"College Boy", le nouveau clip d'Indochine, est-il trop violent ? Oui, pour Françoise Laborde. La membre du CSA souhaite que cette vidéo, réalisée par Xavier Dolan et mettant en scène le harcèlement subi par un élève à l'école allant jusqu'à la mort, soit interdite "aux moins de seize ans, peut-être même dix-huit ans". Face à la polémique grandissante, Nicola Sirkis, chanteur et leader d'Indochine, était l'invité du "Grand Journal de Canal+" hier soir.
"C'est parti en vrille, un peu beaucoup... On s'attendait avec Xavier que ce film allait susciter des réactions. De toute façon, on l'a fait un peu pour ça. Mais ça a été surdimensionné" a-t-il expliqué. "La fille du CSA, elle n'a pas tort mais je pense qu'elle a parlé trop vite. On n'est pas irresponsables. J'ai une fille de 11 ans, je ne vais pas lui montrer ce clip. Mais on a mis le doigt, le poing quelque part" a néanmoins jugé Nicola Sirkis.
Malgré tout, le chanteur d'Indochine assure "assumer" ce clip avant de s'en prendre à nouveau à Françoise Laborde. "Le clip est sorti à 8 heures du matin. A 9 heures, elle était déjà sur des plateaux de radio. Je pense qu'elle aurait dû le voir avant et réfléchir à ce qu'elle dit" a-t-il lâché. Et pour Nicola Sirkis, il y a plus violent, "à la télévision, dans la journée, où les gens se traitent de 'sale p***'."
Mais le leader d'Indochine n'est pas le seul à réagir. Ce matin, Xavier Dolan, réalisateur du clip de "College Boy", a publié une lettre ouverte à Françoise Laborde sur le Huffington Post. "En 1990, je vous aurais écrit afin de me battre pour que vive le vidéoclip 'College Boy' d'Indochine. En 1990, votre décision et celle de vos pairs aurait fait en sorte qu'il soit vu par des milliers de gens, ou qu'il sombre dans l'oubli, mort-né" débute l'acteur et réalisateur québecois.
"Vingt-trois ans plus tard, les plateformes de diffusion en ligne ont pu nous assurer, depuis jeudi dernier, un nombre de visionnages approchant le million. En effet, l'Internet veillera à la survie de ce document produit non pas dans l'optique d'exploiter la violence de manière superficielle, mais bien dans celle de fournir à la jeunesse une oeuvre à la fois réaliste et poétique, et qui puisse illustrer de manière graphique la brutalité dont ils sont tour à tour les dépositaires, instigateurs, ou témoins" poursuit-il.
"À la lumière de vos commentaires, j'en déduis que vous me percevez comme un artiste à demi-conscient qui n'a pour seul moteur que la confection de son plus récent caprice, ne réalisant pas la teneur de son propos ni la portée de son geste. 'On ne dénonce pas la violence en montrant de la violence' ajoutez-vous. Alors comment la dénonce-t-on ? Comment la dénonce-t-on sinon par la démonstration par l'absurde ? Qui peut ici se targuer d'avoir pu sensibiliser les générations précédentes à l'intolérance, l'agressivité et l'ostracisme ? Vous ?" continue le cinéaste.
Xavier Dolan dénonce ensuite une "incompréhension du contexte social dans lequel" oeuvre Françoise Laborde. "En effet, Madame Laborde, vous arrivez à table pour le débat sur la légitimation de la violence à l'écran avec environ trente-cinq ans de retard. Car qu'en est-il de tous ces films qui prennent l'affiche chaque vendredi et qui banalisent le geste violent depuis les quatre dernières décennies ?" écrit-il dans cette lettre, ajoutant que malgré les interdictions, les jeunes ont toujours accès aux oeuvres sur internet.
"Jamais il ne fût question de choquer volontairement, ou de provoquer un coup de marketing -dont ni Indochine ni moi n'avons besoin, soyons francs - ce que par ailleurs vous avez fait de votre propre chef en créant ce scandale imaginaire. Je ne pourrai, dans cette mesure, jamais assez vous remercier de l'exceptionnelle visibilité que vous avez donné à mon travail, bien qu'il soit dommage que cette polémique n'origine non pas de votre soutien, mais de votre refus de contrer la violence par l'action plutôt que par le silence" conclut Xavier Dolan.