D'une chaîne de télévision à une plateforme. Officiellement en réponse au non-renouvellement de C8 sur la TNT après le 28 février 2025, le groupe Canal+ a annoncé, ce jeudi 5 décembre 2024, qu'elle retirerait le 6 juin 2025 ses chaînes payantes de la TNT, Canal+ en tête. Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète, qui avaient été retenues par l'Arcom en juillet 2024, sont concernées. La chaîne cryptée occupe le canal 4, derrière TF1, France 2 et France 3, depuis son lancement le 4 novembre 1984, soit plus de 40 ans maintenant. C'est dire le coup de tonnerre que représente cette décision dans le PAF.
Comment Canal+ justifie-t-il le retrait de ses chaînes payantes de la TNT ? En premier lieu, le groupe estime tirer "les conséquences du retrait de la chaîne C8, première chaîne de la TNT (mais déficitaire, ndlr), par l'Arcom". Sous la houlette de Maxime Saada, qui concrétise de la sorte sa stratégie de plateformisation avec son offre MyCanal, l'entité pointe aussi du doigt un "environnement fiscal et réglementaire de plus en plus contraignant", à l'instar d'une "augmentation de sa taxe versée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)". Un argument balayé dans "Le Monde" par Olivier Henrard, président par intérim du CNC. "Nous démentons cette affirmation selon laquelle il y aurait eu une augmentation de la pression fiscale sur Canal+", proteste-t-il.
Canal+ dit se rebeller aussi contre les "menaces sur son taux de TVA pourtant directement lié à son statut de premier financeur du cinéma français". La TVA est en effet passée en 2022 de 10 à 20% pour certaines de ses offres, un taux contesté par le groupe, dont les obligations en termes de financement du cinéma européen devraient rester conséquentes en dépit de son départ de la TNT (16% de son chiffre d’affaires en qualité de chaîne du câble et du satellite, estime "Le Parisien"). Le litige avec le fisc porte sur 655 millions d'euros.
Cette décision intervient aussi quatre jours avant une assemblée générale décisive pour le projet de scission de Vivendi en quatre entités indépendantes, dont la société Canal+. En cas de feu vert des actionnaires, Canal+ sera coté à la Bourse de Londres à partir du 16 décembre.
Qui va être impacté par ce retrait ? "Seuls les abonnés de Canal+ qui sont encore sur la TNT seront concernés", est-il précisé. Ils étaient quelque 70.000 fin septembre 2024 en France, selon un document de Canal+, révèle l'AFP. L'an dernier, selon "L'informé", les dirigeants de la chaîne avaient alors revendiqué 300.000 abonnés sur la TNT, soit 3% du parc total de ses abonnés et 1% des ventes. L'impact pour eux sera réduit, explique Canal+, qui "leur proposera les équipements nécessaires afin qu'ils puissent continuer à profiter de l'ensemble des programmes de leurs chaînes sur d'autres modes de diffusion (satellite, ADSL et fibre via les opérateurs télécoms, Internet/OTT depuis l'application Canal+ sur l'ensemble des écrans connectés)".
Si, depuis 2020, Canal+ a mis plusieurs fois dans la balance le retrait de ses chaînes payantes de la TNT, son passage à l'acte a surpris le PAF à l'heure où, de surcroît, la numérotation des chaînes pourrait être bouleversée en début d'année. Avec l'hypothétique départ de C8 et NRJ 12 et l'arrivée de deux nouveaux entrants (Ouest-France TV et Réels TV), qui devrait être officialisée dans ces prochains jours, l'Arcom pourrait rebattre les cartes, en décidant notamment de regrouper les chaînes info en un bloc, une aubaine pour LCI (canal 26) et Franceinfo (canal 27), mais aussi former un duo de chaînes jeunesse en rapprochant Gulli (canal 18) de France 4 (Okoo en journée), qui occupe le canal 14. Avec la disparition des chaînes payantes du groupe Canal+ de la TNT, seule Paris Première, chaîne payante du groupe M6, subsisterait dans cet univers.