Le cinéma, nouveau cheval de bataille de Canal+. Dans une interview accordée ce mercredi au "Figaro", Maxime Saada, président du directoire du groupe crypté, fait part de son agacement concernant le futur décret SMAD (services médias à la demande) que prépare le gouvernement français et qui obligera les plateformes que sont Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ à investir dans la production de films. En contrepartie, ces services vidéo devraient pouvoir exploiter les nouveaux films dès 12 mois après leur sortie en salles contre 36 mois actuellement. Et le délai pour Canal+ pourrait passer de 8 mois en moyenne actuellement à six ou cinq mois.
Une perspective qui ne convient pas à Maxime Saada, lequel pointe dans "Le Figaro" le grand écart entre la contribution de Canal+ pour le cinéma français - 200 millions d'euros en 2018, 179 millions d'euros en 2019 - contre "50 à 60 millions d'euros que devraient investir les plateformes en cumulé" dans le seul septième art selon ses estimations. A en croire Canal+, le chèque de 200 millions d'euros que devraient faire les plateformes aux producteurs français après la réforme bénéficierait à 80% aux séries et documentaires, pour une part marginale réservée au cinéma.
En échange, "les plateformes américaines vont retrouver la place qu'occupait Canal+ avant 2018" dans la chronologie des médias, se plaint le responsable français. Et de prévenir : "Cette entrée va donc déséquilibrer les acteurs en place qui investissent plus de 300 millions d'euros au total, et assurent la diversité du cinéma français".
Si les règles évoluent de cette manière, la filiale de Vivendi menace de quitter la TNT pour devenir à son tour une plateforme. "Migrer moins de 400.000 abonnés TNT vers d'autres modes de diffusion n'est pas un grand défi opérationnel", affirme Maxime Saada, qui craint de revivre avec le cinéma un épisode similaire à celui de la Ligue 1 de football, dans un contexte de perte d'attractivité des films français. "Comme pour le football, le cinéma veut croire au miracle. Le problème, c'est qu'il n'y en aura pas".
"Nous sommes moins dépendants aujourd'hui du cinéma français", met-il aussi en garde. Il cite notamment la présence d'un seul film français parmi les 20 contenus les plus regardés sur myCanal en 2020, "contre 5 films américains et 14 séries". Pour Maxime Saada, si le décret du gouvernement devrait être publié en l'état, "le seul schéma viable pour Canal+ serait de diffuser les films à la fin de leur exploitation en salle, soit 3 à 4 mois après leur sortie".
Une option qui ne portera pas préjudice aux salles de cinéma selon lui : "Ce n'est pas parce que 5 millions d'abonnés à Canal+ sont en mesure de voir les films 3 ou 4 mois après leur sortie que cela nuira à la force d'attraction des salles".