Dans une tribune publiée aujourd'hui dans Le Monde, le patron de Canal+ tire la sonnette d'alarme alors que des acteurs étrangers font leur arrivée dans le paysage audiovisuel français. Bertrand Méheut vise tout particulièrement Google et le Qatar, deux sociétés qui ne "sont pas soumises aux taxes et obligations qui incombent aux acteurs français".
En effet, le cinéma français est financé par divers mécanismes. Parmi eux, une taxe prélevée sur chaque entrée de cinéma. Ainsi, le succès d'un blockbuster américain peut financer un "petit" film français. Autre mécanisme : en fonction de son chiffre d'affaires, le groupe Canal+ finance le cinéma français. "Chaque année, le groupe investit 600 millions d'euros dans la filière audiovisuelle. Il est le premier soutien du cinéma, présent dans les deux tiers des films produits chaque année", indique Bertrand Méheut.
Or, en localisant leur filiale européenne dans des pays où la fiscalité est avantageuse, comme au Luxembourg ou en Irlande, des acteurs comme Apple et Google échappent à ces mécanismes. Pourtant, ils "profitent de l'arrivée des télévisions connectées pour proposer des offres standardisées. Et ils ne se contentent plus de proposer des services de vidéo à la demande : YouTube a annoncé la création de 20 chaînes de télévision", explique le patron de Canal+.
Bertrand Méheut revient également sur le cas d'Al Jazeera qui prépare son incursion, au printemps, dans le PAF. Le groupe qatari a déjà acheté une partie des droits de la Ligue 1, de l'Europa League et de la Ligue des champions, au détriment de TF1 ou de Canal+. Al Jazeera "pratique une politique de surenchère avec des logiques de rentabilité différentes. Les conséquences vont très vite se faire sentir. A court terme, cette escalade peut entraîner une disparition progressive du sport sur les chaînes gratuites qui ne pourront plus faire face à des prix devenus inaccessibles. Dans le même temps, les chaînes payantes qui veulent continuer à diffuser du sport devront faire des arbitrages au détriment d'autres contenus, comme le cinéma ou la fiction", écrit Bertrand Méheut. Outre de "nouveaux arbitrages", le président de Canal+ sous-entend qu'en cas de large succès d'opérateurs étrangers au détriment de la société qu'il dirige, les recettes de Canal pourraient chuter, entraînant automatiquement une baisse du financement du cinéma français... L'argument, qui n'est pas nouveau, devrait toutefois faire réagir le puissant lobbying du 7e art français.
Le patron de cette filiale de Vivendi en appelle enfin aux pouvoirs plublics, priant le Parlement de se "garder de nouvelles régulations qui entraveraient le développement des acteurs nationaux quand les grands groupes mondiaux peuvent agir sur nos marchés sans la contrainte de nos règles".