premier acteur de l'information à la télévision en France. Ce n'est pas plus de pluralisme, c'est plus de TF1.
Est-ce que le CSA remplit sa deuxième mission qui est de développer le pluralisme des opérateurs ? Non ! Il affaiblit le seul nouvel entrant qui a des résultats positifs depuis 10 ans. Si vous prenez les nouveaux entrants depuis 10 ans, soit ils ont vendu, soit ils sont en difficulté comme NRJ ou L'Equipe. La seule chaîne qui gagne de l'argent, c'est BFMTV. Est-ce que c'est la mission du CSA d'affaiblir la seule chaîne qui avait atteint ses objectifs, qui avait de bons résultats ? L'entrepreneur que je suis dit non ! C'est une décision qui est extrêmement décevante et qui sera lourde de conséquences pour le paysage, pour les téléspectateurs. Les chaînes vont s'appauvrir et tout le monde regrettera l'époque où les chaînes d'information avaient un petit peu de moyens.
Est-ce que vous pensez que BFM est en danger après cette décision ?
BFM est affaiblie. Est-ce qu'elle va disparaître ? Non ! Elle est affaiblie et c'est sans doute l'objectif que recherchaient certains. Et c'est lamentable que le CSA s'en fasse le relais.
Vous parlez de pressions extérieures ? Vous pensez à des pressions politiques ?
Oui, des pressions politiques.
Ces pressions émanent-elles de l'exécutif ?
Sans doute.
Pour quelles raisons aurait-il exercé de telles pressions ?
En divisant, en affaiblissant, personne ne sort du lot. Ca réduit l'influence des chaînes d'information.
Ces pressions expliquent-elles les décisions différentes, favorable pour TF1 d'un côté, défavorables pour M6 et Canal+ de l'autre ?
Oui, on s'est concentré sur l'information, le sujet sensible.
Cette décision remet-elle en cause selon vous l'indépendance du CSA ?
Je m'interroge sur l'indépendance du CSA aujourd'hui. Effectivement.
Quelle va être la réaction du groupe NextRadioTV dans les prochaines semaines ?
La réaction va être de se remettre au travail dès demain car on n'a pas les moyens de se lamenter. On va vivre avec ça et évidemment entamer une procédure devant le Conseil d'Etat pour contester cette décision.