Un peu plus de trois mois après son arrivée aux commandes de France Info, Laurent Guimier lance lundi la nouvelle formule de la radio tout info de Radio France. Une grille fortement remaniée et assouplie pour s'adapter davantage à l'actualité. Pour reconquérir le public, le journaliste veut en effet casser l'antenne dès que l'actualité le permet et aller concurrencer les chaîne info. Explications.
Propos recueillis par Benoît Daragon.
puremedias.com : France Inter a largement revu sa grille de rentrée. Chez vous aussi, tout va être cassé ?
Laurent Guimier : Non, on ne "casse" rien mais on se réorganise pour pouvoir à tout moment laisser la place à l'information. Ces dernières années, on a eu tendance à considérer que face à la poussée d'Internet, France Info devait proposer de l'information différemment, avec un traitement plus magazine. Venant des réseaux sociaux, je pense qu'au contraire, la radio est le média le plus approprié pour proposer une édition spéciale. Une radio est beaucoup plus réactive que la télévision ou Internet car elle est souple et qu'il n'y a aucun délai de publication. On va donc s'ouvrir à l'actualité brulante tout en respectant notre mission de service public, c'est-à-dire en le faisant différemment des autres. On ne va pas meubler pour ne rien dire mais nous appuyer sur notre rédaction, et notre réseau de correspondants internationaux et locaux pour analyser au mieux les situations.
Donc vous allez privilégier le 'breaking news' au reste de la grille, quitte à supprimer les journaux ?
On a commencé à le faire cet été. Le jour du crash de l'avion Air Algérie, on a proposé une édition spéciale de 13h30 à 20h. Les premiers journaux ne sont réapparus qu'en milieu d'après-midi. On a décidé que, désormais, l'antenne serait souple pour qu'un intervenant puisse passer en direct sans attendre la fin d'un journal ou d'une chronique. On a mis en place une grille très lisible. Chaque demi heure s'ouvre par un journal de 10 minutes. Il est suivi d'un développement de 6 minutes encadré par deux rappels de titres. Deux chroniques cloront la tranche. Toute cette structure sera bouleversée dès que l'actualité l'exige.
Vous permettrez qu'on oublie la politique pendant deux heures s'il y a une actualité internationale chaude ?
Bien entendu.
Même pour du sport ?
Oui ! On ne s'interdit rien. On l'a d'ailleurs fait pendant la dernière Coupe du monde où lors du dernier Festival de Cannes dont la cérémonie de clôture a été retransmise en direct. Je ne hiérarchise pas les domaines de l'actualité qui méritent ou non de mobiliser l'antenne. Quand les gens reçoivent des pushs sur leurs smartphones à propos d'une actualité importante, il est normal que ce sujet soit abordé quand ils arrivent sur France Info !
Donc il y aura plus de sport à la rentrée ?
Le sport avec l'économie seront les deux thématiques que nous allons réinvestir à la rentrée, avec une interview éco tous les soirs à 18h45 menée par Jean Leymarie qui cède donc "L'invité politique" de 7h45 à Jean-François Achilli. Le sport était très présent le week-end et on va le développer la semaine avec la Ligue de champions, la Ligue Europa, le tennis, etc. Tous les matins, on va proposer un journal des sports à 7h40 présenté par Matteu Maestracci. Dans le bouquet de radios que propose Radio France, le sport sera principalement traité sur France Info. On a trop considéré que seule RMC avait le droit de parler de sport ! Mais il y a de la place pour le faire différemment. Entre Vincent Moscato et France Info, il y a une palette importante de traitements du sport !
Ce changement de philosophie semble clairement inspiré de BFMTV...
Non, on s'inspire surtout de... France Info qui a inventé l'info continue il y a 27 ans ! Et BFMTV s'est beaucoup inspirée de ce qui se faisait en radio, aux Etats-Unis notamment. On ne copie pas les chaînes d'info mais on remplit notre mission de chaîne d'info de service public. C'est un retour à la vocation première de France Info : faire de l'info de 4h du matin à minuit.
Le côté magazine de France Info était dû notamment aux chroniques. Vous les supprimez ?
Auparavant, il y avait un tiers d'actualité et deux tiers de chroniques. On a simplement inversé la tendance. On a gardé 40 chroniques sur les 90 qui étaient diffusées toutes les semaines la saison dernière. Et seulement 10 ont été gardées en état comme "le vrai du faux". Le matin, on lance une chronique Histoire, tournée vers l'actualité, présentée par Thomas Snégaroff. On lance également "Expliquez-nous", une chronique qui explique un mot ou un concept comme, par exemple, le Hamas, la loi Duflot ou le virus Ebola. On va faire un zapping politique à 8h40 en diffusant à l'antenne des sons extraits des autres radios, comme cela se fait à la télé ou sur le web. Du coup, nos auditeurs n'auront pas besoin de zapper sur nos concurrentes puisqu'on l'aura fait pour eux. On va également accueillir aussi Guy Birenbaum le matin. Et on va toujours parler médias, cuisine, jardinage, automobile, faire le tour de la vie dans nos régions, etc.
Les tranches seront incarnées ?
Oui, la journée est découpée en plusieurs tranches de 2, 3 ou 4 heures portées chacune par une grande voix de la maison. C'est une construction nouvelle à France Info. Par exemple Fabienne Sintès présentera désormais le 6/9h, ce qui est plus logique que notre organisation de la saison dernière. On aura également une grosse tranche info le dimanche entre 19h et minuit qui sera présentée par Catherine Pottier. Une tranche importante pour nous quand les autres radios suivent le grand match de Ligue 1. En semaine, à 20h, on va proposer une vraie émission d'une heure : "Les informés de France Info". Jean-Mathieu Pernin y organisera un débat entre quatre personnalités (éditorialistes, journalistes, etc) autour de l'actualité. Ce n'est certes pas révolutionnaire mais ce sera une première sur France Info. Mais quand les radios commerciales interrompent ce genre de programmes avec des coupures pub, nous on fera des rappels des titres ! (rires)
Vu votre profil, on vous attend aussi sur les dossiers numériques. France Info va avoir du nouveau sur le web ?
L'urgence absolue, c'était l'antenne ! Depuis mon arrivée, je travaille pour sortir une grille le 1er septembre. Le numérique est un chantier plus long. Même si j'ai deux-trois idées sur la question, ça va prendre du temps. Notre site et nos applications ont été refondus il n'y a pas longtemps et la rédaction comporte une équipe dédiée au web qui fonctionne bien. Mais on va refondre toute la stratégie numérique de France Info en cherchant à mieux distribuer nos contenus et, surtout, à comprendre en quoi une rédaction web peut alimenter l'antenne d'une chaîne info.
La mise en ligne de sons est-elle pertinente sur Internet ?
J'y ai longtemps été hostile mais j'ai évolué en constatant l'explosion de la consommation du numérique sur les smartphones. Le son est une chance pour notre média. Mais le chantier numérique va nous obliger à revoir toute notre chaine de production.
France Info a perdu 1,2 million de fidèles entre 2000 et 2013. Vous pensez pouvoir reconquérir des auditeurs ou votre mission est simplement de stabiliser France Info ?
L'objectif est de stabiliser dans un premier temps puis de reconquérir. Je ne me fixe pas d'objectif d'audience. Mais on va retrouver des auditeurs si on réinstalle l'idée que, quand il se passe un évènement, on apprendra immédiatement des choses sur France Info. On doit recréer le réflexe mais cela va prendre un peu de temps.
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