Jean-Luc Hees, Martin Ajdari, Anne Durupty, Mathieu Gallet, Anne Brucy et Philippe Gault ne regarderont pas les derniers exploits de l'équipe de France Olympique à Sotchi ! A J-4 de leur grand oral, les six candidats retenus par le CSA pour la présidence de Radio France vont passer le week-end à potasser leur candidature. Tous doivent être prêts pour leur audition décisive de mardi. Devant les neuf sages, ils vont devoir exposer leur projet pour Radio France pendant 30 minutes. Ensuite, ils devront affronter le feu des questions des membres du CSA pendant 45 minutes.
Afin de les aider dans leur préparation, puremedias.com propose ce matin un bilan d'audience des stations du service public. Il s'agit d'un bilan quantitatif. La qualité des grilles étant par nature plus subjective, même si les évolutions d'audiences illustrent forcément l'affinité du public pour les programmes proposés. Petit retour sur une décennie d'audiences radio*.
Jean-Luc Hees est entré en fonction en mai 2009. Les cinq années précédentes, le groupe était présidé par Jean-Paul Cluzel, nommé en mai 2004 après la démission de Jean-Marie Cavada.
Sous Jean-Luc Hees, France Inter aura réalisé un semestre record. En pleine présidentielle, qui a permis à la gauche de revenir au pouvoir après dix années d'opposition, France Inter est plébiscitée avec deux vagues successives à 5,8 millions d'auditeurs cumulés (en janvier/mars et en avril/juin 2012). Une barre que la radio phare du service public n'a franchie qu'une seule fois depuis 2000 : entre janvier et mars 2003, lors des prémices de la guerre en Irak.
Mais France Inter n'a pas su fidéliser ces nouveaux auditeurs. Si 2012 est une année record, l'audience annuelle de la station en 2013 est la même qu'en... 2009, année de l'arrivée de Philippe Val. Un mandat pour rien, diront donc les mauvaises langues, qui se souviennent que la précédente équipe, dirigée par Frédéric Schlesinger, avait complètement rebâti la grille au plus bas en 2006 avant de la rendre très en forme en fin de mandat.
Notons tout de même que les chiffres de la toute dernière vague de 2013 sont meilleurs que ceux de la rentrée 2009 (5,443 millions vs 5,295 millions) et, qu'en cinq ans, l'écart s'est réduit avec RTL, la première généraliste du pays, et qu'il a au contraire augmenté avec Europe 1. Reste que France Inter, comme toutes les généralistes, doit rajeunir en permanence son auditoire, notamment en journée, si elle veut rester dans la course. Ce sera l'enjeux des prochaines saisons.
Depuis une décennie, France Info est en perte de vitesse. La radio tout info a perdu 1,2 million de fidèles entre 2000 et 2013 ! Une lente et régulière érosion due autant à l'émergence d'internet qu'au passage en gratuit des chaînes d'info... Malgré une léger rebond en 2011 et 2012, la radio a encore perdu 290.000 fidèles ces cinq dernières années, pour atteindre 4,27 millions d'auditeurs cumulés en 2013. En fin d'année 2013, la station a même été battue pour la première fois par RMC, radio populaire qui avec un positionnement clair sur l'info et le sport (et un nombre croissant d'émetteurs) ne cesse de grimper depuis une décennie.
Breaking news permanent ou magazines ? France Info peine à trouver son modèle dans un paysage ultra-connecté et la relance opérée la rentrée dernière n'a rien changé. Pour pallier cette tendance, France Info doit évidemment miser davantage sur le numérique, seul support où elle peut toucher le jeune public. Inverser la courbe d'audience de France Info, sera un des enjeux majeurs du mandat du prochain PDG.
Autre radio, autre ambiance. Le réseau France Bleu prouve que rien n'est inéluctable. Relancée en 2008 par Christiane Chadal, le réseau n'a cessé depuis de progresser sous les directions successives (dont celle de la candidate Anne Brucy) pour atteindre 4 millions de fidèles en 2013 (+23% d'auditeurs en plus par rapport à 2001). Parfaitement positionné sur l'info locale, le réseau de 44 antennes peut désormais espérer dépasser France Info.
France Culture est en progression constante depuis 2008, jusqu'à conclure une année 2013 record avec 1,06 millions de fidèles à chaque vague. Cinquante ans après sa création, la station, actuellement dirigée par Olivier Poivre d'Arvor, semble en pleine possession de ses moyens. En dix ans, cette université citoyenne a conquis 400.000 nouveaux auditeurs quotidiens ! Le format de France Musique est forcément plus difficile à faire évoluer. En rassemblant 820.000 auditeurs en moyenne en 2013, la radio a réalisé sa meilleure performance depuis 2005 (date de la relance de la concurrente privée Radio Classique).
Avec moins de 530.000 auditeurs par jour, les audiences de FIP et du Mouv', les audiences nationales des deux dernières stations du groupe ne sont pas communiquées par Médiamétrie. Sur la seule la région Île de France, FIP a séduit 235.000 auditeurs entre septembre et décembre 2013. Le public francilien de FIP est donc quasi égal à celui du Mouv' sur l'ensemble du territoire...
En décembre, dans une interview à puremedias.com, Joël Ronez, le directeur du Mouv', indiquait : "En 2009, Le Mouv' était à 0,8 point d'audience. Elle est descendue jusqu'à 0,3 point en janvier/mars dernier avant de remonter à la rentrée à 0,5 point". En 5 ans, la radio jeune a perdu la moitié de son public, rassemblant désormais 265.000 auditeurs par jour. Même si Le Mouv' n'est pas un enjeu primordial pour Radio France, c'est un échec très symbolique pour Jean-Luc Hees qui avait fait de la relance de la radio jeune un des enjeux de son mandat...
C'est donc un mandat mitigé pour Jean-Luc Hees. Les audiences ont peu bougé durant ces cinq dernières années et les évolutions constatées sur la période sont la continuité de décisions prises avant son arrivée. A part peut-être au Mouv', il n'y a pas eu d'accident industriel à Radio France. Mais le PDG sera également jugé sur son bilan économique et social. Ainsi que son projet numérique, un domaine où Radio France a pris beaucoup de retard par rapport à ses concurrents.
A moins que la dimension politique ne l'emporte. Olivier Schrameck, le président du CSA, a promis de faire preuve d'indépendance et a assuré n'avoir reçu "aucune consigne" de la part du président de la République. On verra s'il dit vrai le 7 mars prochain quand il annoncera le nom de l'heureux élu.
*Ces chiffres ont tous été mesurés par Médiamétrie dans le cadre de son étude intitulée "126.000 Radio". Les chiffres sont exprimés en audience cumulée.