Après la fin de sa carrière de footballeur, Bixente Lizarazu s'est immédiatement reconverti en consultant. D'abord sur Canal+, puis RTL, puis "L'Equipe" avant d'arriver sur TF1 où il commentera les principaux matchs de la Coupe du monde 2014, avec Christian Jeanpierre et Arsène Wenger. Le champion du monde 1998 a réussi sa reconversion mais ce qui lui importe le plus, c'est sa vie au Pays Basque, comme il l'explique dans cette interview réalisée dans le cadre de notre journée spéciale.
Propos recueilllis par Julien Bellver et Benoît Daragon.
puremedias.com : Votre reconversion dans les médias, c'était une volonté de départ ou un concours de circonstances ?
Bixente Lizarazu : Quand tu arrêtes le foot, tu ne sais pas tellement ce que tu as envie de faire. Donc tu profites des propositions pour expérimenter. J'ai accepté de travailler en télévision pour voir ce que ça pouvait donner, pour voir si ça pouvait me plaire. Mais j'ai surtout fait un choix de vie. Pour des raisons personnelles, je voulais me réinstaller au Pays basque. C'était important de revenir chez moi, pour continuer à faire du sport et voyager. A partir de là, il fallait que je trouve un métier qui me permette de faire des aller-retours. J'ai eu une approche très pragmatique de ma reconversion. La vie d'entraineur par exemple, c'est être en permanence en déplacement. Et après dix ans à l'étranger, en Allemagne et à Bilbao, je voulais revenir chez moi. Je cherchais donc à apprendre un vrai métier tout en ayant une vie équilibrée. Je me suis dit que les médias me permettraient d'avoir le style de vie que je voulais avoir. Donc ça c'est fait comme ça, naturellement. Ca fait sept ans maintenant et je n'ai pas vu le temps passer.
En 2006, quand Canal+ vous a proposé de faire la Coupe du monde 2006 et la Ligue des champions, vous avez abordé ça comment ?
La première personne qui m'a proposé d'être commentateur, c'est Etienne Mougeotte. Il m'en a parlé un jour alors que j'étais encore en équipe de France. Il m'avait dit que j'avais des qualités pour faire ce métier. C'était resté en suspens. Mais c'est Alexandre Bompard qui m'a fait en premier une proposition pour Canal+. J'ai commencé en tant que consultant classique. On te pose des questions, tu y reponds. J'ai appris à adapter mon discours au temps dont je bénéficiais. Il a fallu apprendre à être précis, à angler mes propos.
Puis il y a eu RTL. Avec la radio, j'ai pris la casquette de présentateur, d'intervieweur. Je suis à la fabrication, j'écris le conducteur. Il y a un vrai travail d'équipe. Ce n'est plus du tout le même travail que d'attendre qu'on te pose des questions. C'est plus rigoureux. J'ai commencé aussi à faire des chroniques dans L'Equipe puis je suis arrivé sur TF1. L'année dernière, j'ai fait des documentaires avec la série "Frères de sport" sur Eurosport. J'ai appris à raconter des histoires. J'aime le côté artisanal.
Vous avez appris sur le tas ou vous avez eu des formations ?
Je n'ai pas eu de formation de journaliste, j'ai appris sur le tas mais j'étais bien entouré. Notamment par Christian Ollivier, le patron des sports de RTL. Au début, on débriefait longuement l'émission. J'ai appris à poser ma voix et à faire vivre mes lancements pour que ce soit moins scolaire. J'ai réussi à trouver mon ton, en restant naturel. Et puis j'ai la chance de côtoyer beaucoup de journalistes, et je les ai observés...
Vous vous sentez journaliste ?
Non. Je n'ai pas de carte de presse. Je n'en ai pas besoin pour faire mon métier.. Je suis... Je... travaille dans les médias ! (rires)
Vous avez acquis vos lettres de noblesse quand vous avez analysé à chaud sur TF1 la débâcle de l'équipe de France en 2010 et la grève du bus. Ca a été un déclic pour vous ?
Je ne sais pas si ça a été un déclic. C'est votre perception de journaliste. Moi, je pense que les trois premières années, sur Canal+, je n'avais pas les idées complètement figées sur mon nouveau métier. Je me sentais encore dans une phase d'expérimentation. En 2009, quand le "Club Liza" est arrivé sur RTL, je me suis dit que c'était parti. Je l'ai fait avec le même professionnalisme que quand j'étais footballeur : j'ai beaucoup bossé ! Donc le déclic, ça a été au bout de 2-3 ans quand je me suis aperçu que ça me plaisait et que je me sentais bien. Par hasard, c'est tombé à peu près pendant la Coupe 2010 où l'actualité était un peu dingue. Mais ce n'est pas la débâcle des Bleus qui m'a révélé que j'aimais ce metier.
2010, ça a coupé les liens affectifs que vous aviez avec l'équipe de France ?
Il y a eu des déceptions, oui. Mais je garderai toujours un lien affectif avec l'équipe de France. J'y ai joué pendant 12 ans. J'ai gagné la Coupe du monde et le championnat d'Europe. Ca marque à vie !
Quand on a été champion du monde, comme vous, est-ce qu'on a la liberté de dire les choses différemment ?
Je ne sais pas... Je dis les choses comme je les pense. Je ne suis pas le sens du vent. Je dis les choses par instinct. En 2012, quand beaucoup de monde tapait encore sur Ribery en équipe de France, par exemple, je rappelais systématiquement qu'il était excellent au Bayern de Munich.
Mais votre titre de champion du monde vous donne la légitimité de dire des choses plus franches, notamment en 2010 ! Ca vous plait cette liberté ?
Je fais du foot depuis l'âge de 7 ans. Le sport en général, c'est ma vie. Heureusement que j'ai une crédibilité dans le sport ! Je parle d'un sujet que je maîtrise et je suis sur les trois médias les plus importants dans leur domaine. Tous les jours, je fais une revue de presse poussée pour avoir le maximum d'informations. Mais le plus dur, c'est de capter ce quelque chose qui est lié à l'humain. Il y a des choses dans le football qui sont liées au rapport entre des joueurs et leur entraineur et ça, ça nous échappe un peu forcément.
Vous ne côtoyez pas les nouveaux joueurs ?
J'en ai croisé certains et je sais que, humainement parlant, des mecs comme Hugo Lloris, Blaise Matuidi, Yohan Cabaye ou Rio Mavuba sont des mecs de qualité !
Ils vous disent quoi vos anciens co-équipiers de l'équipe de France ou du Bayern de votre reconversion ?
Je ne sais pas (rires). On ne se parle pas de nos métiers respectifs quand on se croise. On essaye de passer des bons moments. On refait le monde, on essaye de savoir si chacun va bien. Je suis très heureux de voir que Didier et Laurent font partie des meilleurs entraineurs français ; que Zizou va devenir entraineur. Pour Duga, ça marche très bien dans les médias. Et je suis triste si je sais que certains se posent des questions ou n'arrivent pas à trouver leur chemin. Après le football, il y a des catastrophes. Il y a des mecs qui vivent très, très mal l'arrêt de leur carrière, qui n'arrivent pas à trouver un chemin, qui trouvent leur vie insipide après. Ce n'est pas si simple que ça. Donc arriver à renaître, c'est un joli challenge. Moi, en tout cas, je l'ai vécu comme ça. Mais pour 50% des mecs, et même peut-être plus, ça ne se passe pas bien. C'est la réalité du football. Et je pense que plus le temps va passer, moins ça va aller.
Il n'y a personne pour encadrer ceux qui galèrent ?
Non. Ils doivent se débrouiller tout seuls... Toutes les reconversions ont leur mérite, y compris pour ceux qui ne font plus du tout de football.
Quand vous voyez les reconversions sportives de Laurent Blanc, de Didier Deschamps ou même de Zidane au Real ou de Willy Sagnol, ça vous donne des idées ?
Je ne me suis clairement pas engagé vers ça. Il y a peu de chances que ça se présente. C'est incompatible avec ma vie actuelle. Il faudrait remettre en cause tout mon mode de vie auquel je suis très attaché... Je ne me vois pas casser tout ce que j'ai construit... Et j'ai de la suite dans les idées (rires). Mais il ne faut jamais dire jamais. Dans la vie il y a des cycles, on ne peut jamais savoir à l'avance. Il y a un an, Willy Sagnol ne savait vraiment pas qu'il entrainerait un club comme les Girondins. Il n'était même pas certain de vouloir être entraineur.
Et la carrière de Jean-Michel Larqué, ancien joueur travaillant lui aussi "dans les médias", ça vous inspire quoi ?
Sa carrière, qui n'est pas finie, est évidemment un exemple. Sa longévité n'est pas un hasard... Quel que soit le métier, le plus dur, c'est de durer ! Mais j'aime bien l'idée d'avoir plusieurs vies... Je vais construire des trucs à côté du foot. Il y aura des choses qui vont venir se greffer.
Vous êtes à la retraite depuis 2006. Vous avez regretté de ne pas avoir fait le Mondial 2006 ?
Non, j'avais fait le choix de quitter l'équipe de France en 2004. A cette époque-là, Zizou et Lilian arrêtaient. Je pensais que c'était la fin d'une histoire et que c'était le moment pour moi d'arrêter. Et quand ils ont finalement décidé de revenir, je ne les ai pas suivis car j'avais deux ans de plus qu'eux.
L'autre jour, Frank Leboeuf expliquait qu'il ne se passait pas une journée sans qu'on lui parle de 98. Vous aussi ?
Pareil. Sauf quand je passe la journée en mer sans voir personne (rires).
C'est énervant ?
C'est très agréable (il sourit). On a réussi dans notre vie à faire un truc comme ça. On a atteint ce qu'il y avait de plus haut dans notre discipline. On a touché le Graal. Un rêve de gosse. On a fait vibrer notre pays et les gens s'en souviennent encore. Comment cela pourrait ne pas être agréable ?
Les gens sont nostalgiques...
Oui. Puis il y a eu le doublé... Et, rétrospectivement, je m'aperçois que c'est très dur de rester au haut niveau. En 2002, il y a presque eu une forme de normalité à avoir craqué. Durer à un haut niveau, c'est usant. Perdre, ça fait partie du jeu. Nous, on a fait le doublé, l'Espagne le triplé. L'important, c'est de gagner les matchs qui comptent, et ceux-là, on ne les a pas ratés (rires). Ce sont ceux-là dont on se souvient.
Et vous, de la nostalgie ?
Non, je vis très bien ma deuxième vie. J'ai encore plus de liberté qu'avant. Je suis content d'avoir eu cette carrière-là. D'avoir joué toutes les plus belles finales et de les avoir gagnées. La Coupe du monde, le championnat d'Europe, la Ligue des champions et la Coupe du monde des clubs. J'ai eu de la chance de vivre ça. C'est plus facile de passer à autre chose.
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