Faudel© Mercury - Universal
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Le petit prince du Raï a fait du chemin. Quatre ans après son dernier album et un passage mouvementé, marqué par une dépression et son apparition aux côtés de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle, Faudel est de retour. Souriant et serein, il nous reçoit dans sa maison de disques, à Universal, pour parler son nouveau projet : [musique:351510 "Bled Memory"], un disque de reprises de standards, tout en arabe. Le chanteur sait qu'il va surprendre mais assure avoir eu besoin d'un retour aux sources. Le raï, les médias, la politique et l'identité nationale, Faudel répond à Ozap. Entretien.Ozap : Un album de reprises tout en arabe. On est loin de tes précédents disques...
Faudel : Ce projet est complètement différent de ce que j'ai pu faire auparavant. Mais il y a quand même un retour aux sources. Sur le premier album, c'était du raï et je chantais à 95% en arabe. Il y a une vraie cohérence. Je ne me coupe pas vraiment du public qui a suivi [musique:11338 "Mundial Corrida"] où on a réalisé de fortes ventes. On a dû vendre quelques 200..000 albums et 500..000 exemplaires pour le single [musique:11336 "Mon pays"]. C'était vraiment « un truc » contrairement à ce qu'a pu dire une certaine presse quand j'ai vécu ma dépression. Aujourd'hui, tout va très bien et c'est vrai que ce projet n'est pas formaté et a un gros handicap pour passer en radio, à part les radios communautaires. C'est un album-concept. L'objectif est de revisiter les gros standards du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) avec des gros tubes qui ont traversé plein de générations. Quand tu écoutes bien, ce sont des chansons populaires mais tu reconnais l'air, même si tu n'as rien à voir avec cette culture.
Tu es parti pendant plus de deux en tournée au Moyen-Orient. Tu voulais t'imprégner totalement de cette culture pour faire le disque ?
Oui et surtout, psychologiquement, j'ai fait ce que j'appelle un « exil éducatif ». Aujourd'hui, je suis guéri, tout va bien, mais j'avais envie d'aller vers l'autre, de voir un petit peu ce qui se passait ailleurs, de rencontrer un public qui ne me connaissait pas forcément et n'avait pas connaissance du succès que j'ai en France.
Justement, quand tu as dit à ta maison de disques que tu voulais faire cet album de reprises en arabe, ils ne t'ont pas plutôt demandé de refaire ce que tu avais déjà fait par le passé et qui avait marché ?
Je pars du principe que je suis constamment à la recherche d'idées, de concepts, de chansons... J'étais dans mes petits ateliers, mes rencontres où je sollicitais des auteurs, des compositeurs. J'avais, pour tout te dire, trois tubes, trois chansons qui avaient des allures « tubesques » comme on dit dans les maisons de disques. Mais après, je me suis dit que j'avais envie de ce projet mais ce n'était pas le moment. Je me suis fait recaler une fois, deux fois... Et puis après, comme je ne lâche pas l'affaire, ils ont trouvé que c'était l'occasion de faire découvrir la musique orientale à des gens qui ne la connaissaient pas à travers moi.
Et ça représentait quoi pour toi ce disque ?
J'ai beaucoup travaillé pour que le projet ait une vraie légitimité, notamment pour rencontrer les musiciens, parfois même ceux qui ont joué sur les versions originales. On ne se demandait plus pourquoi je voulais faire ça. Et aussi, je pense à mon fils, il a sept ans et demi, on est en plein dans la transmission, l'explication d'où il vient. Lui est parisien mais a des origines algériennes. Il a fait son premier voyage éducatif en Algérie et comprend que papa fait un travail qui n'est pas comme celui des autres papas. Et puis, j'avais l'impression que le raï était moins éclairé qu'avant, pour plein de raisons. Avec "1, 2,3 Soleils", on avait tellement mis la barre haut que c'était difficile derrière. Il y a eu le 11 septembre aussi notamment, il faut resituer les choses. Et là, j'avais cette envie d'immortaliser, de laisser quelque chose. Et pourtant, je ne pense pas au futur et encore moins au passé. J'ai cassé mes rétroviseurs. Je vis le présent mais j'ai eu, modestement, cette conscience qu'il fallait avoir une trace de cette musique.
[[S2757058W200]Tu parlais de la volonté de faire un disque sur tes racines... Tu as évoqué tout à l'heure tes tubes. A un moment, est-ce que tu n'es pas allé à la recherche du tube comme tu voyais que ça marchait. Je pense au titre "J'ai chaud" par exemple en 2007. C'était en décalage avec ce que tu avais fait et ce que tu chantais, non ?
Complètement, on s'est planté. Le texte me ressemblait mais c'était une chanson trop commerciale. En fait, là, je me suis planté. Sur cette chanson, mon public a senti que ce n'était pas sincère et aujourd'hui, j'assume et je le dis. Là, je voulais revenir à mes origines.
Mais tu disais déjà dans tes titres précédents que tu avais envie de découvrir tes racines.
Je reviens aux sources et je voulais peut-être me prouver à moi et aux autres que c'est encore possible, que j'ai encore envie. C'est un album pour que les familles puissent s'amuser. Tu sais comme quand, dans les fêtes, tu as le quart d'heure raï.
Même en sachant que ce serait dur d'imposer un album tout en arabe.
Bien sûr. J'ai mesuré. Tu fais bien de parler de "J'ai chaud", parce que quand tu sors un truc, rien n'est dit. En plus, on avait sorti ce single l'été où il n'a pas arrêté de pleuvoir (rires) ! Comme quoi il n'y a jamais de recette. Donc là, je sais que je vais ramer mais aujourd'hui, je suis plutôt dans la recherche de prouver quelque chose et à aller dans le côté difficile. C'est plus intéressant.
Et là, c'est difficile pour que le disque passe en radios par exemple ?
Oui, je ne vais pas te mentir. On a de grands partenariats avec des radios communautaires, comme Beur FM. C'est magnifique et on bénéficie d'une belle exposition. Mais je ne désespère pas qu'on puisse écouter une chanson comme [musique:350974 "Baïda mon amour"] sur Chérie FM, mais parce que c'est Faudel qui la chante.
Que te disent les médias quand ils refusent de passer la chanson ? Finalement, il n'y a pas que des titres en français sur les radios...
(silence) On te dit que ce n'est pas la couleur de la politique de la radio. On ne te donne jamais la vraie raison. Moi, j'ai une petite idée mais bon... (rires)
Et c'est quoi ta petite idée ?
Non, voilà, ils sont un peu frileux, voilà.
Ca veut dire qu'on retombe dans un cliché arabisant...
C'est ce qu'a vécu Rachid Taha, ou Khaled à l'époque. Il avait vendu 1 million d'exemplaires de "Didi" mais ne passait pas en radio, t'imagines ? Tout le monde pensait qu'il passait à la radio alors qu'il s'est fait jeter. J'ai cette impression. Comme quoi il y a encore du boulot.
Finalement, encore aujourd'hui, c'est discriminant...
(Silence) C'est toi qui l'a dit, je n'ai rien dit moi (rires).
En revanche, pourquoi avoir choisi un titre d'album en anglais ? C'est dommage, non ?
Tu es le premier à me le demander (rires). En fait, il devait s'appeler "Radio Raï". Moi, au départ, je voulais l'appeler "Mémoires" mais je voulais garder le mot "bled" pour tout de suite mettre le public et les médias dans le contexte. C'est une société, qui travaille avec Zebda et qui fait beaucoup de pochettes avec un vrai sens politique, qui m'a proposé le titre final. Il m'a dit que si on l'appelait "Mémoires", c'était un peu triste. Avec "Bled Memory", les gens étaient tout de suite dans le projet donc c'est juste pour la rime et le style.
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Tu disais tout à l'heure qu'on t'était tombé dessus parce que tu étais Faudel. As-tu une pression particulière pour ce retour ?Pour être direct, je sens qu'on m'invite pour parler de mes déboires hors musique. Mais, aujourd'hui, je réponds assez franchement et surtout, j'ai beaucoup de recul. Il y a eu un bouquin, Itinéraire d'un enfant de cité, qui n'est pas une autobiographie mais un livre d'entretiens suite à une dépression qui n'a pas eu lieu en raison de la place de la Concorde, ni de mon engagement en politique (Faudel était apparu aux côtés de Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007, NDLR). Après, il y a eu un acharnement sur mon cas. Soit. J'ai envie de répondre aux gens qui parlaient d'annulations de concerts etc. Je ne vois pas comment on peut annuler un concert qui n'a pas été programmé, je veux qu'on m'explique. J'ai sans doute été trop optimiste en jouant jouer le côté rassembleur. A ce moment-là, on voyait apparaître les premières personnes d'origine maghrébine au gouvernement et je me disais, un peu comme pour Obama, « C'est possible ! ». Moi, j'étais dans cet esprit-là. Je ne maitrise pas du tout l'art de la rhétorique, je n'ai jamais fait de politique, je n'ai jamais milité. Ah si, j'ai été délégué de classe (rires).
Mais tu sais bien qu'on va te reparler de politique ou, en ce moment, de l'identité nationale.
Ça, c'est encore autre chose mais par rapport à cet acharnement, il y a eu trop de choses fausses. Je suis d'accord pour prendre, j'étais conscient que ça aurait une répercussion et une attaque des journalistes mais autant, non. C'est pour ça que j'étais triste en fait. Pas que pour ça. Ca faisait 14 ans de carrière, de speed... Après, je veux bien prendre dans la figure mais quand c'est vrai. Les journalistes pourraient vérifier l'information. Là, on n'a pas vérifié, c'est bizarre.
Et tu n'as pas voulu en faire une chanson ?
On m'a proposé une chanson. Une personne, très connue, m'en a proposé une. Je n'ai pas voulu parce qu'une journaliste m'a proposé de faire ce livre d'entretiens. J'ai répondu sincèrement à tout et je n'ai pas du tout romancé ou menti. J'ai préféré en parler une seule fois sinon je vais passer ma vie à parler de ça. Et puis, je n'ai tué personne.
J'ai réécouté tes anciennes chansons avant de venir et en fait, ce thème de l'identité était déjà présent dans tes chansons.
Depuis le début ! « Dis moi comment faire pour comprendre tout ça... Pour nous, les jours se ressemblent, la souffrance nous fait survivre ensemble ». Quand je dis "Nous", ce sont les gens issus de cités et de quartiers dits difficiles. Bien sûr que je le défends depuis le début. Quand j'allais en Algérie, on n'était pas vraiment chez nous et ici, on n'était pas vraiment chez nous. Il y a un sentiment de rejet des deux côtés donc il y a une interrogation.
Mais finalement, tu trouves ça bien alors ce débat sur l'identité...
Je n'ai pas dit ça. Après, il y a une récupération, surtout la personne qui l'a proposé... On se dit que c'est bizarre. Il y a des élections qui arrivent dans pas longtemps et ce sont toujours les mêmes personnes qui remettent le couvert. Je pense vraiment qu'il y a d'autres problèmes. Moi, ce qui compte, c'est le respect, qui que tu sois. Après, ça part dans des trucs... La burqua... Enfin.
La politique, les prises de position, tout ça, c'est terminé ?
Si on éteint le dictaphone, on peut en parler en tête-à-tête mais moi, je crois que j'ai aujourd'hui assez ramassé.
On termine sur autre chose alors. Tu as 31 ans, 14 ans de carrière et pourtant, tu es toujours "le petit prince du Raï". Il y a un côté poupon autour de toi, comment ça se fait ?
Tu as vu ça un peu ? (rires) J'ai une gueule de gamin et il y a toujours cette bouille qui fait que je fais partie des meubles. On m'a toujours vu à la télé et pour les gens, j'ai toujours cette bouille de 16 ans. En plus, j'étais le dernier de la bande. C'est mignon tu vois, mais papa il a grandi !
Et tu penses que tu peux changer de statut avec ce disque ?
L'album de la maturité !
C'est une formule ça...
Disons que là, il y a de vrais classiques où il faut y aller. C'est comme quand Florent Pagny fait des chansons lyriques. Du coup, j'ai pas mal bossé. En fait, je suis le chanteur de variétés du Bled, voilà.