Cette nouvelle déclinaison numérique du magazine créé en 1953 par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud s'appuiera largement sur l'intelligence artificielle, notamment pour la traduction et la sélection des contenus. "L'IA sera un accélérateur", explique Alain Weill dans les colonnes de CB News, tandis qu'Éric Chol, directeur de la rédaction, a tenu à rassurer, en indiquant que dans ce projet, "l'IA ne se substitue pas au journaliste" mais représente "une aide très importante".
Le contenu éditorial sera composé à 30% d'articles issus de la rédaction française, le reste étant produit par des journalistes européens. La ligne éditoriale, encore en construction, devrait couvrir un large spectre de sujets, de la géopolitique aux sciences.
Une chose est sûre néanmoins : comme pour l'édition française, L'Express Europe ciblera une audience premium (décideurs, dirigeants économiques, universitaires et professions libérales), dans une logique de monétisation par les abonnements numériques. "Nous visons quelques milliers d'abonnés, environ 2.000 par pays, notre ambition est raisonnable", explique ainsi l'ancien patron de BFMTV au "Figaro". Cette stratégie s'inscrit dans la continuité du positionnement actuel du titre qui, avec un prix de vente papier à 6,90 euros, assume de s'adresser à une cible restreinte de leaders d'opinion.
La régie publicitaire L'Express Studio revendique ainsi la place de numéro 1 sur les CSP + en affinité dans l'univers des news magazines (ACPM One Next 2024 S2, en comparaison avec "Le Point", "Le Nouvel Obs", "Challenges") et affiche 1,2 million de lecteurs du magazine chaque semaine (selon l'étude ACPM One Next 2024 S2) ainsi que 6,6 millions de lecteurs et visiteurs uniques chaque mois (selon l'étude ACPM One Next Global 2024 S1). Avec une moyenne d'âge de 51 ans, le titre revendique également "le lectorat le plus jeune des news magazines."
Ce déploiement européen s'inscrit aussi dans une démarche plus globale de diversification que le groupe juge "inévitable" en raison de la concurrence croissante des plateformes en ligne. "L'Express" - dont le projet de chaîne TNT n'avait pas été retenu par l'Arcom - développe notamment ses salons virtuels "L'Express Connect" et renforce ses activités événementielles, en France et bientôt dans d'autres pays européens, en commençant par l'Espagne. Avec un objectif ambitieux : ces nouvelles activités devront représenter 50% du chiffre d'affaires du groupe d'ici 2026.
Le groupe L'Express, qui affiche actuellement 80.000 abonnés et 25 millions d'euros de chiffre d'affaires sur sa seule activité de presse en 2024, fait donc le pari d'une transformation profonde tout en préservant son ADN. "Le journal restera toujours une priorité", assure Alain Weill au site Influencia. Au passage, celui qui est propriétaire à 100% du groupe depuis l'an dernier se félicite d'avoir ramené "L'Express" à l'équilibre financier en 2024 - une première en dix ans - alors que lors de son rachat en 2019, l'entreprise perdait 12 millions d’euros.
Cette offensive européenne intervient dans un contexte où le marché de l'information devient "un monde sans limite, qui s'internationalise grâce à l'IA". Face à cette évolution, "L'Express" a donc choisi de prendre les devants et d'anticiper l'arrivée prochaine de concurrents européens et américains sur le marché français.