Un grand bordel, moins d'arrogance, moins de promo, plus de bienveillance, des invités moins nombreux : les promesses étaient nombreuses pour cette rentrée du "Grand Journal" de Canal+ version Antoine de Caunes. Ont-elle été tenues ? Après plusieurs semaines de préparation et le recrutement de nouveaux chroniqueurs, le comédien et réalisateur a jeté à 19h10 l'ancre de ce paquebot, réputé très difficile à manoeuvrer. Même si la première ne ressemblera probablement pas à la dernière, petit bilan de l'épisode 1 saison 10, très attendu par les téléspectateurs et les observateurs.
Antoine de Caunes voulait un plateau resserré, un public proche de lui. La nouvelle configuration est plus minimaliste, non sans rappeler celle de "Nulle part ailleurs". Le comédien a joué son entrée sur un pré-générique aux sons de la bande originale de la série "The Newsroom". Après un monologue bourré d'autodérision face caméra sur son parcours, Antoine (comme le présente le générique, par son prénom) a accueilli le seul et unique invité, Manuel Valls. Une première, "Le Grand Journal" avait l'habitude d'empiler les intervenants à cette heure pour séquencer l'émission et créer à chaque instant une porte d'entrée pour le téléspectateur.
Le nouvel anchorman de cette tranche stratégique voulait une parole qui "circule". Elle a surtout tourné autour de Manuel Valls ce soir, seul intervenant de la partie actu. Après un face à face avec Jean-Michel Aphatie qui avait le mérite de planter le décor, quelques questions hésitantes de Jeannette Bougrab et une page de pub, on tourne vite en rond malgré la présence de magnétos courts et efficaces pour baliser l'entretien.
Quatre interviewers politiques (Aphatie, Bougrab, Jouan, Rissouli), c'est beaucoup trop pour un seul homme, même s'il s'agit du ministre de l'Intérieur. Les questions, souvent redondantes, ont donné une interview sans pep's. Il manque clairement sur cette première partie une présence féminine pour rythmer et "ambiancer" le plateau, Ariane Massenet et Daphné Bürki tenaient ce rôle. Il aura fallu pour ça attendre près de 20 heures avec l'excellente Doria Tillier, qui a livré l'une de ses meilleures chroniques, grimée en cagole du Sud.
La P2 se voulait plus tainment qu'info, emprunter certains codes aux late shows américains. A trop vouloir évacuer la promo, on a bien failli se demander ce que faisait Benoît Poelvoorde sur le plateau. Tout comme Jeannette Bougrab, restée en place sans lâcher un seul mot. Le comédien belge, intronisé parrain de l'émission, n'a pas manqué de générosité avec un sketch tourné à Namur pour convaincre Woody Allen de venir y réaliser son prochain film. Combien de stars se prêteront à ce jeu ? La très courte deuxième partie de l'émission s'est terminée dans un joyeux bordel avec Sébastien Thoen et Arié Elmaleh sur une mémorable reprise de "Get Lucky" des Daft Punk au ukulélé.
Il voulait s'amuser, Antoine de Caunes a sans doute pris son pied, ce soir, dans son "Grand Journal". Pas très stressé, le comédien et réalisateur a tenu l'émission de bout en bout, avec quelques jeux de mots douteux dont il est coutumier pour justifier le salaire de ses dix auteurs.
"Le Grand journal" n'a pas tout a été fait un "grand bordel" et devra se roder avant de "partir en vrille" comme Antoine de Caunes l'espèrait. Mais l'intention était là : renouer avec un certain esprit Canal, que la chaîne tente de ressusciter depuis plusieurs années. Antoine de Caunes a prouvé ce soir qu'il est incontestablement le mieux placé pour le sortir de terre. Reste à savoir si les téléspectateurs adhèreront à ce changement radical de ton. Rendez-vous demain à 9h15 sur puremedias.com pour connaître l'audience de cette première.