Après plusieurs mois de réflexion, France Télévisions a enteriné le projet du "Grand Soir 3" : dès la mi-mars, France 3 proposera une grande session d'informations du lundi au jeudi vers 23h. Entretien avec Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions.
Propos recueillis par Julien Lalande
puremedias.com : Comment est né ce projet de "Grand Soir 3" ?
Rémy Pflimlin : Le travail que nous opérons sur nos grilles des programmes est un travail permanent. Depuis un moment, nous avions une réflexion sur la possibilité de faire évoluer le "Soir 3" en lui donnant plus d'ampleur, avec des débats, des invités. D'autant plus que ce journal est une vraie spécificité du service public notamment vis-à-vis des personnes qui ne sont pas devant leur télévision à 20H ou encore celles qui ne regardent pas les chaînes d'informations en continu. D'autre part, le contexte budgétaire est devenu beaucoup plus important ces dernières semaines. Nous devons repenser nos grilles en fonction de ce nouveau contexte. En somme, ce projet, c'est la rencontre d'une forte ambition pour l'information et en l'occurrence le "Soir", et la contrainte économique.
Ce "Grand Soir 3", c'est une manière de capitaliser sur l'information, un domaine où France Télévisions (et notamment France 2) a brillé ces derniers mois ?
Bien sûr. Nous traitons l'information régionale, nationale et internationale sous toutes ces formes, de manière linéaire ou non et sur le numérique. Seul France Télévisions peut continuer à investir dans l'info. On voit bien que les chaînes privées ne le font pas. De surcroît, le groupe est parvenu à nouer une grande relation de confiance avec les concitoyens grâce à l'indépendance et à la force de nos rédactions.
Ce n'est donc pas qu'une mesure économique ?
Pas du tout. Nous avions cette analyse sur le "Soir 3" depuis près d'un an.
Quelle sera la forme de ce "Grand Soir 3" ?
A partir de mars, après les prime times, il y a aura une grande session d'informations programmée entre 22h40 et 23h10 le plus souvent. Le JT aura toujours un éclairage national et un décrochage régional. Ensuite, il y aura des débats et des invités pour mettre en perspective l'actualité du jour. Ce "Grand Soir 3" sera intégralement réalisé par la rédaction sous l'autorité de Thierry Thuillier.
Que deviendront les actuelles deuxièmes parties de soirée ?
Il y avait quatre soirées. Le lundi, nous avions une offre documentaire. On va la déployer différemment. En tout état de cause, tous nos engagements seront maintenus. Le mardi, nous avions Frédéric Taddéï. L'idée, c'est de basculer "Ce soir (ou jamais !)" sur France 2. La grande force de cette émission, c'est son orientation sur les idées et la pensée, avec des invités qu'on ne voit pas ailleurs, la parole donnée aux gens différents. Le mercredi, nous avions un magazine d'histoire que nous allons supprimer. Enfin, le jeudi, nous n'aurons plus le second film mais nous continuerons notre travail sur l'éditorialisation sur cette soirée cinéma. Nous avons d'autres cases liées au 7e art dans le groupe, comme le mercredi sur France 4 ou le dimanche sur France 2 et en toute hypothèse tous nos engagements seront respectés.
Certains ne voient pas l'intérêt d'un grand "Soir 3" alors que nous avons maintenant des chaînes d'information en continu...
Au contraire, ça fera la différence comme nos journaux font déjà la différence. Au-delà de ce qui se passe au fil du temps, dès que vous avez un événement important et que les chaînes info couvrent à loisir, les audiences de nos journaux augmentent. Pourquoi ? Parce qu'à un moment donné, quand on est assailli d'informations, on a besoin d'une référence et de faire le point. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, plus il y a d'infos, plus il y a besoin d'éléments clefs et de références. Il me semble que la force de nos journaux va se décupler avec la multiplication des sources d'informations.
L'an prochain, le budget de France Télévisions devrait chuter de 150 millions d'euros sous l'effet de recettes publicitaires et de concours publics en baisse. Ce projet de "Grand Soir 3" va-t-il contribuer significativement à votre plan d'économies ?
Nous allons avoir une offre éditoriale qui a du sens et qui va effectivement nous permettre de faire des économies qui se chiffreront en millions d'euros. Mais la force de ce projet est qu'il est aussi un renforcement de la mission centrale du service public.
Le chiffre qui circule sur les 30 millions d'économies à trouver sur les programmes est-il bon ?
Non, nous devrons faire davantage d'économies. Mais l'information et la création resteront notre priorité.
Avez-vous discuté de ce "Grand Soir 3" avec votre tutelle ?
Pour les contenus, nous sommes indépendants. L'offre de programmes est élaborée par les équipes en interne puis nous informons effectivement au préalable notre actionnaire. Il y a un dialogue. Et pour l'information, notre indépendance est essentielle et totale.
David Assouline, vice-président de la Commission de la culture et de la communication du Sénat, a proposé d'augmenter la redevance non pas de 4 euros, mais de 6. Savez-vous si le gouvernement va appuyer cette initiative ?
Normalement, oui. Je rappelle que lorsque deux euros nous reviennent intégralement, c'est cinquante millions d'euros de recettes supplémentaires. Il faudra donc faire, de toute façon, 100 millions d'économies, sur les programmes mais aussi sur les frais généraux.
Est-ce que le périmètre de France Télévisions peut évoluer à l'occasion de la renégociation de votre Contrat d'objectifs et de moyens avec le gouvernement ?
Pas forcément. Nous avons cinq chaînes d'une grande diversité. Elles nous permettent de toucher tous les publics et d'aborder de nombreux genres. Je rappelle ici que les autres groupes audiovisuels publics européens ont une vingtaine de chaînes...