Ce soir, Grégoire Margotton va faire ses premiers pas sur TF1. L'ancien de Canal+ a été recruté il y a deux semaines par TF1 pour commenter les matchs des Bleus et des grandes compétitions internationales. A la veille de son premier match France/Cameroun (ce soir à 20h50), Grégoire Margotton était très serein et a expliqué clairement à puremedias.com les raisons de ce transfert très médiatisé.
Propos recueillis par Benoît Daragon.
puremedias.com : Votre transfert de Canal+ à TF1, on doit le comparer à quoi ? Au choix de Zlatan de quitter le PSG pour aller... on ne sait pas dans quel club encore ? Ou à l'arrivée d'Adil Rami en équipe de France, appelé au dernier moment pour remplacer un Varane blessé ?
Grégoire Margotton : (rires) Le mercato télé, je ne savais pas si ça existait vraiment mais visiblement oui ! Et j'ai l'air d'en faire partie. Mais si on doit prendre une comparaison avec le foot, j'ai eu la chance d'être formé au Barca et d'y jouer jusqu'à 27/28 ans. Puis, alors que ma femme et mes enfants ont besoin de s'installer à Madrid, je reçois une proposition du Real et, au même moment, je suis sélectionné pour la première fois dans l'équipe d'Espagne ! C'est un peu ça qui m'arrive. Je n'ai pas dit que j'étais Lionel Messi hein ? Sergio Busquets, ça me va très bien ! Iniesta si vraiment je m'enflamme ! (rires)
Donc ce qui vous a convaincu, ce n'est pas uniquement d'être désormais la voix des Bleus ?
Non, il y a cinquante choses qui m'ont convaincu ! J'ai d'ailleurs accepté en moins de 10 secondes car les choses qu'on me proposait de faire ici à TF1 me plaisaient et le rythme de travail va changer ma vie personnelle !
Les dimanches soirs en famille...
Oh même les week-ends entiers en famille ! Ca a compté aussi. Et puis ce qui m'a intéressé aussi, c'est l'image que j'avais de TF1. C'est un endroit où les gens ont de nouveau envie de travailler. Il y a une spirale, une dynamique. LCI devait mourir et finalement elle est arrivée sur la TNT. La rédaction est pleine d'envie après avoir eu plein de questionnements. Je préfère arriver dans cette dynamique-là.
Participer comme commentateur à cet Euro 2016, et on l'imagine aux prochaines Coupes du monde, ça a joué aussi ?
Oui ! La vingtième raison c'est la forme actuelle de l'équipe de France. Ca n'a pas dû être facile de suivre cette équipe en 2010... Aujourd'hui, il y a une attente. L'équipe a des défauts, bien sûr... Il y a des absents, des blessés... Mais l'équipe ressemble à peu près à ce que Didier Deschamps veut qu'elle soit. Je commence à voir de nombreuses statistiques qui placent cette équipe comme une des favorites de l'Euro. Il y a des faiblesses en défense mais les Bleus marquent des buts. Il y a le talent de ces joueurs qu'on a découverts il y a deux ou trois ans. Elle fait envie.
Vous allez commenter 14 matchs en un mois. Mais le reste de l'année, vous n'avez pas peur de vous ennuyer ?
Je vais être occupé, ne vous inquiétez pas ! (rires) Il y a LCI, "Téléfoot" où j'interviendrai quand on me le demandera. Et puis il se passe beaucoup de choses entre les matchs, vous savez ! En ce moment, je prépare une séquence pour le journal de Gilles Bouleau pour expliquer le hors-jeu, le penalty, etc. On va faire des belles infographies et de belles animations. Ca, par exemple, c'est beaucoup de travail. Et je vais passer du temps avec mes proches, ce qui a aussi fait partie du choix de rejoindre TF1.
Avec LCI, vous avez des projets concrets ?
Non pas de projets précis, mais je suis disponible.
Vous allez faire autre chose que du foot à TF1 ? Votre prédécesseur faisait aussi la Coupe du monde de rugby...
Je ne ferai pas de rugby. Christian Jeanpierre continuera à commenter les Coupes du monde de rugby sur TF1. Il faut savoir où sont ses limites. J'ai un peu la culture du ballon ovale mais contrairement à Christian Jeanpierre, je suis incapable de commenter un match.
Enchaîner les duplex et les matchs comme le font les salariés de beIN ou de BFMTV, clairement, ça ne vous fait pas rêver ?
Je l'ai fait beaucoup par le passé. J'ai eu un gros rythme de travail pendant des années. Ca ne m'a jamais fait rêver mais ça m'a fait progresser vite. C'est la chance que j'ai eue à Canal+.
Comment allez-vous travailler avec Bixente Lizarazu ? C'est instinctif ou c'est beaucoup de préparation avec des matchs commentés à blanc ?
Non on ne va pas faire de match à blanc ! Il y a les deux matchs de préparation de l'équipe de France (dont celui de ce soir contre le Cameroun, ndlr). J'ai la chance de pouvoir m'appuyer sur Bixente qui fait ça depuis longtemps. Il sait faire. On a d'ailleurs commenté quelques matchs quand il était à Canal+. Il est comme quand il était joueur. Il prépare tout, il est très concentré. On va s'auto-rassurer.
Vous allez adapter votre ton à TF1, avec moins de stratégie de technique et plus de vulgarisation car vous allez désormais aussi vous adresser à des gens qui ne regardent que cinq matchs de foot tous les deux ans ?
On fera un point après le premier match mais jusqu'ici on ne m'a pas demandé de changer. Au contraire, on m'a dit de commenter les match comme avant. Et je n'ai pas l'impression d'avoir été particulièrement technique à Canal.
Et le jargon ?
Je ne crois pas l'utiliser beaucoup... Si c'est le cas, ce sera vraiment à la marge. Et puis en fait c'est Lizarazu qui va parler de foot, moi je suis là pour décrire ce qui se passe. La description est classique.
Arriver à TF1, c'est être plus observé. Vous avez peur des critiques ?
Non je n'ai pas peur... On s'adaptera. Je ne changerai rien mais on me dira sans doute que j'ai beaucoup changé...
On se souvient des phrases cultes... Le fameux "Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille" de Thierry Roland ou le "Oh non Zinedine pas ça, pas aujourd'hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait" de Thierry Gilardi. Ca se prépare ce type de punchlines ?
On imagine forcément des phrases... Mais l'attente de la situation qui permettra de sortir sa punchline préparée fera que ça ne sonnera pas juste. La bonne punchline, c'est celle qui arrive de nulle part. Donc elle est rare. Comme celle de Gilardi après le coup de boule de Zidane. C'était un moment de grande classe professionnelle.
Il faut donc faire parler son émotion ?
La tension, l'enjeu, m'aideront. Dans ces moments-là, les phrases viennent toutes seules.
Arriver à TF1, ce n'est pas forcément simple. Laurence Ferrari et Estelle Denis, par exemple, n'ont jamais trouvé leur place.
Parfois, la greffe ne prend pas sans que les personnes aient fait des erreurs. C'est comme ça ! Notre monde professionnel est petit. Il se trouve qu'à Canal il y a beaucoup de gens qui sont passés par TF1, comme Hervé Mathoux ou Romain Del Bello, mais aussi des chefs d'édition ou des journalistes. Aucune personne avec qui j'en ai parlé ne m'a dit "oulala mais que vas-tu faire là-bas !". Au contraire, ils m'ont dit que l'image de TF1 en interne n'était pas celle qu'ont les gens de l'extérieur ! C'est une boîte normale, professionnelle. A l'époque, beaucoup de gens ont quitté TF1 pour Canal, car Canal proposait des choses qu'ils ne pouvaient pas refuser.
TF1 est une chaîne plus grande que Canal mais le service des sportq est plus petit. Mais le contact est plus facile et plus rapide. Je n'irai pas plus loin car je ne voudrais pas parler de Canal.
Votre départ de Canal a été évoqué dès cet automne. Quand les contacts avec TF1 ont-ils commencé ?
J'aurais dû noter le jour ! Mais fin janvier/début février de cette année. Ca s'est fait très, très vite. J'ai demandé à quitter Canal dès le mois de septembre ou octobre, oui. Mais à ce moment-à, je n'avais aucun contact avec personne.
Si vous avez quitté Canal, c'est à cause de Bolloré ou de beIN Sports ?
C'est à cause de tout ce dont je vous parle depuis le début de cet entretien ! (rires) A cause des choses que je n'avais plus envie de refaire, et du rythme que je voulais changer. Ca a été une longue maturation. Je n'ai absolument rien à reprocher à Canal+ ni à Vincent Bolloré. Au contraire !
Est-ce que voir les matchs les plus prestigieux de la Ligue des champions partir à beIN, ça a accéléré votre "maturation" ?
On ne se le dit pas depuis un an mais depuis bien plus longtemps. Il suffit de comparer le catalogue des droits de Canal entre 2016 et 2006 ! En 2006, Canal avait tout. Et Canal aura peut-être de nouveau tout dans 5 ans. Je n'en ai pas la moindre idée. Je le souhaite à Canal+, même si je ne crois plus qu'il soit possible d'avoir tout. J'aurais pu continuer à commenter le grand match de Ligue 1 le dimanche et la Ligue des champions...
Aujourd'hui, les départs sont très nombreux à Canal+, y compris au service des sports. Comment vous expliquez cette hémorragie ?
C'est un processus très long. C'est plus visible ces derniers mois car des vedettes de l'antenne quittent Canal. Après 24 ans passés dans une boîte, on peut partir doucement et sereinement. C'est ce qui m'est arrivé.
Sereinement ? On a évoqué de longues négociations ?
J'ai lu beaucoup de choses... Il parait que j'ai fait "pression" sur la direction. Mais je n'ai pas profité du plan du départ car Canal+ voulait me garder. Ca a pris du temps mais ça n'a pas été tendu. J'aurais pu démissionner, mais j'ai attendu que finisse la saison de Ligue 1. Je suis fier pour Canal que TF1 soit venue chercher quelqu'un dans ses rangs, car il y a aussi des talents qui officient déjà à TF1.
Vous parliez de dynamique positive à TF1. Mais c'est aussi une entreprise parfois violente, comme avec Claire Chazal ou Christian Jeanpierre...
Il n'y a pas de départ concernant Christian Jeanpierre... Ce qui a été très violent c'est que mon arrivée ait fuité un matin alors qu'il commentait un match le soir. On l'a tous pris violemment. Christian, ça, il ne l'a pas choisi. En revanche, il a choisi de rester à TF1, de continuer à commenter des matchs. Il va commenter 8 matchs de l'Euro, faire "Téléfoot", la Coupe du monde de rugby.
La violence, c'est la contre-partie du métier ?
J'ai de l'empathie pour mon collègue. Car Christian est quelqu'un de profondément gentil. J'ai beaucoup d'affection pour lui. De façon égocentrique, j'espère qu'il ne m'arrivera jamais la même chose. Mais ça m'est déjà arrivé. En 2001/2002, je présentais "Jour de foot" et du jour au lendemain on a mis quelqu'un d'autre. Et je suis quand même resté à Canal et j'ai été très heureux. Ca nous arrive à tous.
Vous n'allez pas lui piquer "Téléfoot" en juin 2017 ?
Qu'est-ce que je vous ai dit sur mes week-ends ? (rires) Y participer de temps en temps oui, le présenter non. C'est très clair !