Le financement de l'audiovisuel public français entre dans une nouvelle ère. Après des semaines de débats et un vote quasi unanime au Sénat, l’Assemblée nationale a approuvé à son tour la proposition de loi organique (PPLO) portant sur la réforme du financement de l’audiovisuel public. Ce texte, adopté par 119 voix pour (sur 125 suffrages exprimés), garantit que l’ensemble des groupes concernés – France Télévisions, Radio France, Arte, TV5 Monde, l’INA et France Médias Monde – bénéficiera d’une affectation annuelle d’un montant d’impôt d’État, sur le modèle actuel utilisant une fraction de la TVA, instauré depuis la suppression de la redevance en 2022.
Cette réforme, sans modification du texte validé par le Sénat, devait être adoptée rapidement pour éviter que le financement de l'audiovisuel public ne soit directement intégré au budget général de l’État. Une situation jugée contraire à l’indépendance des médias publics, et dénoncée par Denis Masséglia, rapporteur du texte et député Renaissance. "Budgétiser l’audiovisuel public, c’est augmenter le risque d’en réduire les moyens, […] c’est nuire à la crédibilité de ces organismes en favorisant leur assimilation à des médias d’État", a-t-il alerté. Depuis la disparition de la redevance audiovisuelle, les groupes concernés étaient soutenus par un mécanisme transitoire, dont l’échéance arrivait à la fin de l’année 2024.
"Il ne peut exister de médias publics indépendants sans financement indépendant", a rappelé la ministre de la Culture, Rachida Dati, en appelant les députés au vote conforme. Après l’adoption du texte, elle a exprimé sa satisfaction sur X (ex-Twitter), qualifiant ce vote de "décision essentielle pour préserver le financement et l’indépendance" de l’audiovisuel public. Ce nouveau modèle, présenté comme une solution pérenne, repose sur un versement par douzièmes des dotations, à l’abri des fluctuations économiques ou des ajustements budgétaires en cours d’année. Ce mécanisme a été conçu pour protéger les groupes publics des "aléas de la conjoncture économique", selon Rachida Dati, et garantir une stabilité essentielle à leurs missions de service public.
Malgré une large approbation, la réforme n’a pas fait l’unanimité. La gauche, bien qu’ayant voté pour, a critiqué l’urgence imposée par le gouvernement. Emmanuel Grégoire, député socialiste, a dénoncé "un vote impérieux en raison des impérities et de l’impréparation du gouvernement". Le Rassemblement national, quant à lui, s’est abstenu, pointant un "bricolage budgétaire" et réaffirmant son souhaihttps://x.com/SibyleVeil/status/1859300226269409672t de privatiser une partie de l’audiovisuel public. Bruno Clavet, député du RN, a estimé que ces sociétés étaient "sous perfusion publique" et remettait en question leur impartialité. De leur côté, les députés de La France insoumise ont également choisi l’abstention et proposé plusieurs amendements, dont certains réclamant la réinstauration d’une redevance universelle. Ces amendements ont été rejetés ou retirés, souvent qualifiés d’"amendements d’appel" visant à ouvrir le débat sans freiner l’adoption de la loi.
Delphine Ernotte Cunci, présidente de France Télévisions, a salué ce vote dans un message adressé aux salariés du groupe, relayé par l’AFP. "À partir de 2025, le financement de France Télévisions et de l’ensemble de nos sociétés sœurs continuera à reposer sur l’affectation des revenus d’une taxe, ce qui constitue une garantie de stabilité et d’indépendance indispensable à l’exercice de nos missions", a-t-elle écrit. Sibyle Veil, la patronne de Radio France, a de son côté évoqué sur X "un grand jour pour l'audiovisuel public et pour les auditeurs qui pourront compter durablement sur des médias indépendants !". Ce texte constitue un soulagement pour les groupes publics, dont les dirigeants avaient plaidé pour une adoption rapide afin de sécuriser leurs ressources. Toutefois, la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public, évoquée par Rachida Dati comme un objectif futur, suscite encore des inquiétudes, particulièrement à gauche.
Car si cette réforme stabilise le financement, elle ne répond pas à toutes les interrogations. "La sanctuarisation du financement ne suffira pas", a prévenu Rachida Dati, rappelant son ambition de faire évoluer la gouvernance des médias publics. Une perspective qui, pour certains parlementaires, pourrait remettre en question l’équilibre fragile atteint avec cette loi. Avant son entrée en vigueur, la proposition de loi devra encore passer l’examen du Conseil constitutionnel et être promulguée avant la fin de la discussion sur le projet de loi de finances pour 2025.