Christophe Delay, première ! Le journaliste et présentateur depuis 2007 de "Première édition", la matinale de BFMTV, prend les commandes de "Faites entrer l'accusé". Aux côtés de Dominique Rizet, historique de l'émission, il narrera, ce dimanche 17 septembre 2023 dès 21h10 sur RMC Story, "les secrets de Nordahl Lelandais". Entretien.
Propos recueillis par Ludovic Galtier Lloret
puremedias.com : C'est le jour J. Après Christophe Hondelatte et Frédérique Lantieri sur France 2, et Rachid M'Barki sur RMC Story, vous êtes le quatrième présentateur à conter le crime dans "Faites entrer l'accusé". Appréhendez-vous de porter ce costume ?
Christophe Delay : Je ne viens pas en costume, c'est ma veste ! (rires) Non, pas spécialement d'appréhension, plutôt une curiosité de savoir si je suis dans les pas du programme bien sûr, parce que cela a quand même été un challenge dès le début. À la fois dans le ton et sur le fond. J'ai été bien aidé par l'équipe de production. Je me suis glissé dans la ligne de l'émission. Et puis on verra...
Vous avez quand même apporté votre personnalité...
Oui bien sûr. Ma personnalité, mon savoir-faire d'homme de news en fait. L'outil supplémentaire, que j'ai redécouvert dans "Faites entrer l'accusé", c'est la voix car la narration est très importante dans cette émission. Il y a des plateaux et il y a la narration. Ça m'a rappelé mes années radio, car j'ai pu réutiliser ma voix telle qu'on l'utilise à la radio. Ma voix est un petit plus pour le programme.
C'est-à-dire ? Une voix que vous avez travaillé particulièrement ?
Pas du tout, c'est une voix naturelle mais une voix de narration, de radio. Donc j'espère qu'elle va coller au programme. On verra ce qu'en disent les téléspectateurs.
Il y a une solennité effectivement, un ton qui dénote assez celui de la matinale dans laquelle vous êtes un peu dans l'humeur...
Dans le premier cas, il y a de la lumière et on a un bleu de travail qui s'appelle le costume. Dans l'autre univers, la lumière et le maquillage sont plus difficiles, car il correspond à ce que je suis, et puis il y a une tenue qui est la mienne. C'est-à-dire que vous me verrez tel que je suis dans la vie civile.
"Le témoignage des parents d'Arthur Noyer m'a marqué"
Le premier numéro porte sur les secrets de Nordahl Lelandais, une des affaires les plus médiatisées de ces dernières années, notamment par BFMTV. Ne sait-on déjà pas tout sur ce criminel ?
Justement non. Je pensais aussi cela, mais en fait on n'a pas tout dit ni tout vu. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce numéro, c'est que vous allez voir des documents vidéo inédits. Des images de vidéosurveillance que l'on a jamais vues. Et moi ce qui m'a saisi, c'est le témoignage à la fois des directeurs d'enquête police-gendarmerie et des magistrats instructeurs. Ce sont deux femmes qui vous racontent leur face-à-face avec Nordahl Lelandais, sa stratégie devant elles et sa capacité à esquiver, à nier l'évidence. On voit bien à travers cet épisode que ce fut un combat pour ces magistrates, et une libération quand, un jour, une petite goutte de sang dans l'interstice du coffre de la voiture permet de faire plonger Nordahl Lelandais parce qu'il se retrouve face à l'évidence.
L'autre angle intéressant dans ce film est le regard de Me Alain Jakubowicz, avocat de Nordahl Lelandais, sur son client...
Cet autre élément est saisissant. Lorsque cette découverte est non pas rendue publique mais mise à la portée des enquêteurs, Me Jakubowicz dit à son client 'Bon, qu'est-ce que tu fais Nordahl ? Qu'est-ce qu'on fait ?'. Il lui fait comprendre que s'il ne reconnaît pas les faits, il s'en ira. Donc c'est très fort. Et puis j'ajoute, parce que je trouve que ça contribue aux choses qu'on a pas beaucoup entendues, le témoignage des parents d'Arthur Noyer, et notamment sa maman, d'une immense dignité.
On sent que vous êtes touché...
Je suis entre guillements le premier téléspectateur de tout ça. Cela m'a marqué, et je pense qu'avec Dominique Rizet, on a bien su le vivre. C'est porté aussi par la qualité des enquêtes qui est exceptionnelle. Le récit, orchestré par Isabelle Clairac, est aussi absolument déterminant pour la réussite du programme. Il est incontestable compte-tenu de sa précision.
Racontez-nous comment est conçue l'émission ?
Elle est fabriquée comme un film. Avec Dominique on enregistre tous les plateaux à la table et tous les plateaux debout et après c'est un assemblage. Ce n'est pas monté dans le temps réel, dans la chronologie. La narration est faite bien après. On fait tout dans le studio à Ivry-sur-Seine. En trois jours, on fait quatre émissions. C'est une vraie gymnastique.
"Nous allons lancer 'Crimes flagrants', une déclinaison de 'Faites entrer l'accusé'"
Christophe Hondelatte, présentateur emblématique de l'émission, n'a pas eu un mot très sympathique à l'égard de ses successeurs qu'il a qualifiés d''homme tronc'... Cela vous inspire-t-il une réaction ?
Je respecte énormément le journaliste Christophe Hondelatte. Il pense ce qu'il veut, factuellement il a sans doute raison car il n'y pas d'interview dans "Faites entrer l'accusé". Mais il va y en avoir puisque nous allons lancer des numéros spéciaux, des déclinaisons de "Faites entrer l'accusé", qui vont s'intituler "Crimes flagrants".
À quoi cela va correspondre ?
Nous allons raconter deux histoires dont la mécanique du crime est la même. Les trois premiers numéros seront consacrés au néonaticide – les femmes qui tuent des enfants le jour de leur naissance –, le deuxième s'intéressera aux tueurs de masse et le troisième portera sur les familicides. Dans ce cadre, il y a aura une interview de Daniel Zagury qui est expert-psychiatre auprès des tribunaux, pour qu'on essaie de faire comprendre quelle est la mécanique de ces crimes et ce qu'il se passe dans la tronche d'un tueur.
Quel rapport entretenez-vous aux faits divers, aux grosses affaires ?
J'adore le fait divers, j'adore les histoires. On les raconte avec Dominique Rizet depuis des années. D'ailleurs je n'aime pas l'expression "fait divers". Cela réduit cette matière, c'est un peu méprisant. Je préfère parler d'histoire, parce que ça dit bien des choses de notre société.
BFMTV est souvent accusée de trop surfer sur les faits divers, d'essorer les angles autour de certaines affaires. Que répondez-vous à ces critiques ?
Regardez les audiences. Lorsqu'on traite des affaires sur la longueur, les gens sont là. Il y a une demande, donc moi je n'ai pas de sujet avec ça en fait.
"Pascale de La Tour du Pin sur C8 ? Je ne ferai aucun commentaire"
Est-ce que cette entrée dans cette émission est un premier pas vers la fin du hard news ?
Non, surtout pas ! Le hard news, c'est mon ADN. Là c'est une émission qui est quand même très collée à l'actualité, mais vous ne me verrez pas dans un autre programme.
Votre ancienne collègue dans "Première édition", Pascale de La Tour du Pin, avec qui vous avez travaillé des années, a fait un autre choix. Cet été, elle a quitté BFMTV une deuxième fois pour C8 et l'équipe de Cyril Hanouna dans "Touche pas à mon poste !". Avez-vous un regard sur son choix de carrière ?
Je ne veux faire aucun commentaire.
Très bien, je n'insiste pas. Vous nous disiez néanmoins que vous ne feriez jamais ce choix de carrière...
Non, je dis que mon métier c'est le hard news et que 'Faites entrer l'accusé', c'est une déclinaison du métier que je fais. Mais vous savez, il faut le protéger le métier de journaliste. Il est décrié, on ne peut pas en faire n'importe quoi. C'est ma vision du métier. Cela fait trente et un ans que je l'exerce, j'ai encore des choses à faire. L'actualité, c'est mon moteur.
"L'objectif, c'est que les contenus de la matinale de BFMTV soient prescripteurs"
Comment faites-vous pour vous renouveler dans "Première édition" ?
Pour ne pas s'user, ne pas ronronner ni s'embourgeoiser, ce qui est quand même l'un des cancers de notre métier, il faut toujours inventer. Il se trouve qu'avec mon équipe, on part vraiment d'une page blanche tous les jours. L'objectif cette année, plus encore que les autres, c'est que les contenus de la matinale de BFMTV soient prescripteurs. C'est-à-dire que les sujets dont on a l'idée soient le reflet d'une tendance. Que l'on se dise "BFM à fait ça, c'est bien". Et qu'on les voit ailleurs après. Typiquement, c'est ce qu'il s'est passé avec le sujet sur les thérapies de conversion. Ça devient un titre, et ça fout un bordel monstre, les ministres réagissent... Ça c'est le pur journalisme.
Un mot sur l'audience aussi. Vous étiez il y a quelques années dans l'aspiration de "Télématin, la matinale de France 2. L'écart est net aujourd'hui...
Oui, parce que Thomas Sotto est arrivé, le décor a changé. Cela n'a plus rien à voir avec ce que fut "Télématin".
Cherchez-vous tout de même à réduire l'écart ?
Bien sûr, c'est la compétition. Les rattraper, je ne sais pas. S'en rapprocher, on essaie... On ne fait pas du tout la même chose et on ne s'adresse pas au même public, celui de "Télématin" est plus âgé que le nôtre.