C'est à un duo de présentateurs inédit sur France 5 qu'auront droit les téléspectateurs de "C dans l'air" toute la saison. Après le départ en mai dernier d'Yves Calvi pour LCI, la chaîne publique a en effet décidé de confier les commandes de son programme phare au duo Caroline Roux -Bruce Toussaint.
Déjà joker d'Yves Calvi, la journaliste d'Europe 1 aura ainsi en charge l'animation de "C dans l'air" du lundi au jeudi à partir du lundi 22 août prochain. Quant à Bruce Toussaint, il incarnera pour sa part l'émission à partir du 2 septembre le vendredi mais aussi le samedi, un nouveau jour de diffusion pour "C dans l'air", mais il prend les commandes du programme dès ce soir pour quelques échauffements. puremedias.com a rencontré le duo de journalistes début juillet.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
Vos carrières se sont longtemps entremêlées à Canal+ et à Europe 1. Vous êtes contents de vous retrouver ?
Caroline Roux (CR) : Oui ! Ca fait trois collaborations : Canal. Ensuite, je t'ai rejoint (elle se tourne vers Bruce Toussaint, ndlr) à Europe 1, et là, c'est toi qui m'as rejointe à France 5. On aime bien travailler ensemble. C'est vrai qu'on se connaît maintenant depuis une dizaine d'années. On a construit une relation à côté du travail aussi. On n'aime pas juste travailler ensemble. On aime aussi passer du temps ensemble. C'est donc une chance de pouvoir se retrouver et partager le fauteuil de "C dans l'air".
Bruce Toussaint (BT) : Même si c'est un peu le hasard, c'est un heureux hasard et une belle surprise. C'est vrai qu'on aime bien travailler ensemble. On se retrouve dans plein de choses : dans la manière d'aborder et de faire ce métier notamment. C'est chouette !
Vous vous apprêtez à succéder tous les deux à Yves Calvi qui a incarné pendant près de 15 ans "C dans l'air". Qu'est qu'on ressent : de l'excitation, de la peur, un sentiment de responsabilité ?
CR : Je dirais tout d'abord de l'enthousiasme. Parce que c'est une émission extraordinaire qui a marqué l'histoire de la télé et parce qu'il y a une année folle qui arrive. Et surtout, je suis dans une démarche d'humilité. Il ne faut pas vouloir changer ce programme qui appartient vraiment aux téléspectateurs et qui a été façonné pendant 15 ans par Yves Calvi et Jérôme Bellay. Il faut se glisser avec respect dans les mocassins d'Yves Calvi. Il faut avoir à l'esprit que cette émission appartient à ceux qui la regardent et qui sont d'une incroyable fidélité quel que soit le thème abordé. Il ne faut pas arriver en disant qu'on va mettre une "touche personnelle". Ce n'est pas comme ça que cela se passe. On va être dans la continuité de ce qui a été fait jusque-là.
BT : J'aime l'idée de la responsabilité car cette émission est précieuse, extrêmement suivie. Les chiffres d'audience sont incroyables, surtout à un horaire aussi difficile et stratégique.
Justement, l'émission peut faire jusqu'à 5 fois l'audience moyenne de France 5. Avez-vous l'impression de porter le destin de toute une chaîne sur vos épaules ?
BT : Non. C'est vrai que c'est un des poumons de la chaîne mais comme peut l'être "C à vous" ou d'autres émissions comme "Le magazine de la santé". Bien sûr que l'audience est importante mais c'est aussi une question d'image. France 5, c'est avant tout une image, une marque plurielle dont "C dans l'air" est l'un des éléments.
Avez-vous peur qu'Yves Calvi embarque avec lui de nombreux téléspecateurs sur LCI (18h-20h) ?
CR : Si on commence à aborder cette saison en se demandant si Yves Calvi va embarquer des téléspectateurs et des fans avec lui, ça va être une prise de tête. Bien sûr qu'on aura cette idée à l'esprit, je ne vais pas vous raconter d'histoires, mais l'idée, c'est avant tout de préserver le contenu. Mon cap : c'est de veiller à ce que cette émission reste de même qualité. Si on a cette exigence tous les deux, il n'y a pas de raison que les choses changent du jour au lendemain. J'ai présenté cette émission pendant trois ans. L'année dernière, Yves Calvi s'est absenté pendant deux mois et demi, les téléspectateurs sont malgré tout restés fidèles à l'émission. Les gens viennent retrouver ce format très singulier.
Le programme serait donc plus fort que son présentateur ?
CR : Je crois, oui. C'est d'ailleurs ce que pensait Yves Calvi quand j'ai commencé à présenter "C dans l'air". Il m'a dit : "Détends-toi. Il y a eu d'autres gens qui ont été jokers avant toi et à chaque fois, cette émission a continué à vivre". Si on a cette même curiosité, cette capacité à avoir un traitement décalé, à sortir du buzz, de l'urgence, si on continue à avoir cette intelligence-là, il n'y a pas de raison que les choses changent.
BT : Moi je suis certain qu'Yves Calvi fera un programme de qualité sur LCI. Mais si vous voulez continuez à regarder "C dans l'air", regardez "C dans l'air". C'est assez simple en fait. L'émission sera exactement la même qu'avant.
Est-ce que pour cela vous avez sécurisé vos intervenants actuels ?
CR : Il y aura les mêmes parce que les téléspectateurs ont envie de les retrouver. Et puis comme avant, il y aura de nouvelles têtes qu'on fera émerger.
Le départ du producteur historique de l'émission, Jérôme Bellay, n'est-t-il pas un coup dur malgré tout ?
CR : C'est un défi, je ne vais pas vous dire le contraire. Mais on va essayer de le relever tous les deux avec une vraie admiration pour ce qui a été fait auparavant. Je ne vais pas regarder ce qui se fait ailleurs. Je vais regarder ce qui se passe à "C dans l'air". Je ne vais pas dire que ça sera facile. Ca serait insultant pour eux. Mais notre objectif est clair, ce n'est pas de commencer à se comparer mais de tenir la ligne et le cap.
Le programme voit l'arrivée en co-producteur de Renaud Le Van Kim. Qu'est-il censé apporter ?
BT : La chaîne a souhaité que Renaud Le Van Kim, l'un des plus grands spécialistes des talk-shows en France depuis toujours, apporte son regard sur cette émission. Il en est désormais le producteur associé. C'est, je trouve, une force et une chance d'avoir ce double regard. Celui de Maximal et celui de Renaud Le Van Kim.
Bruce, ca sera une grande première pour vous aux commandes de "C dans l'air". Vous avez demandé des conseils à Caroline ?
BT : Bien sûr. On se parle beaucoup parce que j'ai beaucoup de questions sur la mécanique de l'émission. Elle me conseille beaucoup, me donne plein de petits de trucs. Mais au-delà de ça, elle me dit beaucoup sur la façon d'aborder l'émission, sa philosophie. C'est un rôle très particulier, celui de présentateur de "C dans l'air". On n'est pas expert. Il faut être dans un dialogue avec le public.
Allez-vous reprendre le fameux "Ce que vous êtes en train de me dire..." qui permettait à Yves Calvi de vulgariser le propos de ses experts ?
BT : (Rires) Ce n'est pas impossible ! Ca sera un hommage (Rires). C'est aussi l'identité de cette émission. Dans un système médiatique qui va super vite, il n'hésitait pas à faire répéter, à prendre son temps, à vulgariser.
CR : Présenter "C dans l'air", c'est très singulier car c'est d'une certaine façon "l'art de la conversation". Ce n'est pas quatre interviews. Le rôle du présentateur est de faire tourner la parole, de faire en sorte que les experts brillantissimes autour de la table s'écoutent, se relancent. Il faut accompagner cette discussion. Ca n'a l'air de rien mais c'est une mécanique de haute précision. Il faut à la fois s'oublier en tant qu'intervieweur et redevenir téléspectateur mais pas totalement pour pouvoir redonner du rythme quand c'est nécessaire. Ca a l'air simplissime, mais on est sur le fil en permanence en réalité.
Quelles qualités faut-il pour être un bon présentateur de "C dans l'air" ?
CR : Il faut de l'écoute, de la curiosité mais c'est l'essence-même de notre métier. Il faut savoir s'oublier, s'effacer. Parfois, certains experts parlent pendant trois minutes. Il faut être vraiment dans le respect des uns et des autres. Si les gens commencent à se couper, ce n'est plus "C dans l'air". C'est une émission de débat classique.
BT : C'est l'émission anti-buzz, anti-clash, anti-chaîne info...
Anti-moderne du coup ?
BT :Je ne dirais pas ça. C'est quoi la modernité ? C'est une émission à part. C'est un espèce d'îlot.
CR: Je pense qu'au contraire c'est cette émission qui incarne la modernité. Je pense qu'on est au bout de cette logique hystérique, de ce rythme effréné. On a tous aimé ça mais on atteint un peu ses limites. La modernité, ça va être le temps long, celui de l'expertise je pense. On le voit avec le succès de certains formats longs en presse écrite notamment.
Caroline, est-ce qu'une de vos missions sera de féminiser les intervenants de "C dans l'air" ? C'est l'un des seuls reproches faits à l'émission...
CR : On traîne ce genre d'histoires. Ca a sans doute été vrai à une époque. Mais il y a eu un vrai effort, déjà sous la présidence de Rémy Pflimlin, de faire particulièrement attention au nombre de femmes présentes en plateau. On l'a fait. On a fait émerger des talents féminins qu'on retrouve sur d'autres chaînes, notamment d'info. Et on est super fier. Les gens de la programmation ont toujours à l'esprit qu'il faut au minimum une femme experte en plateau. Et on va continuer dans cette direction-là car c'est en plus la volonté assumée de Delphine Ernotte. Je pense que l'image de "C dans l'air" comme émission un peu macho, franchement il y a eu des efforts de faits.
Les femmes expertes sont-elles toujours aussi difficiles à convaincre de participer à l'émission qu'avant ?
CR : Ca a changé quand même. Avant, on avait des problèmes pour les convaincre de prendre la parole dans "C dans l'air". Elles avaient souvent peur de ne pas être au niveau. On a de moins en moins ce problème. Il y a une génération qui arrive et qui veut prendre la parole. Ca bouge.
BT : C'est un débat important et une revendication tout à fait normale. Ce que je sais aussi, c'est que sur certains sujets, c'est compliqué de trouver des femmes expertes. Il y a aussi le problème que le système médiatique a fabriqué des experts "hommes" pendant 25 ans.
Bruce, l'émission du samedi sera-t-elle différente de celle du reste de la semaine ou aura-t-elle strictement la même philosophie ?
BT : Oui, elle sera exactement pareille. Une émission sur l'actualité. Ca ne sera pas une émission "magazine du samedi". L'idée est vraiment de prolonger le succès de cette émission en en faisant une marque référente six jours sur sept.
Ca fait quoi d'être de retour sur le service public quatre ans après être parti fâché de France 2 ?
BT : Honnêtement, je ne le vis pas vraiment comme ça. Je le vis comme une arrivée à France 5. Je suis très fier et heureux. C'est une belle chaîne France 5. C'est un peu abstrait cette idée. Je ne vis pas du tout cela comme une revanche.
Caroline, vous êtes contente de voir que c'est Bruce qui vous succède aux commandes de l'émission politique ?
CR : Evidemment ! Je pense qu'il va assurer dans cet exercice car il a cette autorité et à la fois cette rondeur qui font qu'il va pouvoir conduire les débats sans que ça tourne au pugilat. Je le vois bien dans cet exercice-là. Pour avoir travaillé avec lui à la matinale d'Europe 1 et de Canal, je sais que c'est un magnifique chef de bande. L'un de ses plus grands talents, c'est d'arriver à créer des ambiances de plateau. Et ça c'est un vrai talent ! Ce n'est pas un soliste, c'est un chef d'orchestre. Donc dans une émission de débat, il va être très à son aise je pense.
Bruce, a quoi cette émission va-t-elle ressembler ?
BT : C'est un peu tôt. On travaille dessus et on va travailler dessus une bonne partie de l'été. On sera à l'antenne vers la mi-septembre. C'est une émission en deux parties. L'une assurée par Karim Rissouli et la deuxième par moi. Ce sera vraiment une émission de débats. On a envie d'être dans la lignée d'émissions comme "Ripostes" de Serge Moati qui sont des références. On a envie qu'elle soit ambitieuse. C'est tout ce que je peux vous dire. Et on peut réserver quelques surprises...
Caroline, vous reprenez "Les 4 vérités" la saison prochaine sur France 2. Vous quittez Europe 1 ?
CR : Je ne sais pas encore. Tout s'est un peu fait dans la précipitation. En tout cas objectivement, je ne pourrai pas avoir un rendez-vous quotidien en radio à la rentrée. C'est impossible.
On l'a dit, vous vous connaissez depuis longtemps. Caroline, quelles sont la plus grande qualité et le plus grand défaut professionnels de Bruce ? Bruce, quelles sont la plus grande qualité et le plus grand défaut professionnels de Caroline ?
CR : Son principal défaut : son sens de humour en plateau (Rires).
BT : (Rires) Ca c'est drôle ! (Rires).
CR : Et sa principale qualité : sa solidité. Il ne peut rien se passer lorsque Bruce est en plateau.
BT : Pour Caroline, sa principale qualité... Je dirais l'élégance et la constance qui dans ce métier, veulent dire beaucoup. Pour le défaut, je dirais qu'elle est peut-être trop sage...
CR : En fait, il a le même (Rires) ! On se le dit souvent ! Notre défaut commun, c'est d'être trop bien élevés.
BT : C'est un peu ça.