Alain Weill entend bien poursuivre son aventure entrepreneuriale dans les médias. Parti en juin dernier d'Altice, propriétaire de ses anciens actifs audiovisuels (RMC, BFMTV, RMC Découverte), l'homme d'affaires se concentre désormais sur "L'Express", un titre de presse qu'il a racheté en 2019 à son ex-employeur.
Avec le journal fondé en 1953 par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, Alain Weill entend suivre la même stratégie qu'il y a 20 ans avec RMC. Après un rachat pour une bouchée de pain en 2001 de cette marque patrimoniale créée en 1943, le tycoon français l'avait totalement reformatée. La station moribonde s'était rapidement muée en entreprise rentable, point d'ancrage du petit empire audiovisuel constitué ensuite par Alain Weill.
"C'est un peu la même idée", reconnaît aujourd'hui devant la presse Alain Weill à propos de "L'Express". C'est ainsi que ce journal, en grande difficulté depuis plusieurs années, est devenu en janvier 2020 un "The Economist" à la française. Affichant désormais un prix de 5,90 euros, l'hebdomadaire se positionne désormais sur un créneau haut de gamme et veut séduire les "leaders d'opinion". "C'est un médecin, un pharmacien, un avocat, un chef d'entreprise de TPE-PME, un chef d'entreprise du Cac 40, un enseignant ou un étudiant", énumère Alain Weill au sujet de cette "cible resserrée". Libérale assumée, la ligne éditoriale du journal doit quant à elle faire la part belle à l'économie, la politique et l'international via des enquêtes, des formats longs, de l'infographie et de l'audio.
"Nous voulons être les leaders de l'information payante, un marché en croissance", proclame l'homme d'affaires. Si "L'Express" refuse de communiquer sur son chiffre d'affaires, il vise en tout cas le retour à l'équilibre en 2022, après "20 ans de pertes". Celles-ci ont déjà été nettement réduites, passant de 12 millions d'euros en 2019 à 6 millions en 2020 et près de 3 millions en 2021, malgré la crise sanitaire. Il faut dire qu'entretemps, le titre de presse a drastiquement réduit ses frais fixes dans le cadre d'un plan de transformation "sans concession", de l'aveu même de son patron. Le journal s'est au passage séparé de bon nombre de ses salariés. "Si nous avons eu beaucoup de départs, nous avons aussi eu beaucoup d'arrivées", tient à souligner Eric Chol, le patron de la rédaction de l'hebdomadaire, qui compte dorénavant environ 65 journalistes en CDI, pour près de 120 salariés en tout.
Revendiquant 100.000 abonnés, "L'Express" entend doubler ce chiffre d'ici 2023, pour les 70 ans du journal. Pour solidifier le modèle économique de "L'Express", Alain Weill veut aussi le diversifier. L'hebdo devrait bientôt organiser des évènements autour de ses thématiques de référence comme la santé, le numérique ou l'économie. Il proposera aussi prochainement des Masterclasses en vidéo autour de personnalités "inspirantes". "Un premier pas vers la télé", commente le créateur de BFMTV, qui laisse entendre que d'autres pourraient suivre prochainement, notamment dans le domaine du documentaire.
Les intentions d'Alain Weill sur le marché des médias restent pour l'instant floues. "Pour survivre, une entreprise est condamnée à la croissance. Je veux refaire de 'L'Express' un groupe", se contente d'affirmer l'homme d'affaires. S'il convient vouloir racheter "un jour" les parts de "L'Express" encore détenues par Altice (49%), il dit aussi observer de près des thématiques porteuses sur le numérique comme "le local" ou le "sport", sans plus de précisions. Une chose semble acquise : après NextradioTV et Altice, l'acte III de son aventure entrepreneuriale dans les médias devrait passer davantage par la création que par l'acquisition de marques existantes. "J'ai lu cet été la biographie de Jeff Bezos (propriétaire du 'Washington Post', ndlr)", confie en souriant Alain Weill. Sans doute de quoi trouver l'inspiration.