Il n'y a pas eu de coup de théâtre de dernière minute : malgré l'opposition de plusieurs fonds minoritaires au capital, les actionnaires de Vivendi ont approuvé le 9 décembre à une très large majorité (97,5%) le plan de scission du groupe en 4 entités distinctes (Canal+, Havas, Louis Hachette Group et Vivendi SE). Canal+ va donc faire son entrée à la Bourse de Londres dès le 16 décembre. Valorisation envisagée : 6,8 milliards d’euros.
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Ce choix de Londres, plutôt que Paris, peut surprendre. Mais Vivendi le justifie par le profil de plus en plus international du groupe. Avec l'acquisition en cours de l'opérateur sud-africain de télévision sur abonnement MultiChoice - pour la somme de 2,7 milliards d'euros - le groupe s'apprête en effet à doubler son nombre d'abonnés dans le monde et entend marcher sur les platebandes des géants du divertissement mondial, comme Disney ou Netflix.
Mais pour Mediapart, les motivations sont toutes autres : "la place de Londres, délaissée par les groupes européens depuis le Brexit, est beaucoup moins attractive. Mais elle offre d’autres avantages : une réglementation boursière très allégée pour les groupes basés en dehors de la Grande-Bretagne et qui ne les oblige pas à lancer d’OPA, par exemple." Et de souligner au passage un paradoxe : "Vincent Bolloré défend l’intérêt national à longueur d’antenne, mais quand il s’agit de ses intérêts, il n’y a plus de patriotisme. Il part à Londres".
En outre, quelques jours avant le vote des actionnaires de Vivendi, Canal+ a annoncé plusieurs décisions lourdes de conséquences. À commencer par un plan social concernant 250 postes - dont 150 licenciements en lien avec la fin annoncée de sa chaîne C8 - et le retrait de ses quatre chaînes payantes de la TNT (Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Planète), à partir de juin 2025. Dans son communiqué de presse, le groupe explique qu'il "ne cesse de subir des décisions fiscales et réglementaires pénalisantes pour son exploitation en France", avant d'en lister trois : l'augmentation de sa taxe versée au CNC, le litige fiscal sur ses taux de TVA et la décision de retrait de la licence de C8 par l'Arcom.
Selon Le Figaro, le retrait de la TNT payante permettrait de réaliser des économies de l'ordre d'"une vingtaine de millions par an liés au coût de diffusion de ses quatre chaînes." Et ce, alors que ces licences généraient pour Canal+ davantage de contraintes que de recettes. "À l'été 2022, 300 000 abonnés regardaient encore les chaînes payantes de Canal+ via ce mode de réception. Fin septembre, ils étaient à peine 70 000, moins de 1% des souscripteurs tricolores. Dans six mois, lorsque Canal+ sortira de la TNT, il y en aura encore moins. Or, l'attribution de fréquences, délivrée gratuitement par l'autorité de régulation, génère des coûts et entraîne des obligations... Elles finissent par rapporter de moins en moins...," relève également le quotidien.
Cette annonce a déjà un effet immédiat : elle acte la fin de la TNT payante, qui n'a jamais réussi à faire ses preuves en France depuis son lancement en 2006 - à l'époque avec 11 chaînes. Après le retrait des antennes de Canal+, il ne restera en effet sur la TNT payante plus que ParisPremière... Mécaniquement, ce choix va libérer quatre licences, mais il est peu probable que de nouveaux acteurs se portent candidats pour des chaînes payantes.
L'Arcom basculera-t-elle ces quatre licences en gratuit ? L'Express - candidat malheureux lors du dernier appel d'offres pour la TNT gratuite - s'est déjà positionné sur le sujet, par la voix d'Alain Weill, qui a rapidement adressé un courrier en ce sens au président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre. "Avec l’arrêt de la diffusion de Canal+ sur la TNT, qui a recours à la publicité sur ses plages en clair, il n’y a aucune difficulté ni réserve, à autoriser une chaîne de TNT gratuite supplémentaire", a-t-il argumenté, selon le magazine CBNews. NRJ, qui a perdu la licence de NRJ12 pourrait également retenter sa chance : le groupe de Jean-Paul Baudecroux a invité l'Arcom à "plus que jamais reconsidérer la candidature de NRJ 12", alors que le contexte "vient d’être subitement bouleversé par l’annonce du retrait de plusieurs chaînes payantes de la TNT".
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