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Havas Media : "Il faut accepter le droit à l'échec à la télévision"
Publié le 7 octobre 2011 à 17:25
Par Julien Lalande
Dominique Delport, le PDG de Havas Media, revient sur l'actualité du paysage audiovisuel public : la création de nouvelles chaînes sur la TNT gratuite, les audiences en baisse de France Télévisions ou encore le rachat de Direct 8 par Canal+.
Dominique Delport Dominique Delport
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Dominique Delport, le PDG de l'agence Havas Media, revient sur l'actualité du paysage audiovisuel français, de la création de nouvelles chaînes sur la TNT gratuite aux audiences en baisse de France Télévisions ou encore le rachat de Direct 8 par Canal+.

puremedias : Un débat animé a lieu entre les différents acteurs de la télévision gratuite depuis plusieurs mois concernant le lancement de nouvelles chaînes sur la TNT. Certains sont pour, certains sont contre et demandent un moratoire, expliquant que le marché publicitaire ne peut pas financer de nouvelles chaînes. Quelle est votre opinion ?

Dominique Delport : Le marché publicitaire est en train de se structurer. On a dix-huit chaînes nationales gratuites, avec douze chaînes privées et six gratuites. C'est le nouveau paysage audiovisuel. C'est un marketing de l'offre donc si les projets sont complémentaires de l'offre existante et si leurs territoires sont différents, alors il y aura de la place. Le projet de Canal+, Canal20, qui vise les CSP+, pourrait très bien trouver sa place. Mais on sait très bien que le marché publicitaire télé n'a pas la capacité d'accueillir quatre à six chaînes de plus. Pour des nouveaux entrants, l'équation est très compliquée, compte tenu de la pub mais aussi des contenus. Si on n'a pas un catalogue de droits conséquent, c'est très dur d'arriver à construire des audiences durables.

Canal+ fait partie des opérateurs qui sont favorables à un élargissement de la TNT gratuite. La filiale de Vivendi explique notamment que la publicité a encore un fort potentiel de progression en France, soulignant le faible ratio des investissements pub sur le PIB par rapport aux Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Cet argument est valable selon vous ?

Oui, c'est une réalité. Ce que l'on note, c'est qu'il y a des raisons à cela, comme les secteurs qui sont aujourd'hui interdits de publicité à la télévision, comme le cinéma ou l'édition. Aujourd'hui, ça me semble tout à fait anachronique avec la télévision connectée qui échappe à toute régulation. Il me semble que c'est l'occasion de réécrire un peu le droit. On voit qu'il est battu en brèche, y compris par le régulateur puisque la Cour de justice de l'Union Européenne a, cette semaine, très sérieusement secoué le système des droits des chaînes payantes en Europe en permettant, au titre de la libre circulation des services, à un ressortissant de l'Union d'utiliser une carte de décryptage grecque pour suivre des matchs de football anglais. C'est en train de bouger. Il y a urgence à se concerter entre grands acteurs parce qu'il y a Netflix, Hulu et les autres qui vont faire de l'Europe un marché de conquête prioritaire.

Depuis plusieurs années maintenant, on assiste à une redistribution des cartes dans la télévision gratuite. Les audiences des groupes TF1 et M6 semblent avoir enrayé leur chute, mais celles du groupe France Télévisions continuent de baisser. France 2 et France 3 décrochent même depuis l'été ; les nouveautés sont pratiquement toutes boudées par le public. Est-ce qu'il y a un problème France Télévisions ?

On ne peut pas d'un côté se plaindre d'avoir des programmes qui sont toujours les mêmes et, de l'autre, ne pas considérer que c'est positif d'innover en la matière. Une chaîne qui lance cinquante nouveaux programmes et cinquante nouvelles séries, elle a raison, c'est culotté. Il faut l'encourager. Dans l'industrie de l'entertainment, le risque est aujourd'hui minimal. Je vais prendre l'exemple du cinéma : 75 des 100 meilleures audiences sont issues d'une franchise. On voit bien qu'en télévision, en France, il y a cette tentation avec l'omniprésence des séries américaines en prime time. Qu'une chaîne de service public innove, ça me semble être bien. Après ça marche, ça ne marche pas, c'est le jeu de cette industrie. Il faut accepter ce droit à l'échec. Et puis on a tendance à juger vite, et de façon rapide et péremptoire, ce qui doit prendre du temps. Tout le monde ne vit pas au même rythme que les commentateurs.

Le groupe Canal+ veut prendre des parts de marché dans le gratuit, en rachetant Direct 8 et Direct Star. Que vont devenir ces deux chaînes ?

Si Canal+ n'a pas son canal compensatoire avec Canal 20, je pense que Direct 8 va s'orienter davantage vers la cible CSP+. La régie de Canal est forte auprès de cette catégorie de la population. Après, beaucoup de choses vont se passer. Le PAF va probablement connaître de nouveaux soubresauts ou de mouvements de consolidation. On sait bien que ça va devenir de plus en plus coûteux d'agréger des audiences avec une compétition qui va s'élargir à tous les médias.

Une question très large : quelle sera la télévision de demain ? On nous annonce beaucoup de nouveautés, entre les télévisions connectées et la progression de la télévision passive...

Il ne faut pas confondre ce que la technologie permet et l'usage que peuvent en faire les gens. Il y a toujours une vision extrêmement ambitieuse et avant-gardiste qui considère que parce que la technologie est là, tout le monde va se ruer dessus. La réalité est tout autre. Je vous rappelle que 50% des télévisions connectées sont en fait des télévisions non connectées. Elles sont connectables mais encore faut-il les relier à internet. On est un peu extrêmement jeune en matière d'interactivité. Moi je crois à des services simples, basiques, qui apportent véritablement un bénéfice aux téléspectateurs. La catch-up TV à une touche de la télécommande qui permet de voir une émission qu'on a ratée ou prendre une émission dont on a raté le début, ça j'y crois. Le fait que les télévisions connectées permettent l'accès à un vidéo club facilement, ça me semble aussi un service intéressant.

Aux Etats-Unis, on voit que Google dépense des millions de dollars dans les contenus. Doit-on s'attendre à l'émergence de ce géant américain dans le PAF à plus ou moins long terme ?

Oui j'y crois parce que je pense qu'il y a toujours chez Google une tentation de, certes offrir la connaissance à tous mais, également, parfois, de désintermedier des industries entières. Et quand Eric Schmidt (le patron de Google, NDLR) démarre ses discours en disant " Il y a un marché qui nous intéresse, c'est le marche de la publicité télé " (un marché de 87 milliards de dollars aux USA), on voit bien qu'au-delà des services qu'ils souhaitent rendre, il y a la volonté de prendre des parts de marché dans la pub télé.

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