Nommé en avril dernier N°2 de France 2, Philippe Vilamitjana revient sur puremedias.com sur ses premiers mois à la tête de la "première chaîne publique". Au sommaire : bilan de la rentrée, arrêt de l'émission de Bruce Toussaint au profit de l'arrivée de "Ce soir (ou jamais !)", débat sur la scripted reality, révélations sur le nouvel access et les nouveaux week-ends, retour sur les événements de 2013 et enfin retour sur les contraintes budgétaires fortes auxquelles est confrontée France 2.
Propos recueillis par Julien Lalande
puremedias.com : Quel bilan faites-vous de la rentrée et plus largement de l'année ?
Philippe Vilamitjana : Pour la première fois depuis 1996, France 2 réalise une meilleure année que l'année précédente. Au 1er décembre, nous sommes à 15% de parts de marché, contre 14,9% l'an dernier. Et généralement, le mois de décembre nous est favorable. La situation est donc historique. Nous progressons grâce au temps de l'information (la campagne pour la présidentielle), grâce au temps des sports (les J.O. de Londres et Tour de France notamment) et, depuis septembre, le temps des programmes. En effet, entre septembre et novembre, nous avons réalisé une part d'audience de 14,5%, contre 14,2% à la même époque en 2011. Nous avons progressé en prime time et en deuxième partie de soirée. A titre d'information, TF1 et M6 régressent sur cette même période tandis que France 3 et Arte ont augmenté. Ces performances nous permettent de réaffirmer notre statut de deuxième chaîne française - loin devant M6 qui est quatre points derrière nous – mais aussi notre ligne éditoriale. Nous sommes une chaîne généraliste du service public qui parle de tout et à tous.
Vous avez lancé plusieurs nouveautés à la rentrée. Deux à trois mois plus tard, quel est votre bilan ?
France 2 est la chaîne qui a le plus innové à la rentrée avec 12 nouveaux programmes. Le bilan est clairement bon, notamment pour "La parenthèse inattendue" et le "Ondar show" qui ont permis de rajeunir significativement leur case. Néanmoins, nous avons eu plusieurs nouveautés placées sous surveillance. Quand une émission va à l'antenne, on lui laisse généralement du temps, sauf lorsqu'elle est programmée dans une case soumises aux critères commerciaux. C'est pourquoi nous avons vite réagi en déprogrammant "Volte/Face" et "Roumanoff et les garçons". Dans le cas inverse, on laisse du temps aux émissions. J'observe par exemple que le rendez-vous d'Aïda Touhri progresse de semaine en semaine.
Pourquoi remplacer l'émission de Bruce Toussaint par "Ce soir (ou jamais !)" ?
Rémy Pflimlin, les directions de France 3 et de l'information ont décidé de créer un nouveau rendez-vous d'information sur France 3. Il aura des conséquences économiques (puisque la majeure partie des deuxièmes parties de soirée de la Trois disparait au profit de ce nouveau rendez-vous) mais aussi éditoriales. Comme le groupe est dans un contexte budgétaire compliqué et qu'il souhaite conserver un personnage aussi emblématique que Frédéric Taddéï, France 2 va l'accueillir.
Frédéric Taddéï apparaîtra quand et pour faire quoi ?
Il n'y a pas l'ombre d'une hésitation : il viendra pour faire "Ce soir (ou jamais !)". C'est une marque forte, très identifiée à Frédéric Taddéï. C'est un visage emblématique. L'émission sera programmée dès début mars le vendredi en deuxième partie de soirée.
Est-ce qu'il s'agira d'un magazine culturel de plus ?
Non. C'est un magazine qui parlera de la culture et non pas de l'actualité culturelle. L'émission est un débat d'idées, avec la personnalité de Frédéric Taddéï et ses invités. L'émission abordera les sujets qui agitent le monde et les idées.
Une des faiblesses de la grille de France 2, c'est l'access. Va-t-il évoluer comme on le dit ?
A notre arrivée avec Jean Reveillon à la tête de France 2, nous avons effectivement identifié ce chantier. On a constaté que la structure de l'access n'a pas bougé depuis 1997 et "Studio Gabriel" de Michel Drucker. Depuis cette époque, il n'y a qu'un seul programme entre 19 et 20 Heures. L'arrêt de la publicité après 20 Heures a conduit France 2 à créer une zone d'interprogrammes, une zone commerciale, très longue avant le JT. L'access s'arrête donc à 19h40, ce qui a fait le bonheur de M6, France 3, Canal+, France 5... Ca a fait le bonheur de tout le monde, sauf France 2. A la fin de l'access, les téléspectateurs zappent et France 2 tombe à 6% de parts de marché. Fort heureusement, les téléspectateurs reviennent pour le JT.
Nous avons donc décidé de casser la structure de l'access dès janvier : vers 19h, les téléspectateurs retrouveront une formule de "Mot de passe" de 22 minutes suivie d'une formule de même durée de "N'oubliez pas les paroles". Entre les deux programmes, nous calerons un écran publicitaire, de façon à ce que notre access s'arrête vers 19h52 voire 19h53. Autrement dit, jamais on a été aussi près du démarrage du JT. Nous visons clairement de recouvrir "Le 19.45" de M6 et la fin du jeu de TF1. Cette nouvelle structure de l'access sera sous observation. J'envisage de le remettre en question dès le mois d'avril. Nous nous sommes engagés auprès des producteurs sur une période courte et avec une clause d'audience élevée. Ce qui nous permettra d'arrêter l'un ou l'autre jeu (voire les deux) rapidement si les performances ne sont pas au rendez-vous. Clairement, je vise les 13% de parts d'audience sur les quatre ans et plus.
En 1996, la structure de l'access de France 2 était différente d'aujourd'hui, mais lui n'avait qu'une seule marque... Surtout, "Mot de passe" et "N'oubliez pas les paroles" ont des structures d'audience assez différentes...
C'est aussi pour ça que vous aurez "Mot de passe" puis "N'oubliez pas les paroles" puisqu'on a rapproché l'émission la plus attractive auprès des ménagères de moins de 50 ans vers le JT. "N'oubliez pas les paroles" est plus porteuse de recettes commerciales. Mais "Mot de passe" est aussi puissant voire plus que "N'oubliez pas les paroles" sur l'ensemble du public. Pourquoi deux programmes différents ? On avait envisagé des offres "CSA compatible", c'est-à-dire un même programme qui s'enchaîne. A l'heure de la rediscussion du contrat d'objectif et de moyens, je n'ai pas voulu qu'on soit suspecté de forcer à la main ou d'être "hors la loi" avec une coupure publicitaire dans le flux, ce qui est interdit. J'ai donc préféré proposer une offre incontestable avec deux émissions différentes entre 19 et 20 Heures.
Réfléchissez-vous déjà à l'access de septembre 2013 comme on le dit ?
Oui, mais ce n'est pas que le 19/20 auquel nous réfléchissons, c'est grosso modo le fond de grille de l'après-midi jusqu'à 20h, et en particulier la tranche 17h30/20h. Ca ne veut pas dire que ce que nous allons mettre à l'antenne ne sera pas reconduit, je pense notamment à "On n'demande qu'à en rire". Ce que je veux dire, c'est que l'on ne s'interdit rien. Dans les mois à venir, nous allons réfléchir à quelles offres nous pourrions proposer : un jeu, un divertissement, une fiction, un talk, etc.
La contrainte budgétaire avait été très forte déjà pour la grille de septembre. Est-ce qu'elle a été encore plus forte pour la grille du premier semestre 2013 ?
Oui. Je peux vous dire par exemple que nous avons décidé de réexposer des programmes de flux dès janvier. Par exemple, il y aura les meilleurs moments de "Grand public" d'Aïda Touihri et de "La Parenthèse inattendue" de Frédéric Lopez le samedi dans la grille. Nous devons optimiser notre offre au regard du cadre économique. Il ne faut pas avoir peur de la réalité : nous avons de nouvelles contraintes. Nous devons agir et réagir en fonction. Je rappelle que hors info et hors sports, notre coût de grille sera inférieur de 30 millions d'euros à ce que nous avions demandé au groupe. Pourtant, en 2013, il y aura plus de prime times qu'en 2012 où les JO et la présidentielle avaient trusté plusieurs soirées.
La ministre Aurélie Filipetti s'est exprimée en dévafeur de la scripted reality, dénonçant son côté bas de gamme. Vous proposez deux formats quotidiens de ce type. Les assumez-vous ?
Nous allons faire une pause dans la production de programmes de scripted reality. Faire une pause, ça ne veut pas dire qu'on retire les programmes de l'antenne mais que nous faisons une pause dans le lancement de nouvelles scripted reality. Pourquoi ? D'abord parce que nous avons, à ce jour, un stock important d'épisodes à diffuser et à rediffuser. Au regard du contexte budgétaire, je veux qu'on puisse utiliser ce stock. Ensuite, des producteurs de fiction (actuellement, les programmes de scripted sont produits par les producteurs de flux, NDLR) sont venus nous proposer de la scripted. On a étudié des projets, nous avons fait deux pilotes. Nous les avons trouvés intéressants. Mais pour revenir sur les propos de la ministre, moi je différencie le contenu et le genre. La scripted reality, c'est une nouvelle écriture. Nous avons vu des programmes de scripted pas du tout indignes, avec même, pour certains, une dimension pédagogique.
Quels seront les grands événements de France 2 dans les mois à venir ?
L'année 2013 va être exceptionnelle du point de vue culturel, avec notamment une semaine dédiée au théâtre. Nous aurons aussi un soir à Versailles en juin présenté par Stéphane Bern, la Fête de la musique à Marseille, le Bal masqué à Orange, le fameux concert de Paris que nous retransmettrons dorénavant chaque année le 14 juillet à la Tour Eiffel. En 2013, nous aurons aussi l'adaptation au théâtre des "Tontons flingueurs" qui sera retransmise en direct. Ce sera une création pour France 2. Enfin, nous aurons l'opération "Ensemble" : une journée entièrement dédiée à l'emploi fin janvier puis à la santé d'ici l'été.