"Les pressions exercées sur ces journalistes sont inacceptables". Ce mercredi 13 novembre, le parquet de Marseille a annoncé l'ouverture d'une enquête après des menaces de mort reçues par trois journalistes du "Parisien" à la suite de la parution de leur ouvrage consacré au phénomène des "shooters", ces tueurs à gages souvent très jeunes, recrutés par les trafiquants de drogue.
Les journalistes en question, Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham Lê, ont publié le 9 octobre dernier un livre intitulé "Tueurs à gages : enquête sur le phénomène des shooters". Cet ouvrage explore l'univers du narcobanditisme en France, en s’intéressant particulièrement à l’émergence de très jeunes assassins, parfois âgés d’à peine quinze ans, engagés par des clans de trafiquants pour éliminer leurs rivaux. Ce phénomène, notamment observé à Marseille, concerne des quartiers gangrénés par le trafic de stupéfiants, où des groupes comme la DZ Mafia, un des clans marseillais les plus influents, tiennent le haut du pavé. À la suite de la parution de cet ouvrage, les journalistes ont été la cible de menaces de mort, provoquant l’ouverture d’une enquête sous la responsabilité du parquet de Marseille et confiée à la gendarmerie. Selon une source proche du dossier, le parquet a toutefois "souhaité ne pas communiquer" davantage à ce stade, a indiqué l’AFP.
Face à ces menaces, les éditions Flammarion, qui ont publié le livre, ont exprimé leur soutien aux auteurs. Dans un communiqué publié mercredi 13 novembre, Sophie de Closets, la directrice de Flammarion, a dénoncé les pressions subies par les journalistes, les qualifiant d’"inconcevables" : "Nos auteurs font l’objet de menaces de mort et d’intimidations visant à entraver leur travail", a-t-elle déclaré, avant de souligner l’engagement de Flammarion à "protéger et promouvoir ce droit fondamental d’informer". Elle ajoute : "Les menaces émanant de détenus, les pressions croissantes visant à intimider ces journalistes sont inacceptables. Nous souhaitons rappeler l’importance du journalisme d’investigation, notre attachement profond à la liberté d’informer et d’enquêter."
La Société des journalistes (SDJ) du "Parisien" a également pris position, publiant un message de soutien sur les réseaux sociaux pour "exprimer son inquiétude et son plein soutien à (ses) confrères". "Nos confrères ont fait leur métier, avec tout le sérieux et le professionnalisme que nous leur connaissons. Ils sont aujourd’hui l’objet de menaces de mort et d’intimidations", peut-on lire. "C’est inacceptable. Ces intimidations doivent cesser. Menacer un journaliste pour avoir fait son travail, revient à menacer la liberté d’informer. C’est une atteinte grave à la démocratie contre laquelle chacun doit s’élever, clairement", conclut la SDJ. Dans son communiqué, la SDJ précise également que les révélations de ces journalistes sont "d’intérêt public".
Les menaces de mort ne sont pas la seule répercussion de la publication de cet ouvrage. Une première enquête avait en effet été ouverte peu après la sortie du livre, et de plusieurs articles dans "Le Parisien" le 21 octobre, et confiée à l’IGPN, la "police des polices", pour une potentielle violation du secret de l’enquête ou de l’instruction. Le parquet de Marseille avait alors ouvert "une enquête préliminaire" à la suite de plaintes déposées par des justiciables, ces derniers estimant que certains éléments de l’ouvrage pouvaient nuire à la discrétion requise par l’instruction judiciaire en cours. Dans un communiqué transmis à l’AFP, les trois journalistes concernés avaient assuré qu’ils "respecteront le secret des sources de manière absolue, principe qui est la pierre angulaire du journalisme et de la liberté d’informer".