Dernière semaine de "Médias le mag, l'interview", en partenariat avec France 5. Julien Bellver, co-rédacteur en chef de puremedias.com et chroniqueur dans "Médias le mag" le dimanche à 12h35 interroge une personnalité des médias toutes les semaines. Pour cet ultime numéro, Julien Bellver reçoit Eric Naulleau, animateur de "Ca balance à Paris" et "Zemmour et Naulleau sur Paris Première.
La période des transferts a commencé. On a appris que vous rempiliez pour une saison de plus sur Paris Première, avec "Zemmour et Naulleau" et "Ca balance à Paris". Aucune autre chaîne n'a tenté de vous débaucher ?
Le téléphone a sonné et comme je suis un garçon courtois, j'ai répondu. Mais à la fin, je suis resté fidèle à Paris Première, où j'ai débuté et puis comme j'éprouve toujours un plaisir indécent à faire ces deux émissions...
Quel genre de propositions avez-vous reçu ?
Un peu tout, dans tous les domaines. C'était très bizarre, il y avait du sport, de la culture, de la politique, tout ce qui m'intéresse venant de médias très divers. Mais je suis content de rester sur Paris Première.
Qu'est-ce qui vous plait dans ces formats, la totale liberté de ton ?
Ces deux émissions se caractérisent par une totale liberté, on ne rend de comptes à personne. C'est très plaisant parce que ni Zemmour ni moi ne savons précisément ce qui va se passer en entrant sur le plateau, il y a une grande part d'improvisation, on prépare l'émission chacun de son côté. Donc voilà, il n'y a pas l'usure de quelque chose qui serait trop répétitif, et il n'y a pas de contrainte, pas de directive et je crois que c'est assez rare à la télévision.
La saison prochaine, vous espérez voir tous les candidats à la présidentielle défiler sur votre plateau ?
Je le souhaite ! Après, c'est quelque chose qui se fait à deux. Les invitations seront lancées, est-ce qu'elles seront acceptées ? J'espère qu'ils viendront tous. Je pense que c'est un bon exercice de se confronter à des interviews extrêmement peu conventionnelles et qui peuvent prendre une tournure inattendue, y compris pour les intervieweurs.
Il y a des sujets sur lesquels vous êtes d'accord avec Eric Zemmour ?
Il peut nous arriver d'être d'accord mais je dirais que nos désaccords sont de plus en plus marqués. Sans doute parce que Zemmour a évolué de son côté, moi du mien. Sur certains sujets fondamentaux, on s'éloigne, sur certains autres...
Il y a une vraie complicité entre vous à l'antenne... Vous êtes amis en dehors ?
Bien sûr, c'est quelqu'un que j'aime bien, qui est humainement très agréable. Mais ça n'empêche pas les différends. On peut être en désaccord avec quelqu'un sans se mettre sur la gueule. C'est le principe de l'émission.
Vous animez aussi "Ca balance à Paris". Et vous étiez à Cannes, où vos coups de coeur n'ont pas trouvé leur place dans le palmarès. Vous en pensez quoi, de ce palmarès ?
Les jurés cette année ont accompli un exploit : à une exception près, ils ont écarté tous les meilleurs films ! Je pense que le palmarès a été décerné sur des critères extra-cinématographiques, comme l'engagement par exemple. Ils l'ont donné à Ken Loach, j'ai beaucoup d'estime pour lui mais ce film est un Ken Loach mineur...
C'est sa deuxième Palme...
Oui, il est entré dans le club très très fermé des réalisateurs qui en ont deux. Mais faire un film engagé ne dispense pas de faire un grand film.
Il ne méritait pas la Palme, donc ?
Non. Il y avait cinq ou six films, sans trop chercher, qui étaient très, très supérieurs à celui-là, malgré toute l'estime que j'ai pour lui.
"Ca balance à Paris" est diffusée sur une chaîne payante, qui n'a pas eu droit à son canal sur la TNT gratuite. La faible exposition des émissions sur cette chaîne, ça vous gêne ?
Ca me frustre parce que j'ai le sentiment d'une injustice. J'ai assisté aux auditions devant le CSA et c'est incompréhensible.
Paris Première méritait de passer en gratuit ?
Evidemment ! Là aussi, on sait que les raisons sont extra-télévisuelles. Ce sont des décisions politiques très injustes. Je sais que Paris Première est décidée à remonter au créneau, j'espère qu'elle aura gain de cause.
Vous gardez espoir ?
Oui, et je pense que ça pourrait se faire beaucoup plus vite qu'on le croit parce que Paris Première est très combative sur ce dossier.
Vous avez été surexposé sur France 2 quand vous formiez votre duo avec Eric Zemmour dans "On n'est pas couché". Léa Salamé s'en va. Vous voyez qui pour la remplacer ?
Je ne vais pas trop me mêler du mercato d'une émission à laquelle j'ai participé... Le nom qui me vient, c'est Charline Vanhoenacker sur France Inter...
... Mais elle hésite, visiblement !
Je pense qu'elle doit être dans la short list.
Laurent Ruquier la veut absolument...
Très bien, je pense qu'elle serait tout à fait qualifiée parce qu'elle est à la fois observatrice politique, elle est très cultivée, elle a une sorte d'impertinence et avec Moix, ça pourrait fonctionner.
Si Ruquier vous appelle, vous y retournez ?
Non, c'est fini ça. La page est tournée des deux côtés.
Léa Salamé décroche une émission culturelle sur France 2 à la rentrée, "Stupéfiant". C'est un peu la case dont vous rêviez non ?
C'est ma grande passion la culture, donc j'aurais pu figurer sur les rangs, mais on ne m'a pas contacté.
Pourquoi on ne vous a pas contacté ?
Demandez ça à Mme Ernotte ou aux gens de France Télévisions... Je crois qu'il y a des limites à la liberté de ton, même dans la culture. Paradoxalement, c'est un milieu où il ne fait pas bon dire ce qu'on pense. On est plus libre en politique, c'est bizarre !
Pourquoi ?
Il y a des pouvoirs plus occultes. En politique, vous savez sur quoi vous tapez et pourquoi ça revient. Dans la culture, c'est plus compliqué. Les comptes se règlent en coulisses. Dans le cinéma, par exemple, toutes les chaînes sont productrices des films donc on ne peut pas dire ce que vous pensez. Du temps d'"On n'est pas couché", ils avaient un peu de mal avec les invités culturels qui ne voulaient pas être passés à la moulinette - je les comprends aussi !
Le service public n'a toujours pas trouvé la recette pour marier la culture et les bonnes audiences. Vous l'avez, vous ?
Il faut de l'exigence. Je crois qu'il faut tirer vers le haut. Malheureusement, ce que je constate c'est que c'est le pari inverse qui est fait, descendre de plus en plus le niveau. C'est un peu méprisant vis-à-vis du public. Il ne faut pas faire n'importe quoi : si vous faites immédiatement une soirée spéciale sur le cinéma japonais d'avant-garde, les gens vont décrocher. Mais avec un minimum de pédagogie et de souci dans les choix, je pense que vous pouvez faire accéder un très vaste public à la grande culture. C'est un projet qui sera relevé un jour.
On enchaîne avec une interview "Ca balance dans les médias". Yann Barthès qui quitte Canal+ pour rejoindre le groupe TF1, vous êtes tombé de votre chaise ou c'est un joli coup ?
C'est surprenant qu'il aille à TF1. A priori, ce sont deux cultures très opposées. Après, je sais qu'Ara Aprikian occupe une position très éminente à TF1...
Vous pensez qu'il va faire rire Martin Bouygues ?
Je ne sais pas s'il est là pour faire rire Bouygues, il est là pour faire rire les téléspectateurs de TF1. Est-ce qu'ils vont le suivre, c'est vraiment le grand pari. Je suis assez dubitatif sur la greffe, mais après tout, on verra bien !
Vous êtes toujours ami avec Cyril Hanouna ?
Bien sûr !
Son année a été difficile. Avec beaucoup de polémiques. C'est la rançon du succès ou il va parfois trop loin ?
Je pense qu'il est plus exposé. S'il avait moins de succès, on en parlerait moins, il y aurait moins cet effet de loupe. C'est quelqu'un qui est très talentueux. A priori, on vient de deux univers très différents mais humainement je m'entends très bien avec lui.
Vous pourriez intégrer sa bande ?
S'il me le demandait mais je vous ai déjà expliqué mon avenir télévisuel pour la saison prochaine, donc ça ne sera pas pour tout de suite. J'espère rester le plus longtemps possible sur Paris Première. Après, il n'y a pas d'incompatibilité entre moi et Cyril Hanouna.
Ses chroniqueurs sont-ils serviles comme le suggèrent "Les Gérard de la télévision" ?
D'abord, les intitulés des Gérard sont toujours aussi drôles qu'injustes. Je ne pense pas qu'il y ait une catégorie de chroniqueurs chez Hanouna, ils ont des personnalités différentes.
Ils ne sont pas serviles ?
Il y a un chef de bande, un chef de meute, vous lui devez loyauté, mais je n'ai pas l'impression qu'ils soient serviles.
La saison a été marquée par un effondrement des audiences des programmes en clair de Canal+. Vous comprenez la stratégie de Vincent Bolloré ?
Non ! (Rires) J'espère - pour lui, pour Canal+ - qu'il a un plan. Et je me dis qu'un type comme Bolloré a forcément un plan. Mais de temps en temps, un doute s'insinue en moi, je me demande s'il n'est pas complètement prisonnier d'une machine infernale. Est-ce qu'à force de vouloir tout régler de manière militaire, ça ne lui a pas échappé et que comme le Docteur Frankenstein, la créature s'est barrée et il ne pourra pas la rattraper. Je pense que la réponse va et doit tomber dans les semaines qui viennent !
Pour la nouvelle émission politique de France 5, vous êtes plutôt Bruce Toussaint, Karim Rissouli ou Caroline Roux ?
J'aime bien Bruce Toussaint. Là, c'est des critères personnels, ça fait partie des gens que je connais et que j'apprécie, ce n'est pas un jugement professionnel sur les deux autres.