Interview
France Télévisions : "La culture, c'est quelque chose de populaire"
Publié le 21 juin 2011 à 13:09
Par Julien Lalande
Nouveaux animateurs, information, audiences, Frédéric Lopez, Delarue, Nagui, nouvelles écritures, culture... Entretien avec Emmanuelle Guilbart, directrice générale aux programmes de France Télévisions autour de toute l'actualité du groupe public.
Crédits : France Télévisions Crédits : France Télévisions© Emmanuelle Guilbart
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Quatre prix pour France 2, deux pour France 5 et France 4, un pour France 3... France Télévisions n'est pas repartie les mains vides des "TV Notes 2011 - puremedias.com - RTL - 20 Minutes". Entretien avec Emmanuelle Guilbart, directrice générale déléguée aux programmes de France Télévisions.

Puremedias.com : France Télévisions remporte 9 des 15 prix des « TV Notes 2011 ». Même pour une nouvelle direction, je suppose que ces distinctions vous donnent le sourire !
Emmanuelle Guilbart : C'est une satisfaction pleine et entière. Je pense que c'est la récompense d'une vraie qualité des programmes. On a été les premiers à ne pas parler que des audiences dans la façon dont on mesure la performance de nos antennes, avec notre baromètre qualitatif. Il va d'ailleurs évoluer à la rentrée pour devenir un vrai outil de marché. Ca sera un outil totalement scientifique, une référence fiable et crédible.



Outre les programmes de l’ensemble des antennes de France Télévisions, vous êtes la patronne de France 4, désignée « Meilleure chaîne TNT ». Est-ce que c’est la récompense des évolutions de la chaîne engagées ces derniers mois ?
Je suis ravie. Ca a beaucoup bougé oui, et ça va bouger encore plus à la rentrée. On a l'avantage de bénéficier de l'image qualité de France Télévisions et, en même temps, comme nous ciblons une audience plus jeune, d'être plus décomplexée et plus impertinente que nos grandes sœurs. L'image et le ton vont encore évoluer et le poids de l'information va être renforcé.

France 4 doit être une chaîne légère ?
En fait, nous voulons que France 4 soit la petite sœur turbulente. On veut aller à la conquête des plus jeunes en privilégiant des programmes de fond. On doit être très différent de France Télévisions et en même temps, on veut aussi rester différent des autres chaînes de la TNT qui ciblent le même public. On n’ira pas dans des programmes artificiels que développent certaines concurrentes du privée.

Un programme emblématique de France 4 va disparaître : Taratata. L’émission de Nagui sera réservée à France 2 à la rentrée. Pourquoi ce choix ?
L'un des problèmes de France 4 que nous essayons de corriger, c'est sa perception. Pour faire court, elle est parfois perçue comme la chaîne des rediffusions ou des programmes que les autres chaînes de France Télévisions ne veulent pas. Taratata est une excellente émission qui a servi la chaîne à ses débuts mais, aujourd'hui, c'est une marque qui dépasse France 4 et avec un animateur, Nagui, qui est un des animateurs forts de France 2. On s'est dit qu'il était temps de s'en affranchir. Un des grands axes de la chaîne à la rentrée, c'est un investissement dans les programmes originaux. Il y aura une nouvelle offre musicale par exemple.

Un des rendez-vous de France Télévisions récompensé année après année dans les « TV Notes », c’est Rendez-vous en terre inconnue. Pourtant, on la dit menacée. L’émission sera-t-elle de retour la saison prochaine ?
Oui, Rendez-vous en terre inconnue sera bien à l'antenne. Nous avons prévu deux numéros. L'émission restera donc événementielle. C'est une émission magnifique : elle obtient des notes incroyables dans notre baromètre qualitatif (plus de 9 sur 10), elle réalise d'excellentes audiences (le numéro avec Virginie Efira est notre meilleure audience de l'année) et en plus elle réunit des téléspectateurs de tout âge.

Verra-t-on Frédéric Lopez plus de deux fois par an sur France 2 ?
On l'espère. Frédéric est un très bon animateur.



Autre personnalité emblématique de France Télévisions, Nagui. Il est jusqu'ici cantonné aux jeux et à Taratata. Est-ce qu'on le verra dans d'autres types de rendez-vous la saison prochaine ? Je pense au concours de chant que France 2 va lancer à la rentrée...
Oui, le jeu marche très bien et Taratata a une très belle image. Sur la saison qui vient, on reste sur ces deux de rendez-vous où il excelle. Tout le monde veut prendre sa place est un très beau succès, aussi bien à l'antenne que sur le net où la version interactive cartonne.

On annonce beaucoup de nouveaux visages sur France Télévisions. C'est une volonté du groupe ?
Pour France 2 et France 3, on a envie de renouveler régulièrement les visages de l'antenne. Sur France 4, on a plus une volonté d'avoir des visages propres pour marquer notre identité. On a envie de lancer quelques nouveaux visages, notamment féminins. Nous avons aussi une forte préoccupation autour des questions de la diversité à l'antenne. Mais je ne voudrais pas qu'on donne l'image que c'est une recherche à tous crins. C'est vrai que cet été on lance beaucoup de choses parce que cette période de l'année sert à tester des choses et des animateurs. Mais nous avons déjà un portefeuille (si je peux dire) d'animateurs et de journalistes dont on peut être extrêmement fier, notamment sur France 2.

Le PDG de France Télévisions a indiqué sa volonté de rajeunir l'audience de France 2. Et effectivement, dans les nouveaux programmes annoncés, on sent bien cette ambition. Mais ne risquez-vous pas de perturber les téléspectateurs habituels de la chaîne qui sont en grande majorité des seniors ?
Je pense que le discours a été un petit peu déformé. Il y a eu une prise de conscience lorsqu'on est arrivés : il y a eu un vrai vieillissement de l'audience de la chaîne. Il y a plein de facteurs qui expliquent cette tendance, comme le vieillissement de la population ou la durée d'écoute des seniors. Mais on pense que France 2 a perdu des programmes avec des clefs d'entrée où les jeunes passent. On est préoccupés par ça, non pas qu'on veut faire jeune mais parce qu'on s'adresse à tout le monde. Comme l'expression consacrée, on vise les 7 à 77 ans. En fait, plutôt que de parler de rajeunissement, on peut dire qu'on a la volonté d'élargir notre audience.

Ca passe par l'arrivée de nouvelles écritures. Cet été, il y a pas mal de docu-réalités, un mode de narration jusque-là boudé par France Télévisions. C'est un axe de développement ?
C'est un des axes, comme celui de la fiction dont les évolutions vont prendre par contre un peu plus de temps vu les délais de production. Mais effectivement, sur le documentaire et le magazine - on est un peu à la frontière des deux - on pense très clairement qu'il y a quelque chose qui n'a pas été travaillé. Le public est prêt à ce type d'écritures avec des thèmes qui restent service public. On va faire très attention. On ne va pas aller enfermer des gens pour aller voir ce qui se passe, cela ne nous intéresse pas du tout. En revanche, on a plusieurs projets pour la rentrée ou on va s'intéresser aux relations familiales, à la prise de conscience sur des thématiques diverses et variées...



A propos des relations familiales, le concept de la nouvelle émission de Jean-Luc Delarue, Réunion de famille, a déjà été décrié : des familles déchirées qui viennent témoigner en plateau. France 2 se lance-t-elle dans le trash ?
Il ne s'agit pas du tout de faire du trash, ce n’est absolument pas ce qu'on cherche. Ca ne sera pas un magazine trash.

De nouveaux producteurs font leur arrivée sur France Télévisions, comme Cauet. Il s'agit de décomplexer le service public ?
Oui, c'est important. Moi qui ne venais pas du service public, je pense qu'il y a de vraies valeurs sur France Télévisions. Je pense qu'on doit toujours garder en tête qu'il faut se démarquer des chaines privées. Au bout du compte, c'est ce qui fera la différence. Néanmoins, il ne s'agit pas de s'enfermer dans une image que certains ont du service public : "ça doit parler, ça doit être sérieux...", toutes les dérives de ce genre de postures académiques de ce que serait la culture. Le public sait voir quand un programme est de qualité et instructif. On peut le dire de façon divertissante ou ludique. Il ne s'agit pas de faire seulement de l'opéra et du théâtre, même si on continuera à en faire. La culture, c'est quelque chose de populaire.

Une des réussites de France 2 ces derniers mois, c’est son offre en matière d'information. Des nouveautés sont-elles encore à prévoir ?
Effectivement, on est très heureux des performances de l'information sur France Télévisions. Il y aura des nouveaux rendez-vous à la rentrée. L'information, qui est notre marque de fabrique, va être un axe très fort de France 2 et, dans une moindre mesure, de France 3. On privilégiera la réactivité, le sérieux de l'info et on va beaucoup travailler la forme et le ton de nos émissions.

Votre choix de réserver la politique aux émissions de la rédaction suscite plusieurs plaintes, comme celles de Guillaume Durand. Entendez-vous ces critiques ?
J’entends le fait qu’on peut tout à fait imaginer que des politiques s’expriment hors du cadre de l’information, notamment quand on est à la recherche d’une parole différente, qui soit moins formelle. Simplement, l’arbitrage que nous avons fait, alors que nous sommes dans une année très importante du point de vue de l’information, c’est qu’on ne veut pas brouiller les cartes. On veut se donner le temps pour très bien traiter ces événements avec la rédaction. De ce point de vue-là, Thierry Thuillier (le directeur des rédactions de France Télévisions, NDLR) est quelqu’un de très ouvert, ce n’est pas un ayatollah. A terme, ça ne veut pas dire qu’on ne va pas réfléchir à un traitement différent, on n’est pas totalement bloqué sur ce sujet. C’est une question de séquence. Et puis très clairement, il y avait parfois des invités qui ne voulaient pas venir dans des magazines de la rédaction parce qu’ils étaient prévus dans des émissions qui n’étaient pas du ressort de la direction de l’information.

Est-ce que, comme lors de la dernière présidentielle, Michel Drucker pourra recevoir quelques uns des candidats à l’élection présidentielle ?
A priori non. Je pense que cette année, ce n’est pas la priorité.

Un dernier mot sur les audiences alors que celles de France 2 et France 3 sont orientées à la baisse. A l’extinction de l’analogique, quels niveaux d’audience vous fixez-vous ?
Pour le coup, on raisonne en terme de bouquet France Télévisions. On vise 30% de parts d’audience. Mais je précise qu’on se fixe des objectifs très forts avec le nouvel outil de satisfaction que nous lancerons à la rentrée avec Harris Interactive.

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