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Frédéric Schlesinger (Radio France) : "Notre devoir était de renouveler les grilles"
Publié le 3 septembre 2014 à 14:04
Par Benoit Daragon
Frédéric Schlesinger, le nouveau directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France, revient sur la rentrée des radios publiques.
Frédéric Schlesinger Frédéric Schlesinger© Christophe Abramowitz / Radio France
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Quelques jours après la rentrée radio, Frédéric Schlesinger, le nouveau directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France, bras droit du nouveau PDG Mathieu Gallet, revient sur la méthode utilisée pour relancer les radios publiques.

Propos recueillis par Benoît Daragon.

puremedias.com : France Inter a relancé sa grille la semaine dernière. France Info et France Musique lundi dernier. Avec quelle méthode avez-vous bâti ces nouvelles grilles ?
Frédéric Schlesinger : Avec chacune des directions des chaînes, on a fait un gros travail en très peu de temps ! On s'est appuyé sur les résultats d'audience. Pas des trois derniers mois mais en prenant du recul sur plusieurs saisons. On a dégagé des tendances, en regardant ce qui s'usait et ce qui ne s'usait pas. Et on a écouté les antennes pour voir ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Sur France Info, où les audiences au quart d'heure ne veulent pas dire grand-chose, on a cherché un concept global. On a relu des études et on a aussi fait jouer notre intuition pour s'adapter aux nouveaux usages !

Sur France Inter, vous avez fait de gros changements. Elle est risquée cette rentrée ?
Bien sûr, c'est toujours un risque de remettre en cause ce qui est en place ! Mais c'est à la fois un risque, une opportunité et une nécessité. Il y avait des émissions qui s'usaient depuis plusieurs saisons. Notre devoir était de les renouveler. Mais la grille d'Inter n'a pas tant changé que cela.

"On était à la fin d'un cycle"

Vous avez tout de même modifié 70% des émissions...
En termes d'horaire oui, mais en termes d'audience non. Il n'y a pas eu d'évolution majeure de la grille. Car les grands carrefours d'audiences - nos trois sessions d'info de 8h, 13h et 19h - ont été assez peu touchés. Il y a eu un travail important sur les programmes car il a semblé à Mathieu Gallet - et je suis absolument d'accord avec lui - qu'on était à la fin d'un cycle.

Avec un risque de voir l'audiences baisser dans les prochaines vagues ?
Par rapport à la vague avril/juin, on ne le pense pas.

On voit votre patte dans cette grille. Nagui a d'ailleurs expliqué lors de la conférence de rentrée que c'est vous qui l'aviez approché !
J'ai fait le premier rendez-vous avec Nagui mais à la demande de la chaîne. On a envisagé plein de scénarii pour le 11h/12h30. Mais ce n'est pas moi qui ai tranché. Sincèrement, c'est Laurence Bloch qui a fait la grille. C'est une grande pro de la radio. Elle a une grande expérience de cette maison où elle travaille depuis des décennies. Aux côtés de Philippe Val, elle a récolté de très bons résultats à certains moments et des désillusions à d'autres, notamment les 18 derniers mois, post présidentielle. Elle a bâti la grille en association avec Jean-Marc Four, bien sûr, et Emmanuel Perreau, un homme qui a un regard plus jeune de la radio mais qui a de l'expérience.

Votre job se résumerait donc à faire part de votre analyse et de quelques contacts ?
Je revendique un apport stratégique. Je veille à la complémentarité des stations et à la stratégie globale des sept stations. J'apporte aussi quelques idées mais à aucun moment, je n'ai fait preuve d'autorité. On a fait le choix de convaincre nos directeurs de station plutôt que d'imposer nos choix. J'ai fait un gros travail de conviction, plus ou moins important selon les directeurs de chaînes. Cela a été très facile de travailler avec Laurent Guimier car il a exactement la même vision que Mathieu Gallet et moi sur ce que doit être France Info. Avec Laurence Bloch, le travail a été parfois un peu plus difficile car elle a dû remettre en cause quelques uns des choix qu'elle a faits à la rentrée dernière. Mais remettre en cause ses choix est la base du métier.

Nagui, Nicolas Demorand, Augustin Trapenard, etc. Il y a beaucoup de personnalités 'vues à la télévision' sur France Inter. C'est obligatoire pour recruter des auditeurs ?
Ca ne veut plus rien dire... Et les trois personnes que vous me citez sont nées à la radio ! Nous avons des personnalités 360, présentes sur de nombreux médias. C'est comme aux Etats-Unis, les artistes sont à la fois acteurs, chanteurs, danseurs et il font des sketchs à la télévision qui cartonnent sur YouTube. L'ère numérique a affranchi ces frontières.

Vous recherchiez des personnalités tout de même ?
Pour Nagui oui ! Mais Augustin Trapenard non... Son rôle à France Culture a toujours été plus important que la place très minutée qu'on lui octroie dans le "Grand Journal". Je ne suis pas sûr qu'il ait une très forte notoriété mais nous, ce qui nous intéresse, c'est sa très forte intelligence.

"France Info, c'est la priorité numéro 1"

Autre gros chantier, France Info. C'est la deuxième priorité...
Non, France Info c'est la priorité numéro 1. Depuis une décennie, France Info est en chute quasi ininterrompue. C'est la seule chaîne d'info du service public, ce qui nous donne une responsabilité sociale particulière.

Face au web et à BFMTV, France info se cherche un positionnement. Laurent Guimier mise sur le breaking news...
Le breaking news, c'est France Info ! Les gens doivent se dire qu'à tout moment quand ils ont envie d'info, il y en a sur France Info. Il faut "tenir sa promesse". Si quand on appuie sur le bouton, il y a une chronique jardinage, une fois ça passe mais au bout de la dixième l'auditeur perd le réflexe et va sur une autre radio. On ne vise pas une grande durée d'écoute mais on veut redresser fortement notre audience cumulée.

Comment être sûr que la station ne devienne pas un robinet à blablas et à conférences de presse ?
Le garde-fou, c'est cette rédaction de qualité qui n'a jamais abusé de sa responsabilité d'informer les gens. Notre hiérarchie de l'info parle d'elle-même : on ouvre, par exemple, très rarement nos éditions avec des faits divers.

"Il n'est pas acceptable que France Musique soit à ce point dépassée"

Vous avez également relancé France Musique.
C'est la troisième priorité clairement dessinée par Mathieu Gallet. On estime qu'eu égard à son réseau de diffusion et à sa mission culturelle, il n'est pas acceptable qu'elle soit à ce point dépassée par un petit opérateur privé.

Comment devancer Radio Classique qui diffuse principalement des "tubes" de la musique classique ?
Ce n'est pas notre mission. On est dans l'offre, pas dans la demande. On consacre beaucoup de budget à défendre des projets délicats, un catalogue plus exigeant. Il faut rendre plus populaires des démarches plus difficiles car notre mission, c'est aussi de toucher un large public.

Et concrètement, vous avez fait quoi ?
Marie-Pierre de Surville, qui est une mélomane qui apporte une oreille neuve à la radio avec des idées et des envies, a choisi de rendre France Musique plus musicale. Les producteurs restent tous responsables de leur programmation mais on leur a demandé plus d'harmonie. On a rendu un accès plus simple à la musique grâce à un environnement artistique. On remet les séquences parlées à de meilleurs moments pour gagner en fluidité, on veille au rythme de la grille, on a mis de grandes personnalités sur les grandes tranches d'audiences, comme Vincent Josse ou Frédéric Lodéon. On a soigné la réalisation artistique et on s'est ouvert à la musique électro.

"Le Mouv' est un immense chantier"

Le nouveau Mouv' est attendu en janvier.
Le Mouv' est un immense chantier pour lequel on avait besoin de temps. On est arrivé mi-mai. On a choisi de concentrer nos premiers mois sur les trois stations prioritaires. On a rebâti les grilles, changé les habillages là où dans cette maison, en général ça prend 6 à 8 mois ! France Culture, France Bleu et FIP allant bien, on a moins travaillé ces stations, même si Culture a eu aussi le droit à un nouvel habillage !

Quelle est la ligne directrice de cette remise à plat ?
On veut fédérer un public beaucoup plus large qu'aujourd'hui, avec un objectif de 500.000 auditeurs à l'horizon 2016. On va rebâtir la marque, on pense à éventuellement changer le nom. On veut créer un objet radiophonique complètement différent. On veut toucher un public généralement ignoré des médias : ceux qui habitent de l'autre coté des périphériques. Et cela nécessite du travail. Bruno Laforestrie a ouvert un laboratoire le 18 août qui regroupe de grandes personnalités dont je vous tairai les noms. Il ne faut pas parler le jeun's mais le comprendre. Bruno et son équipe savent comment on vit en banlieue, comment on grandit, comment on apprend. Ils connaissent la fracture, l'oubli, la culture alternative. Je suis leur travaux de très près. On va sortir un nouveau Mouv' après quatre ou cinq échecs répétés depuis 2008 et un budget multiplié par 3 en 10 ans, un réseau qui a été multiplié par deux en 10 ans et avec 0,4 point au dernier sondage contre 1,3 il y a 10 ans !

Ce laboratoire, il planche sur la ligne éditoriale et ou artistique ?
On se demande : quelle info pour les jeunes qu'on veut toucher ? Quel discours pour les jeunes ? Quel vocabulaire doit-on utiliser ? Jusqu'où aller dans la communauté des codes ? Quelle programmation musicale ? Quelle répartition musique/talk ? Si on doit faire des émissions à vocation sociale et éducative ? Est-ce qu'on doit faire des débats ? Donner la parole à ces populations ? C'est quoi les cultures urbaines ? Ville par ville, on regarde quels sont nos concurrents privés. Il y a beaucoup, beaucoup de questions, c'est pour cela qu'on a décidé que le lancement du Mouv' aurait lieu en janvier 2015.

"Mathieu Gallet est prêt à prendre des risques"

Les jeunes peuvent encore être séduits par la radio ?
Les 15/24 ans écoutent encore la radio mais moins longtemps. Il faut donc aller les chercher sur les nouveaux supports. On le voit bien d'ailleurs avec le succès de NRJ qui est allé les chercher sur le web. Le succès de NRJ, Fun Radio ou Skyrock le prouve ! Mais il me semble que les radios jeunes sont encore trop faites comme dans les années 80 et qu'il y a des possibilités pour faire autre chose. Le service public doit être innovateur. Et Mathieu Gallet est prêt à prendre des risques.

Votre idée, c'était de tout changer en début de mandat pour que dans 4 ans les radios soient au sommet ?
Sincèrement, ça n'a rien a voir avec un début de mandat. On n'est pas là pour mettre notre patte. Mathieu Gallet nous a simplement demandé de changer ce qui ne fonctionnait pas. C'est pour cela qu'on ne touche que très marginalement France Culture, Bleu et FIP qui sont en pleine forme. Beaucoup de gens me disent que j'ai de la chance d'arriver avec des audiences en baisse. Mais bonjour le cadeau ! On ne fait pas ce métier pour tirer la couverture à soi ! Notre responsabilité est grande et notre travail serait bien plus facile si tout allait bien !

Maintenant que les grilles sont lancées, quel est votre travail au quotidien ?
Je reste en dialogue permanent avec les directeurs des chaines. Il va falloir roder les programmes pendant tout le mois de septembre. Il y a ensuite toute une période de communication, d'analyse. On va ensuite travailler sur FIP, faire grandir France Bleu, retravailler RF8 et réfléchir à la façon de faire des émissions qui s'adaptent au mieux au numérique. Tout ça avec des budgets serrés. Des enjeux, il y en a énormément !

Elle a un coût cette relance du groupe ?
Non, le budget de grille est constant. Contrairement à ce qui se dit ici ou là, Nagui a exactement le même salaire que son prédécesseur. Il ne fait pas de la radio pour ça. Et on ne s'est jamais séparé de producteurs parce que d'autres coutaient plus cher.

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