BFM Business perd son directeur général. Selon une information révélée par nos confrères de "Libération", Pierre Fraidenraich, directeur général de BFM Business, a présenté sa démission au groupe Altice. Ce départ intervient au lendemain de révélations parues dans "La Lettre A". Celles-ci rapportaient l'existence d'une enquête préliminaire du parquet financier de Paris portant sur des mouvements de fonds liés à l'organisation par "Libération" d'un forum à Libreville au Gabon en 2015. Pierre Fraidenrach était à l'époque directeur opérationnel du quotidien.
"(Pierre Fraidenraich) a annoncé son intention de quitter le groupe à la suite de l'affaire du forum de 'Libération' au Gabon. J'en prends acte", a déclaré Alain Weill, PDG d'Altice Europe, dans "Le Monde". Selon la direction de "Libération", Laurent Joffrin, directeur de la publication, et Pierre Fraidenraich ont été entendus en qualité de "témoins" par les enquêteurs. Ils travaillent sur des pistes d'éventuels faits de blanchiments, de surfacturations et de détournements de fonds. La justice semble s'interroger sur des potentielles irrégularités et des montages financiers offshore suspects.
En octobre 2015, "Libération" avait organisé un forum à Libreville, capitale du Gabon. Selon la rédaction de "Libération", qui a "sommé" sa direction de s'expliquer, l'agence publique gabonaise qui a financé l'événement avait à l'époque versé 3,45 millions d'euros. Dans le détail, "Libération" a facturé 450.000 euros en direct, le solde de 3 millions d'euros étant versé à la société Presse Media Participations (PMP), qui était alors actionnaire majoritaire au capital du journal. Sur cette somme de 3 millions d'euros, une commission de 500.000 euros aurait été versée à Nadine Diatta, une conseillère en communication qui est aussi la belle-soeur du directeur de cabinet d'Ali Bongo, le président du Gabon.
Contactée par "Libération" , Nadine Diatta dément avoir été rémunérée. Mais, selon "La Lettre A", ce point interroge fortement les enquêteurs. Pierre Fraidenraich s'était en effet associé avec la soeur de Nadine Diatta et Eveline Diatta-Accrombessi, la femme de Maixent Accrombessi, le directeur de cabinet d'Ali Bongo, pour lancer la chaîne de télévision panafricaine Edan. Une société "détenue par la famille Fraidenraich qui était devenue actionnaire de la chaîne en janvier 2015", explique "La Lettre A".
Mercredi soir, dans un communiqué, la rédaction de "Libération" a dit se sentir "trompée". Dans un article, elle explique que l'organisation de ce forum avait donné lieu à de vifs débats au printemps 2015. "La nature du régime de Libreville et le risque de flux financier frauduleux", avait posé problème relate la rédaction. Une assemblée générale avait par ailleurs réclamé le respect de six critères, dont une validation éditoriale du contenu ou la participation d'ONG à l'organisation. Elle réclamait également l'interdiction pour un acteur de financer plus de la moitié de l'événement.
La rédaction affirme ne jamais avoir été informée de l'encaissement des 3 millions d'euros par la société PMP. "Le montage financier a été totalement dissimulé à la rédaction", regrette la société des journalistes et du personnel. "Seule la somme de 450.000 euros, correspondant au coût d'organisation du forum sur place, a été communiquée aux élus", est-il précisé. Réunis mercredi après-midi en assemblée générale, les salariés, "ont exprimé leur colère et leur déception", explique le communiqué de la société des journalistes. Une nouvelle assemblée générale est prévue ce jeudi.
Mercredi, Laurent Joffrin a concédé une "erreur" devant la rédaction et a assuré ne pas avoir été au courant des détails du contrat avec l'agence gabonaise commanditaire du forum. "J'ai manqué de vigilance ou de rigueur. J'ai pensé agir dans l'intérêt du journal. De temps en temps, quand on gère une entreprise en grave difficulté financière, on est acculé à des expédients", s'est justifié Laurent Joffrin dans des propos rapportés par la rédaction. Laurent Joffrin a notamment rappelé les "problèmes de trésorerie" du journal qui avait bouclé l'année 2015 avec un résultat net négatif de 3,2 millions d'euros.