L'image unie de la famille "Charlie Hebdo" commence déjà à se fissurer. Cette semaine, le dessinateur de "L'Obs", Delfeil de Ton, publie dans l'hebdomadaire une chronique qui créé un vif débat. Le caricaturiste de 80 ans s'en prend directement à Charb, l'ancien patron de "Charlie Hebdo", décédé dans l'attaque du mercredi 7 janvier.
Dans sa chronique, Delfeil de Ton revient longuement sur son parcours aux côtés des membres de "Charlie Hebdo". Ancien de "Hara-Kiri", le dessinateur a aussi été l'un des fondateurs de "Charlie", participant à la création de la première version en 1970, puis de la deuxième en 1992, qu'il avait quittée rapidement pour cause de désaccord avec le patron de l'époque, Philippe Val. Pleurant son ami Wolinski, Delfeil de Ton salue aussi dans sa chronique la réaction des survivants depuis une semaine. "Bravo les gars et les greluches, et c'est peu dire que nous vous souhaitons longue vie et tout le succès".
A la fin de sa chronique, Delfeil de Ton se montre moins bienveillant à l'égard de Charb, un "gars épatant" mais aussi "une tête de lard". "Je sais, ça ne se fait pas", prévient d'emblée l'auteur de la chronique avant d'annoncer qu'il va "être franc avec lui". Delfeil de Ton critique sans détour le comportement de l'ancien patron de "Charlie Hebdo" lors de la deuxième affaire des caricatures de Mahomet en 2011. "Il était le chef. Quel besoin a-t-il eu d'entraîner l'équipe dans la surenchère ?", dénonce le dessinateur de "L'Obs". Delfeil de Ton rappelle ainsi que cette provocation avait "fait mettre en état de siège" les ambassades françaises dans les pays musulmans mais aussi "déployer toutes nos polices dans nos villes".
"Il fallait pas le faire mais Charb l'a refait" regrette le dessinateur de "L'Obs" qui évoque une autre caricature de Mahomet publiée en septembre 2012 dans "Charlie Hebdo" et sur laquelle le prophète de la religion musulmane apparaissait nu, à quatre pattes, les testicules pendantes et une étoile sur l'anus. "Tournez-le dans tous les sens, en quoi est-ce drôle, spirituel ?" dénonce-t-il citant là une chronique publiée en 2012.
Cette critique de Charb n'a en tout cas pas manqué de créér un début de polémique dans la presse française. Comme le rapporte Le Monde, l'avocat de "Charlie Hebdo", Richard Malka a envoyé mercredi un texto incendiaire à Matthieu Pigasse, l'un des actionnaires de "L'Obs". Il fait part de son "immense déception" et dénonce "un papier polémique et fielleux" publié alors que "Charb n'est pas encore enterré".
De son côté, le patron de "L'Obs", Matthieu Croissandeau assume sa décision de publier ce texte. "Dans un numéro sur la liberté d'expression, il m'aurait semblé gênant de censurer une voix, quand bien même elle serait discordante. D'autant qu'il s'agit de la voix d'un des pionniers de cette bande", a-t-il fait valoir.