Coup de pression. Auteur d'une enquête édifiante sur le traitement des personnes âgées dépendantes accueillies dans les établissements du groupe leader mondial des Ehpad, le journaliste indépendant Victor Castanet publie, ce mercredi aux éditions Fayard, "Les fossoyeurs : révélations sur le système qui maltraite nos aînés", un recueil de 250 témoignages de personnels soignants de ce groupe, Orpea, mais aussi de familles de résidents.
Invité de "C à vous" hier, le journaliste a expliqué avoir été alerté il y a trois ans par les personnels de l'établissement luxueux Les bords de Seine situé à Neuilly-sur-Seine "sur un certain nombre de dysfonctionnements". "À la fois au niveau du personnel, des carences en personnel, et au niveau des produits de santé, des rationnements des produits de santé, notamment des protections, également des rationnements au niveau de l'alimentation".
Paradoxalement, cet établissement, "vitrine du groupe Orpea", est "l'un des plus chers de France : les tarifs commencent à 6.500 euros par mois et montent jusqu'à 12.000 euros (par mois). Et même dans cet établissement excessivement luxueux, le personnel se plaignait de ces rationnements sur les protections et sur un certain nombre de produits de santé". Ces consignes ont pu déboucher sur des "situations de maltraitance". "J'ai eu plusieurs familles de cet établissement qui ont témoigné de cas de maltraitance (...) Ensuite, j'ai rencontré des directeurs, des directeurs régionaux, des gens du siège, des services achat, des services RH qui m'ont raconté méthodiquement le système mis en place par les dirigeants de ce groupe, qui est d'abord un système de réduction des coûts extrêmement violent".
Enquêter sur ce "système" a valu au journaliste "un certain nombre de pressions". "Il est arrivé, révèle-t-il, qu'un intermédiaire me propose une importante somme d'argent pour me dissuader d'aller au bout de cette investigation. C'était 15 millions d'euros". Victor Castanet dénonce "le sentiment d'impunité dans ce groupe" qui tient "à la défaillance du système de santé français, à la supériorité du privé sur le public". puremedias.com vous propose de visionner la séquence.
Face à ces révélations, le directeur général d'Orpea France, Jean-Christophe Romersi, s'est déclaré, hier soir, "choqué" sur BFMTV. "Cela ne correspond pas à nos valeurs, cela ne correspond pas à notre engagement. Cela fait trente ans que nous travaillons dans ce secteur (...) Il y a des accusations. Nous ne prétendons pas être parfaits, nous ne prétendons pas ne jamais nous tromper. Ce que nous prétendons c'est que l'on est très éloignés de ce que l'on veut nous faire porter en termes d'image."
Interpellé au sujet de cette enquête à l'Assemblée nationale ce mardi, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, n'a pas exclu d'ouvrir une mission d'inspection au sein des établissements du groupe Orpea. "Nous le devons notamment aux familles et aux résidents et aux soignants".