Interview
Ara Aprikian, D8 : "On veut apporter de la nouveauté aux téléspectateurs"
Publié le 14 janvier 2013 à 11:15
Par Julien Lalande
Entretien avec Ara Aprikian, président de D8. Trois mois après son lancement, retour sur les premières performances de D8 et sur l'actualité de la chaîne.
Ara Aprikian, président de D8 Ara Aprikian, président de D8© Canal+/Lahache
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Relancée le 8 octobre 2012, après son rachat par le groupe Canal+, le huitième canal de la TNT a considérablement évolué. Nouvelle chaîne - D8 succède à Direct 8 -, nouvelle ligne éditoriale, nouveaux visages, nouvelles émissions, nouvelle identité visuelle mais aussi nouveau coût de grille avec une inflation des budgets. A moyen terme, le coût annuel des programmes devraient plus que doubler pour dépasser la centaine de millions d'euros.

Moins de trois mois après le lancement, les audiences ont sensiblement progressé : l'écart entre D8 et le duo W9/TMC n'a jamais été aussi faible. Certains programmes se sont rapidement installés ("Touche pas à mon poste", "En quête d'actualité", "Nouvelle Star") tandis que d'autres peinent à convaincre ("Amazing race", "Le Grand 8", "Le JT" du soir). Entretien avec Ara Aprikian, directeur général adjoint du groupe Canal+ en charge des activités de télévision gratuite et président de D8.

Propos recueillis par Julien Lalande

puremedias.com : Débutons avec le grand succès de la TNT du moment : "Nouvelle Star". A la veille du passage au direct, le programme affiche une moyenne supérieure à 1,5 million de téléspectateurs et 10% des ménagères de moins de cinquante ans. Ce sont des scores qui sont au-delà de vos espérances ?

Ara Aprikian : J'essaye de ne pas avoir d'objectif programme par programme mais je ne peux être que subjugué par ces scores. A certains moments, nous sommes troisième chaîne nationale sur notre coeur de cible, les CSP+. Au-delà de ça, la perception de qualité de l'émission est très forte. Tout ceux qui ont vu le programme peuvent témoigner que la qualité de production est largement égale à ce qu'on a pu voir par ailleurs. La qualité des talents l'est tout autant. Je suis donc très confiant pour les directs qui démarreront demain. J'ai pu voir le décor qui sera installé sous un chapiteau : on aura un très beau plateau. On veut démontrer qu'on peut faire du divertissement populaire de qualité sur une nouvelle chaîne de la TNT.

Jusqu'à présent, "Nouvelle Star" a peu évolué par rapport à sa version diffusée sur M6. Les directs vont-ils apporter davantage de nouveautés ?

Le format est le même, après nous préparons quelques surprises dans la mécanique des directs comme vous pourrez le voir dès demain... Il y aura également une intégration à l'antenne des réactions de téléspectateurs postées sur Twitter. Sur le site de D8, en simultané, nous proposons également aux internautes un aperçu des réactions sur les réseaux sociaux grâce à notre partenaire TrendR. Je note d'ailleurs que notre site fait déjà de grosses audiences avec "Nouvelle Star" et le "Palmashow".

Vous parliez de la qualité des programmes, un argument qu'on entend peu parmi les chaînes gratuites hormis celles de France Télévisions. Comme à Canal+, est-ce un facteur clef dans vos décisions ? Avez-vous un outil comme le groupe public ou Canal+ pour mesurer la satisfaction des téléspectateurs ?

Pour l'instant, on n'a pas d'outil spécifique. A contrario de Canal+, on ne gère pas des abonnés donc ce n'est pas tout à fait la même chose. Mais c'est vrai qu'on est très attentif à la qualité perçue de notre offre. La qualité visuelle, la qualité éditoriale et la fraicheur de nos émissions sont pour nous des facteurs des très importants.

En day time, "Navarro" réalise de très fortes audiences l'après-midi (459.000 téléspectateurs en moyenne et 6,1% de parts d'audience pour l'épisode de 15h10). Le programme n'est pourtant pas tout "frais" et apparaît assez atypique dans votre grille. Ces licences de chaînes historiques sont un passage obligé pour les "petites" chaînes de la TNT ?

"Navarro", initié par de bons producteurs et à TF1 à l'époque par Claude de Givray, un scénariste de François Truffaut et le "père" des héros récurrents, reste une série très bien écrite, très bien construite même si, c'est vrai, elle n'est pas toute récente. Elle n'est pas en contradiction avec notre ligne éditoriale. Le fait de pouvoir offrir en journée quelques programmes très connus meme s'ils sont plus anciens, c'est, je pense, la bonne adéquation qui nous permet de faire aussi des paris plus inédits, plus récents, peut-être aussi plus risqués en prime time.

Un peu plus de trois mois après la relance du huitième canal, quel bilan faites-vous des premiers mois de D8 ?

On a fait très nettement progresser les audiences du canal. Sur l'ensemble du public (nous étions à 3% de parts d'audience en décembre, comme sur les dix premiers jours de ce mois-ci) tout comme sur nos cibles prioritaires : les performances du canal sur les CSP+ et les 25-49 ans ont progressé de manière très significative. Après trois mois d'exploitation, je suis donc très satisfait par nos performances, mais aussi par ce que nous avons mis à l'antenne. C'est très prometteur. Notre objectif principal, je le rappelle, c'est de créer modestement une chaîne généraliste CSP+ fondée sur du divertissement de qualité et qui apporte une vraie offre alternative aux téléspectateurs. Sur le long terme, on veut parvenir à imposer notre modèle qui nous semble différent de l'offre actuelle sur la TNT.

Parmi les programmes très puissants dans votre offre : votre access "Touche pas à mon poste", programmé en inédit du lundi au jeudi. Réfléchissez-vous à ajouter une émission le vendredi ?

Le divertissement de Cyril Hanouna réalise des audiences très importantes sur toutes les cases où il est diffusé. Les scores sur nos cibles prioritaires (CSP+ et 25-49 ans) sont énormes. C'est un très gros succès. Ce passage réussi de Cyril au quotidien confirme qu'il est un des grands animateurs de divertissement du PAF. En ce qui concerne le vendredi, nous proposons pour l'heure une rediffusion de l'émission hebdomadaire diffusée le jeudi en deuxième partie de soirée. Les scores sont strictement équivalents aux émissions diffusées du lundi au jeudi parce que ce ne sont pas les mêmes publics qui regardent les deux émissions. Mais pourquoi pas proposer dans un second temps une émission inédite le vendredi...

Est-il vrai que vous pourriez délaisser votre offre de deuxième partie de soirée pour privilégier des programmations davantages verticales ?

Globalement, on voit que les programmations verticales sont intéressantes mais il n'est pas du tout question d'abandonner l'émission de deuxième partie de soirée de Cyril qui est extrêmement performante. Ni celle de Thierry Ardisson, "Tout le monde en a parlé" le vendredi soir.

Est-ce que Cyril Hanouna sera de retour en prime time en 2013 ?

Les prime times de Cyril Hanouna pendant les fêtes ont été très concluants. On va lancer à partir du printemps d'autres séries d'émissions en prime time. On réfléchit soit à lancer une nouvelle marque, soit à faire des spéciales de "Touche pas à mon poste". On ne fera pas plus de 5 à 6 prime times. Nous les programmerons soit en mensuel, soit par salve. On veut gérer la présence à l'antenne de Cyril de manière précautionneuse. Il faut qu'il reste concentré sur l'access, surtout que nous pensons qu'il y a encore du potentiel pour que "Touche pas à mon poste" progresse de nouveau.

Autre pari de D8 : "Le Grand 8". L'émission a débuté faiblement et sa programmation a évolué à plusieurs reprises. Quel premier bilan faites-vous de ce talk-show ?

Il y a eu une campagne de presse négative disproportionnée sur "Le Grand 8". L'émission a connu un seul vrai changement de programmation en cette rentrée de janvier : son installation entre 11 heures et midi, avec une formule et un décor remaniés et une retransmission en direct. Je pense que cette nouvelle formule est assez prometteuse. On revient sur des codes plus classiques qui permettent d'avoir un rythme d'échanges plus intense et qui correspond sans doute au type de consommation français. On s'éloigne ainsi des codes américains que nous avions tentés au départ. De plus, le nouvel horaire me semble davantage convenir à une émission de ce type. Je pense que les audiences vont assez vite progresser. Les premiers résultats sont d'ailleurs prometteurs : l'émission réalise désormais des scores contributifs sur la cible des CSP+.

On entend beaucoup dire que "Le Grand 8" est une émission très chère à produire au regard de sa programmation, à 11 Heures, un horaire peu stratégique à la télévision. L'émission peut-elle être rentable ?

D'abord, ceux qui ont parlé du coût de cette émission ne le connaissent pas. Ce n'est pas une émission chère : elle est produite avec les moyens techniques de la chaîne, dans nos studios, avec nos personnels. Sur le plan éditorial, tous les coûts sont maitrisés et ils correspondent à ceux que nous voulions pour cette tranche. Enfin, l'émission contribue à la construction de notre modèle de chaîne généraliste grand public.

Le 25 décembre, vous avez achevé la diffusion de votre jeu d'aventures "Amazing Race". Après un démarrage encourageant, l'émission n'a cessé de perdre des fidèles.

Nous faisons un bilan contrasté de ce programme. Je suis content de l'avoir fait : il était bien produit et en adéquation avec la ligne éditoriale et notre ambition dans le divertissement. Mais je suis obligé de constater que l'audience n'a pas été au rendez-vous. Est-ce qu'on l'a lancé un peu trop tôt, à un moment où la chaîne n'était pas assez puissante pour lancer une nouvelle marque ? Est-ce qu'il y a des choses que nous avons mal faites ? Je n'ai pas d'explications satisfaisantes. Nous n'avons pas encore pris notre décision sur le renouvellement ou non de l'émission. Dans tous les cas, "Amazing race" nous a permis de prendre conscience qu'une marque inconnue était difficile à lancer, d'autant plus quand la chaîne se lance. Il ne faut peut-être pas tout vouloir faire en même temps...

"Nouvelle Star", "Amazing Race"... Est-ce qu'il y a d'autres formats sur lesquels vous réfléchissez ?

On regarde d'autres formats effectivement, notamment dans le divertissement. Nous veillerons beaucoup à respecter notre ligne éditoriale.

On a parlé de projets de prime times où des célébrités s'affrontent, notamment dans un jeu d'aventures ("Amazing Race") ou un concours de plongeons. Est-ce que de tels projets sont compatibles avec votre ligne éditoriale ?

On regarde au cas par cas, sans idée préconçue. On veut essayer d'apporter de la nouveauté aux téléspectateurs.

Outre le divertissement, votre offre en prime time est composée de films, de séries françaises et étrangères et de magazines. Quel regard portez-vous sur les performances réalisées jusqu'ici ?

L'info, dirigée par Guy Lagache, fait partie pour moi des grandes réussites de la chaîne. Nous avons prouvé que nous étions capables d'installer de nouvelles marques assez rapidement, comme "En quête d'actualité", "En quête de solutions". Ce sont deux émissions exigeantes, de qualité, dans la très grande majorité inédites et qui marchent très bien. Je note également que notre JT du soir progresse depuis son changement de programmation à 20h30.

Sur le cinéma, nous essayons d'imposer une ligne éditoriale exigeante, tout en ne reniant pas les films pop corn et les blockbusters. Nous nous apercevons que proposer des films exigeants n'est pas forcément pénalisant en termes d'audience. On va chercher des films que les autres chaînes ont délaissés, comme "Eyes Wide Shut" de Stanley Kubrick ou "Lady Chatterley" de Pascale Ferrand. Notre goût pour le cinéma témoigne de notre filiation avec notre propriétaire Canal+.

Sur les séries étrangères, le bilan est en demi-teinte. Je suis plutôt satisfait par le lancement de "The Event" samedi qui a fait progresser la case (sans le bug technique de la deuxième soirée qui a affecté notre audience). En revanche, "Camelot" a été une déception même si la qualité du programme n'est pas en cause. On aura d'autres séries étrangères à l'avenir mais les cases de diffusion ne sont pas prédéterminées.

La création française enfin, où nous avons réalisé plusieurs fois le million de téléspectateurs. C'est un genre qui est emblématique de notre capacité à émerger comme une nouvelle grande chaîne. "Braquo" et "Engrenages" sont des programmes qui ont permis de redynamiser fortement la création française. Les offrir gratuitement sur la TNT, c'est un vrai plus pour les téléspectateurs.

Aux côtés de "Braquo", "Engrenages", "The Event", est-ce que d'autres grandes marques parmi les programmes diffusés sur Canal+ pourraient être proposées sur D8 ?

Comme ?

Je pense notamment à "Homeland" et aux "Revenants" qui ont été de grands succès sur Canal+ ces derniers mois...

On verra... Plus globalement, je ne veux pas répondre car nous nous ne sommes pas encore décidés et que je veux respecter, pour chacun des projets, la bonne temporalité.

Quels sont les futurs chantiers de D8 ?

On a beaucoup de projets pour la saison 2013-2014, notamment en périphérie de notre access porté par Cyril Hanouna pour rendre notre grille encore plus performante. Plus proche de nous, nous remodelons la grille du samedi après-midi avec davantage de téléfilms. Nous avons également racheté la licence "Mac Gyver". Je souligne également qu'on refait de la gym le matin en direct avec l'émission "Gym Direct". On a plusieurs autres petits projets pour cette tranche-là même si ce n'est pas notre priorité N°1.

On entend parler de l'arrivée prochaine de Christophe Hondelatte sur D8. Qu'en est-il ?

La vérité, c'est que nous avons eu des discussions avec Christophe dans le passé. Pour l'instant, ça ne s'est pas concrétisé sur un projet. Il fait partie des animateurs et des journalistes de talent que nous apprécions. Mais il n'y a pas projet à court terme avec lui. Je remarque d'ailleurs que Christophe s'est engagé avec une autre chaîne de la TNT gratuite (Numéro 23, NDLR).

Il ne présentera donc pas le magazine "So France" produit par Capa ?

Non. On n'a d'ailleurs pas encore acté si ce magazine sera incarné par un présentateur. Mais "So France" arrivera à l'antenne d'ici l'été.

En revanche, vous avez annoncé l'arrivée de Frédéric Mitterrand sur D8 lors du lancement de la chaîne. Son émission "Terres lointaines" est-elle prévue pour cette saison ?

Non, ça fait partie des projets que nous avons mis en stand-by puisque Frédéric Mitterrand est occupé par d'autres activités. Mais nous continuons à discuter avec lui.

Ces deux émissions se placent sur le terrain de la culture, du patrimoine, des thématiques généralement délaissées par les chaînes privées...

C'est pour ça que nous allons peut-être faire une chose à la fois. On a déjà un projet, "So France", qui va mélanger patrimoine, enquête et belles histoires avec un traitement journalistique.

Fin 2012, vous avez diffusé plusieurs programmes très attendus en pleine nuit. Etait-ce vraiment une erreur comme on a pu le lire ou une astuce d'ordre comptable comme le disent vos concurrents ?

No comment.

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