"Secret Story" c'est fini... "pour le moment" ? Deux semaines après l'extinction des feux de la maison des secrets et la victoire d'Alexis, Jean-Louis Blot, président d'Endemol France, a accepté de dresser le bilan du retour de l'émission d'enfermement de TF1 auprès de puremedias.com.
Casting, audience, avenir, l'homme fort de la société de production derrière la "Star Academy" ou encore "La meilleure boulangerie de France" a répondu à toutes nos questions. Entretien.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
puremedias.com : "Secret Story" s'est achevée il y a quinze jours sur TF1. Quel bilan tirez-vous de cette saison 1 de l'ère moderne de la télé-réalité ?
Jean-Louis Blot : Je ne vais pas faire de langue de bois. On a eu un début de saison compliqué. Mais finalement, avec beaucoup de travail, on a réussi à se stabiliser chaque jour à 17h30 aux alentours de plus d'1 million de personnes. Derrière le linéaire, on a un replay très dynamique, une consommation digitale très importante, qui fait que c'est un nouvel équilibre. C'est une proposition différente, peut-être qu'elle manquait à un diffuseur tel que TF1. On n'est pas au niveau de la "Star Academy", mais à J+7, on est en moyenne à 30% de part d'audience sur les Femmes responsables des achats âgées de moins de 50 ans. C'est loin d'être négligeable.
"L'idée de ce retour de 'Secret Story', ce n'était pas de casser des portes..."
Le nouveau "Secret Story" "plus authentique" a pu décevoir les fans de la première heure. Vous assumez toujours ?
Oui, c'est un 'Secret Story' différent, mais c'était une volonté commune de TF1 et d'Endemol. Avec TF1, nous avons voulu sortir de cette culture du clash. L'idée de ce retour, ce n'était pas de casser des portes... On voulait faire un jeu, une émission plus psychologique, presque plus stratégique, beaucoup moins individualiste. Et finalement, on a quand même réussi à raconter des histoires passionnantes avec ces nouveaux candidats et cette nouvelle façon qu'à la génération Z de penser.
La présence de Tiktokers dans le casting a également pu dérouter...
À la conférence de presse, on a annoncé qu'on avait fait un casting authentique... Après ce n'est pas antinomique, on peut avoir des millions de followers sur les réseaux sociaux et être authentique.
Entre la "Star Academy" et "Secret Story", la télévision est de plus en plus à la recherche de personnalités plus authentiques. Comment cela se traduit-il dans vos processus de casting ?
Pendant des années, on élaborait des castings représentatifs. Aujourd'hui, ils sont significatifs. Les castings que l'on propose aux téléspectateurs en 2024 signifient un discours, une prise de position. C'est très important je trouve car c'est quelque chose qui a évolué ces dernières années.
Ce que je voulais avant tout en arrivant chez Endemol France en 2021, c'est qu'on soit dans l'authenticité, dans la vérité de ce que sont les gens et qu'on ne nous soupçonne pas de manipuler. Parce que souvent à la télévision, sur les réseaux sociaux, on entend cette petite musique 'c'est la production qui décide', 'c'est la production qui manipule les images.
Nous, ce qu'on essaie de faire depuis trois ans, c'est vraiment caster, sélectionner, les gens tels qu'ils sont et les montrer à l'écran tels qu'ils sont. On est très bienveillants avec les gens qui font nos émissions et surtout avec les téléspectateurs qui nous regardent.
Pour arriver à tout cela, on a développé des process pour mieux informer les candidats par exemple. On communique beaucoup plus avec eux qu'avant. Avant même le début d'une aventure, on leur dit ce qui va se passer. Leurs proches aussi. Comme cela, il n'y a pas de surprise.
"J'ai vu tous les participants à 'Secret Story', un par un, avant le début de l'aventure"
Il y a un meilleur accompagnement des talents, des candidats par exemple ?
Il y a un accompagnement qui est complètement différent. Beaucoup de choses aujourd'hui ont changé sur le casting. Aujourd'hui, on fait plus attention quand on sélectionne un candidat qui va se retrouver dans un lieu clos pendant plusieurs semaines. On est attentifs au fait qu'il soit totalement conscient de ce qu'il va vivre pendant l'aventure, mais aussi après. Aujourd'hui, on a un processus très structuré en termes de communication avec les candidats mais aussi avec leurs proches. Le processus de communication ne s'arrête jamais. C'est avant, pendant et après. On a un suivi psy et médical important. Ce sont des choses qui n'existaient pas avant. On fait très attention à ça.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Aujourd'hui, l'accompagnement des personnes qui participent à nos émissions se fait très en amont. À titre d'exemple, j'ai vu tous les participants à "Secret Story", un par un, avant le début de l'aventure et je les vois tous après leur sortie pour leur expliquer ce qu'il va se passer pour eux. C'est quelque chose qui ne se faisait pas avant. Ils sont également accompagnés par des psychologues avant, pendant et après l'émission. C'est également le cas avec les équipes de coordination et de communication pour par exemple se prémunir des réseaux sociaux.
Et vous leur dites quoi alors ? Par exemple, avant le début de "Secret Story", qu'avez-vous dit aux candidats ?
Je leur ai dit que notre volonté c'est qu'ils restent eux-mêmes durant l'aventure, que s'ils avaient une question avant, pendant et après, qu'ils n'hésitent pas à nous la poser. Je leur ai fait comprendre aussi notre volonté de faire de 'Secret Story' un espace sécurisé, que la Maison des secrets soit un endroit sûr, pas un lieu dans lequel il y aurait des clashs, dans lequel on s'insulterait ou dans lequel on ne se respecterait pas. On leur a dit qu'on les avait choisis parce qu'ils étaient ouverts, parce qu'ils acceptaient les différences de l'autre, pas du tout pour qu'ils se disputent. Chez Endemol, on a une charte de bonne conduite également. Quand je les reçois avant l'émission, je la lis avec eux pour bien leur faire comprendre.
"On croise les doigts pour une saison 2 de 'Secret Story'"
Vous aviez déclaré que la première saison de la "Star Academy" n'avait pas été rentable pour Endemol. C'est la même chose pour "Secret Story" ?
Oui, c'est pareil que pour la "Star Academy". La saison 1, c'est un investissement, ce n'est pas rentable pour nous. C'est un partenariat avec un diffuseur. La première saison de la 'Star Academy', c'était six semaines. C'était donc compliqué de faire rentrer un tel dispositif dans une économie si courte. "Secret Story" c'est un dispositif très important (73 caméras quand même) et derrière on a huit semaines de diffusion, moins qu'une saison classique. Donc oui, c'est compliqué en termes de rentabilité.
Est-ce que vous savez déjà s'il y aura une saison de 2 ?
Non, on ne sait pas. On croise les doigts. En tout cas, je suis très fier et très content du travail des équipes sur "Secret Story".
Lors de votre dernier entretien avec puremedias.com, en décembre 2022, vous indiquiez votre envie de relancer "Loft Story". Avec le retour de "Secret Story", il y a-t-il toujours une place pour le "Loft" à la télévision ?
Ça dépend. Le genre télé-réalité d'enfermement est vaste. L'émission la plus célèbre a 25 ans et s'appelle 'Koh-Lanta'. Ils sont sur une île déserte, mais ils sont enfermés sur cette île donc ça reste une télé-réalité d'enfermement. Il y en a une autre, c'est 'Star Academy' et puis il y a 'Secret Story'. Je pense qu'il y a de la place pour un projet entre un 'Secret Story' et un 'Koh-Lanta".