Grand ouf de soulagement à Radio France ! Malgré la longue grève, le groupe public est LE grand gagnant de la vague d'audience publiée ce matin par Médiamétrie. Frédéric Schlesinger, le directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France, bras droit de Mathieu Gallet, réagit aux chiffres Médiamétrie et fait le point sur ce trimestre très agité à la Maison de la Radio.
Propos recueillis par Benoît Daragon.
puremedias.com : France Inter, France Info, France Bleu, France Culture et France Musique sont toutes en hausse. Finalement, la grève a eu un impact très limité sur les audiences...
Frédéric Schlesinger : Entre janvier et mars, il y a eu 9 jours de grève : 2 en février et 7 jours ouvrés en mars (les week-ends sont comptés séparément par Médiamétrie, ndlr). C'est tout de même 15% de la période mesurée. Pourtant, toutes les chaînes du groupe sont en très nette progression. Au global, le groupe Radio France réalise 24% de part d'audience, son plus haut niveau jamais connu. Cela signifie beaucoup car notre premier métier, c'est de faire de la radio.
Cette hausse s'explique par le fait que les stations de Radio France ont fait le plein d'auditeurs début janvier lors des évènements qui ont suivi l'attaque contre "Charlie Hebdo" ?
France Info et France Inter ont effectivement très bien performé en janvier et en février. La matinale de France Inter est la première de France. Nicolas Demorand est en forte hausse avec la seule émission de décryptage géopolitique proposée par la radio dans ce pays. Mais les programmes fonctionnent aussi très bien comme le montrent les progressions spectaculaires de Nagui ou de Charline Vanhoenacker. France Culture atteint, elle, son record historique depuis... 1963 !
Ces stations ont beaucoup perdu avec la grève ?
France Info a beaucoup, beaucoup souffert dans la dernière quinzaine de mars... Début janvier, elle avait enregistré des audiences qu'elle n'avait pas vues depuis 10 ans ! Sans ces jours de grève, elle aurait atteint des niveaux bien plus élevés. C'est une radio d'info alors quand un auditeur tombe sur de la musique, ça ne lui plaît pas. Et pourtant, elle confirme ses résultats en étant loin devant RMC.
Pensez-vous que ce mois de musique sur France Info pendant les départementales ou le crash de l'A320 de la GermanWings a cassé le "réflexe info" développé par la station depuis la rentrée ?
Il est tout à fait certain que quand un avion est au décollage et qu'on coupe les moteurs, il faut un sacré équipage dans l'avion pour arriver à redresser l'appareil... Mais l'appareil ne s'est pas crashé. Les audiences d'avril/juin seront sans doute plus difficiles. Au vu des résultats engrangés, nous sommes très confiants. Je ne pense pas que le décollage de France Info soit compromis. Il est décalé.
Ces résultats valident-ils la relance éditoriale des stations opérée à la rentrée dernière ?
Il faut se souvenir que nous avons revu une majeure partie de l'offre de programmes à la rentrée 2014. En six mois, cette relance, pilotée par les équipes en place, a eu un effet considérable sur les audiences ! France Info était en pente descendante depuis des années. France Inter avait chuté à 9 points... Tout ça en osant se transformer et se moderniser, pour adapter ses fondamentaux à l'époque. Comme quoi, l'action de Mathieu Gallet produit des effets formidables !
C'est un message aux grévistes ça...
Cette vague, c'est le succès de tous, à commencer bien sûr par ceux qui font l'antenne tous les jours ! Mais je dis qu'il ne faut pas avoir peur du changement ! Il en va des antennes comme il en va de l'entreprise. Faites-nous confiance ! Malgré les contraintes que nous traversons, nous voulons que cette entreprise soit plus forte encore et pas qu'elle s'affaiblisse. On veut porter haut les valeurs du service public
L'audience, c'est important quand on négocie des budgets avec la tutelle ?
L'audience, tout le monde en parle avec un côté péjoratif mais c'est la preuve factuelle de la rencontre avec les Français. Ce qui est important, c'est la fédération des publics. Et nous sommes un service public. On se doit donc d'avoir un large public. Et on fédère 14 millions de Français.
Ce matin, après la dislocation de l'intersyndicale, seule la CGT appelle encore à la grève. Vous pensez que l'issue du conflit est proche ?
Je ne sais pas. Il faut les convaincre et leur redonner confiance. Ces résultats d'audience doivent redonner confiance à l'entreprise en son avenir.
Et la confiance en la direction ? Les salariés ont voté une motion de défiance envers Mathieu Gallet et dénoncent toujours votre projet de mutualisation des programmes de France Bleu ?
Il y a les projets tels que nous les avons pensés et les projets tels qu'ils ont été interprétés... Les partenaires sociaux ont particulièrement communiqué sur cette idée de mutualisation des programmes. Celle-ci ne concerne que certains programmes musicaux bien déterminés et à l'échelle d'une région. Tout le travail qu'on a à faire dans les trois prochains mois, c'est d'échanger plus encore. France Bleu est un réseau auquel nous sommes très attachés. Il faut faire comprendre en quoi cette mini-réforme serait favorable et entendre ceux qui disent qu'elle peut nuire à l'identité locale du réseau. Les jeux sont ouverts. C'est une négociation. On doit se parler, c'est la grande leçon de cette grève. Il est évident qu'on ne sort pas d'une période comme celle-ci sans se remettre tous en cause. Et nous aussi à la direction, bien évidemment.
Cependant, les audiences sont bonnes, notamment à France Bleu. L'ancien modèle économique est donc performant ?
C'est dans le changement qu'on progresse. L'immobilisme est un facteur de régression. Il faut savoir changer, mais que ce changement soit positif pour tous. Il n'y a rien de négatif dans les évolutions que nous prévoyons. Les syndicats n'ont pas le monopole de la vision du service public. Nous avons les mêmes valeurs qu'eux. On veut la grandeur du service public. La direction a un savoir faire en termes de radio. Nier notre compétence serait une erreur.
L'immobilisme c'est aussi "un facteur de régression" en termes de programmes ? Vous allez encore renouveler fortement votre offre à la rentrée prochaine ?
Je ne peux pas encore vous dire cela. Il est trop tôt. Mais nous oeuvrerons sans cesse à l'amélioration de notre offre actuelle sans jamais négliger les aspects culturels et notre devoir d'excellence.