"C'est le mec paralysé qui sert la journaliste en pleine forme et qui fout rien de la journée". En ce matin pluvieux, Antoine a aromatisé le café allongé de sa compagne, Marina Carrère d'Encausse, d'une dose d'humour. Et allégé un quotidien percuté par la maladie de Charcot, une pathologie incurable dont il est atteint depuis un peu plus d'un an. Antoine, qui compte bien "maîtriser sa fin de vie jusqu'au bout" est le premier témoin de "Pour que tu aies le choix", documentaire bouleversant incarné par la présentatrice du "Magazine de la santé" et rediffusé, ce mercredi 11 octobre 2023 à 23h25, dans le cadre d'une soirée continue sur la fin de vie sur France 2.
Marina Carrère d'Encausse confronte là le téléspectateur à une question de société essentielle et prend parti – sans se cacher – en faveur de règles régissant l'aide active à mourir. "C'est ce que je découvre aussi avec cette histoire (celle de son compagnon Antoine, ndlr) et avec cette maladie, c'est que l'on évolue beaucoup sur ce que l'on pense. Bien sûr, si à un moment, il me demandait – parce qu'il n'avait pas les moyens lui-même d'arrêter (de vivre) – je le ferai oui (lui injecter la piqûre pouvant mettre un terme à ses souffrances, ndlr), bien sûr ! Même si c'est illégal, bien sûr, je le ferai", assure-t-elle, en toute honnêteté aux côtés de son compagnon, dans le documentaire.
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Jusqu'ici, la loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016 reconnaît le droit du patient à une sédation profonde et continue mais se heurte à des critiques résumées dans le documentaire par Denis Labayle. Dès les années 1990, le co-président de l'association Le choix "a dit oui à ses patients de l'hôpital public qui lui demandaient d'en finir". Un témoignage choc, qui peut lui valoir des poursuites pénales, et rare dans la profession – le Conseil de l'ordre est contre l'euthanasie – qui en dit long sur le retard de la loi en France...
Quel modèle d'aide active à mourir serait le plus adapté à notre pays ? Marina Carrère d'Encausse explore les pistes et se rend en Suisse – la confédération helvétique a opté pour le suicide assisté réservé à des patients suisses en pleine possession de leurs moyens et dont l'organisation repose sur des bénévoles – au Québec, province du Canada où l'on meurt le plus par euthanasie, et en Belgique, premier État avec les Pays-Bas à l'avoir dépénalisée.
L'hôpital de Liège est d'ailleurs le théâtre d'une séquence poignante du documentaire. Les caméras de la société de production 17 juin ont capté les derniers instants de vie de Françoise. Atteinte d'un cancer du rectum depuis deux ans, elle a décidé – comme 50 Français chaque année – d'avoir recours à l'euthanasie et donc du jour de sa mort. Quand le docteur François Damas lui demande si elle est "toujours prête pour aujourd'hui", la patiente française – qui a "mûrement réfléchi" – est déterminée. "Et comment !".
La France n'a pas pu respecter la dernière volonté de Françoise mais s'interroge. Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée à la Santé, présentera prochainement un projet de loi. Elle annonce au micro de Marina Carrère d'Encausse qu'aucun modèle existant ne serait applicable in extenso. "Le cadre c'est : 'pas les mineurs', 'pronostic vital engagé à moyen terme' (quelques semaines à quelques mois), 'volonté libre et éclairée de la personne' et puis c'est 'souffrances réfractaires' ou 'insupportables'", a-t-elle simplement précisé, ajoutant que, pour les patients dans l'incapacité d'ingérer eux-mêmes une substance létale, l'euthanasie serait selon toute vraisemblance dépénalisée.
D'ici la conclusion du débat qui attend la France, Marina Carrère d'Encausse et Antoine admirent l'horizon, regardent la mer et le monde, comme la mort, en face.
Lors de sa première diffusion, le mardi 26 septembre 2023 sur France 5, le documentaire réalisé par Magali Cotard pour la société de production 17 juin, avait informé 1,10 million de téléspectateurs entre 21h04 et 22h34, soit 5,8% de l'ensemble du public et 3,6% des FRDA-50.