Hier midi, le CSA a dévoilé la liste des six candidats retenus dans la course à la présidence de Radio France. Conformément aux nouvelles modalités de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public votées l'automne dernier par le Parlement, les neuf Sages décideront, le 7 mars prochain, lequel d'entre eux dirigera le groupe public pour les cinq années à venir.
Les six candidats retenus, quatre hommes et deux femmes, seront auditionnés, à huis clos, le mardi 25 février prochain afin de présenter leur projet aux membres du CSA. Mais qui sont ces six personnalités ? puremedias.com vous les présente.
Dur dur d'être sortant. Depuis Jean-Marie Cavada, aucun président de Radio France n'a fait deux mandats. Même avec un bon bilan. Celui de Jean-Luc Hees étant mitigé, sa reconduction semble très difficile. Depuis la nomination par Nicolas Sarkozy en mai 2009 de ce journaliste (le seul de la shortlist) à la voix de velours, le réseau France Bleu et France Culture ont atteint des niveaux d'audience record. Plébiscitée pendant la présidentielle, France Inter n'a pas su fidéliser ces nouveaux auditeurs. Le succès de la matinale Patrick Cohen et des émissions comme "A votre écoute coûte que coûte" ou "Sur les épaules de Darwin" ne cachent pas les nombreux échecs du déroutant Philippe Val (les départs de Stéphane Guillon et Didier Porte ou la succession chaotique de Stéphane Bern). A coup de nouvelles formules, le flegmatique Jean-Luc Hees a tenté à plusieurs reprises d'inverser la courbe déclinante des audiences France Info et du Mouv'. En vain. Et, concentré sur les travaux de la maison de la radio, le groupe a pris du retard sur le chantier du numérique.
Celui qui avait déjà occupé tous les postes de France Inter (de simple journaliste, à correspondant à Washington en passant par directeur de la station) a en plus un problème d'âge. A 62 ans, il ne pourra pas aller au bout de son second mandat sans que soient modifiés les statuts de l'entreprise qui imposent une limite de 65 ans pour son dirigeant...
Depuis son arrivée à France Télévisions, Martin Ajdari ne chôme pas. En tant que secrétaire général, il a la lourde tache de gérer les relations compliquées entre le groupe et l'Etat. Ainsi que celle de surveiller les finances des chaînes publiques qui sont affectées, d'une part, par la chute des revenus depuis l'arrêt de la publicité après 20 heures, et d'autre part par l'impératif de rigueur exigé par l'Etat.
Si la gestion de France Télévisions a été plusieurs fois critiquée par la tutelle, et notamment par la ministre de la Culture, les qualités de gestionnaire de Martin Ajdari sont saluées, au gouvernement comme au CSA. Cet énarque de 45 ans a un atout de poids : il a été directeur général délégué de Radio France, sous le mandat de Jean-Paul Cluzel, le prédécesseur de Jean-Luc Hees. A cette époque, il a fréquenté David Kessler, aujourd'hui conseiller médias de l'Elysée. Proche de Laurent Fabius (il a travaillé à ses côtés au ministère des Finances entre 2000 et 2002), Martin Adjari a un profil de "technocrate", peut-être moins légitime pour parler des programmes d'un groupe qui compte sept stations de radios. Autre dilemme pour le CSA : sa nomination priverait France Télévisions de l'un de ses cadres les plus brillants.
C'est l'inconnue de cette finale. Anne Durupty, 59 ans, est la directrice générale d'Arte France depuis mars 2011. Enarque, elle a également un profil "haut fonctionnaire". Elle a passé la majorité de sa carrière dans les médias, et notamment au CSA dont elle connaît parfaitement les arcannes pour avoir été directrice de cabinet d'Hervé Bourges puis directrice générale. Elle a également officié au CNC, à France 3 ou à la DDM (Direction du développement des médias).
Lors de son audition devant le CSA, Anne Durupty devra elle aussi prouver sa connaissance des problématiques de contenus et exposer sa vision des programmes. Mais la bonne santé d'Arte, qui a comme Radio France une philosophie de programmation basée sur l'offre, plaide en sa faveur. Et elle est également une femme. Ce qui semble être un atout en cette période favorable à la parité. Radio France n'a plus été dirigé par une femme depuis ... 1982 ! Et si Anne Durupty était la favorite ?
Comme les chats, Anne Brucy a eu sept vies. Dans la première, elle a été journaliste. Sur Radio 7, l'ancienne station jeune de Radio France, puis sur France Culture et France Inter et enfin sur France 3 ("Les dossiers de l'histoire"). Au milieu des années 90', Anne Brucy a troqué sa carte de presse pour faire de la communication. Elle a été dircom de Havas puis de France 3, du temps où la chaîne était dirigée par Rémy Pflimlin. Enfin, elle a eu des expériences de chef d'entreprise à France 3 Nord Pas-de-Calais Picardie puis au réseau France Bleu. Le passage à la tête de cette dernière, de 2010 à 2012, est sans doute son plus grand atout tant le réseau local de Radio France a multiplié les records d'audience ces dernières années.
Une mésentente avec Jean-Luc Hees l'avait poussée à quitter le groupe public. Revenir par la grande porte en mai prochain serait une belle revanche pour cette femme de 56 ans, appréciée du pouvoir. Cet automne, Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la communication, lui a confié une mission sur l'avenir de France 3 dont elle doit rendre les conclusions en avril prochain. Son entregent, sa connaissance des contenus et des obligations d'une dirigeante en font une candidate sérieuse.
Mathieu Gallet voit son avenir à la radio. Le plus jeune de la bande des six retenus (37 ans) est le PDG de l'INA depuis mai 2010. Mais, à un an de la fin de son mandat, ce beau gosse pense à la suite. En plus de trois ans, il a dépoussiéré l'entreprise qui gère les archives audiovisuelles en améliorant encore leur mise a disposition sur Internet et en modernisant le statut social des salariés de son entreprise. Une recette qu'il souhaiterait dupliquer à Radio France.
Cet ancien du groupe Canal+ connaît bien l'audiovisuel dont il a suivi les dossiers les plus chauds en tant que membre du cabinet du ministre de la Culture et de la Communication sous Christine Albanel et Frédéric Mitterrand. C'est ce dernier qui a suggéré à Nicolas Sarkozy de le nommer à l'INA. Seul hic, le jeune dirigeant, qui avait gardé sa candidature secrète, est marqué à droite. Mais il a dû prendre au mot la promesse d'indépendance d'Olivier Schrameck. Il y a quelques jours, le président du CSA a assuré n'avoir reçu "aucune consigne" de la part du président de la République quant au choix du président de Radio France.
En coupe de France de football, on parle de "Petit Poucet". Philippe Gault est l'invité surprise de ce deuxième tour. Né en 1956, cette figure des radios libres a débuté sa carrière lors de la libéralisation de la bande FM, en créant la station Forum, à Poitiers. Après l'intégration de Forum au groupe Start (désormais dénommé Groupe 1981), qui possède également Ado, Voltage ou Vibration, Philippe Gault a occupé plusieurs postes de direction. Il a participé à la création de "Les Indés Radios", un groupement d'intérêt économique qui permet à une centaine de radios locales et indépendantes de vendre ensemble leurs espaces publicitaires.
Depuis 1994, Philippe Gault se bat bec et ongle contre les grands groupes de radio privées (comme NRJ, RTL ou Lagardère) en tant que président du SIRTI, le syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes. S'il maîtrise bien les dossiers chauds de la radio (radio Numérique terrestre, les seuils anti-concentration, les quotas de diffusion de chanson française, etc.), Philippe Gault va devoir montrer qu'après une longue carrière dans le privé, il partage les valeurs du service public.