Samy Seghir© CIPANGO - Philippe BESNARD
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Émouvant dans Michou d'Auber, drôle dans Neuilly sa mère !, Samy Seghir n'a que 16 ans et a déjà de nombreuses cordes à son arc. Après avoir joué aux côtés de Gérard Depardieu et Nathalie Baye dans Michou d'Auber, il est ce soir à l'affiche de Fracture , un téléfilm produit par France 2 et réalisé par Alain Tasma. C'est à l'occasion de cette diffusion qu'il nous a accordé une interview. Il revient sur son personnage, sur sa relation avec les autres acteurs mais nous parle aussi de l'actualité. Entretien.Ozap : Tu es ce soir à l'affiche de "Fracture" diffusé sur France 2. Comment as-tu été approché pour le rôle de Lakdar ?
Samy Seghir : En fait, Alain Tasma m'avait appelé deux, trois mois avant le tournage. Comme j'avais déjà tourné avec lui dans Harkis, il m'avait appelé comme ça, pour me rencontrer et il m'avait dit qu'il tournait un film juste après. Il m'a passé le scénario et il m'a dit de lire et de voir si j'étais intéressé. Et je l'ai lu et on s'est revu deux semaines plus tard. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me propose un film comme ça. À ce moment-là, c'était parfait, je sortais d'une comédie, il fallait que je fasse autre chose. C'est différent, ça change.
Et ce n'est pas plus difficile à aborder ce genre de rôle ?
Si, c'est plus difficile mais c'est plus intéressant à jouer car il y a plus de choses à jouer par rapport à une comédie où il faut faire rire les gens par une attitude, par une situation. Il y a des fois où on ne fait pas exprès quand on fait rire les gens et je trouve que c'est plus subtile. Je ne dirais pas que j'ai plus aimé parce que c'était difficile mais c'était vraiment plus intéressant.
Tu peux nous parler un peu de ce personnage ?
C'est l'histoire d'un petit garçon qui s'appelle Lakdar, qui habite en banlieue, qui est passionné par le dessin, les concours de dessins. Il va réussir dans ce métier, c'est sûr ! Il s'en fout de l'école... Enfin, il est respectueux mais il sait que ce n'est pas l'école qui va l'aider à réussir. C'est plus dans le dessin qu'il va réussir, il sait très bien qu'il va finir à l'ANPE s'il va à l'école. Donc il est passionné par le dessin, il va à des concours, il sait qu'il va réussir et un jour, il tombe dans les escaliers et il se casse le bras. Il va vite aux urgences et on lui pose vite vite un plâtre. Le médecin voulait partir donc il lui pose vite un plâtre. Il a mal toute la nuit, sa main devient bleue car son sang ne passe plus dans ses doigts et son père, il ne peut pas l'emmener aux urgences parce qu'il rentre du travail et il est fatigué. Alors, il attend le lendemain, on lui enlève le plâtre et là, sa main elle ne bouge plus, on lui dit plus tard qu'il a la maladie de Volkman. Au début du film, on sent qu'il a l'espoir de récupérer sa main. On se dit, bon voilà, il a mal mais il va la récupérer. Avec ses potes par exemple, même s'ils se foutent de sa gueule, il s'en fout, il dit "je la récupère demain ma main". Mais tout au long du film, c'est une montée en puissance en fait parce que son avenir se referme autour de lui, petit à petit on se rend compte qu'il n'a plus d'issue.
Est-ce que tu t'es senti proche de Lakdar ?
Je me suis senti proche de lui, plus sur l'aspect de la passion qui peut s'arrêter du jour au lendemain. Je me suis un peu mis à sa place et je me suis dit « Si ça s'arrêtait du jour au lendemain, qu'est-ce que tu aurais fait ? » Après moi, je m'en fous pas trop de l'école, enfin... je m'en moque moins que lui. J'aimerais bien avoir au moins mon BAC, ce serait bien. On ne sait jamais ce qu'il peut arriver. Je ne dis pas que ça peut pas s'arrêter mais je ne peux pas savoir.
Comment s'est passé le tournage avec les autres élèves de la classe ? La plupart ne sont pas acteurs.
En fait, on a tourné à Aulnay-sous-Bois, dans un collège et il y avait vraiment les élèves du collège et tout qui était là et, franchement, ils étaient super cool avec moi, c'était comme mes potes du quartier franchement. C'est juste que je les connaissais pas plus que ça et qu'ils avaient vu Neuilly sa mère ! donc ils me parlaient beaucoup de ça dans la classe où on discutait. Il y a eu beaucoup d'impro dans la classe quand ils s'insultent entre eux, c'est pratiquement que de l'impro. Il y avait des moments où il y avait des blancs et ils ne disaient pas action ni rien, mais ils filmaient. Ils laissaient faire.
Justement, tu leur as donné des conseils ?
Pas plus que ça. C'était plutôt eux qui me demandaient des choses anodines par exemple entre les pauses, ils me demandaient ce que c'était que le truc pour prendre le son, des trucs comme ça. Ils me demandaient comment ça allait se passer sur le plateau. C'était super cool. Bizarrement, on ne parlait pas trop du film, on discutait entre nous des artistes qu'on aimait.
Et avec les acteurs professionnels ?
Avec la prof, Anaïs Demoustier, on a beaucoup discuté du film, de l'histoire, de ce que ça pouvait engendrer et franchement, ça m'a beaucoup plu de jouer avec elle parce que c'est une actrice formidable, c'est un truc de fou, elle joue super bien. Ça m'a plu de jouer avec elle, avec Djemel Barek, qui joue mon père, Azdine Keloua, qui joue mon frère. Et voilà, ça m'a fait plaisir.
Le téléfilm aborde de nombreux thèmes d'actualité assez difficiles : l'antisémitisme, la ségrégation dans les banlieues, les professeurs qui renoncent... à ton avis, comment les gens vont trouver le film ?
Je pense qu'il y a surtout l'aspect des profs que les gens ne connaissent pas vraiment. Parce que même moi, je ne savais pas que c'était comme ça dans la salle des profs quand ils parlaient, leur vie aux profs. Ce que j'aime bien dans ce film, c'est qu'ils ont beaucoup repris la vie du professeur, la vie d'Anaïs Demoustier, d'Anna, chez elle avec son copain et tout, qui est la petite jeune qui fait son possible pour aider un petit mec qu'elle ne connaît pas, quelque part dans sa petite banlieue. Elle pourrait s'en foutre, il y a plein de profs qui s'en foutent mais elle non.
Tu penses que c'est au niveau des jeunes que ça va poser des questions ?
C'est pas tant au niveau des jeunes, c'est pour tout le monde. Comme Anna par exemple, elle ne savait pas vraiment ce qu'il se passait dans la vie, les profs ne savent pas vraiment ce qu'il se passe dans la vie des jeunes de banlieues. Je pense que tous les non-profs ne savent pas ce qui se passe dans la salle des profs. Donc voilà, je pense que c'est intéressant de voir ça.
Selon toi, que peut apporter un téléfilm comme "Fracture" aux téléspectateurs ?
Il y a des choses que je ne savais pas et que je sais maintenant. Par exemple que l'antisémitisme, même dans la famille d'Anna, c'est présent, ça fait peur quand même. Parce quoi voilà, après qu'il y ait des gens qui ne soient pas d'accord avec une idée « OK », mais que ce soit autant mis en avant, ça fait peur quoi !
Tu ne penses pas que le téléfilm pourrait être mal interprété ? Qu'il donne une mauvaise image de la banlieue ?
Si ça pourrait, il faut souligner que ce n'est qu'un constat. On l'a déjà vu. C'est un constat, on ne peut rien faire. Après, on ne peut rien faire pour Lagdak non plus. C'est une erreur, il ne faut pas jeter la pierre au médecin. Parce que ce n'est pas de sa faute. Il voulait rentrer chez lui, il était débordé et voilà. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de méchant ou de gentil. C'est le destin de chaque personnage qui se rencontre et qui se referme petit à petit. Après voilà, il y en a qui s'en sorte mieux que d'autres.
Qu'est-ce qu'il y a dans ton iPod en ce moment ?
J'écoute les nouveaux sons de Booba. Il a changé de look, il s'est laisser pousser la barbe et tout (rires). J'attends son nouvel album avec impatience. J'écoute le nouveau Lil Wayne aussi avec "I'm not a human being" et j'écoute beaucoup de rap américain, Lil Wayne, Kanye West et tout. J'écoute plus des trucs bien modernes, genre T-Pain aussi. Et en rap français, Booba et Rohff. Mais pour moi, le meilleur c'est Booba.
Tu as sûrement dû entendre parler de toute la polémique autour de Sexion d'Assaut. Est-ce qu'après les propos tenus par Lefa concernant le fait que le groupe serait "100% homophobe", ton regard a changé sur ce groupe ?
Franchement non, pas tellement. Ce qui me fait rire en fait c'est que depuis les Chroniques du 75, leur première mixtape, ils parlent de ça. Après, si vous allez voir n'importe quel mec en banlieue ou n'importe quel mec dans le pays, pour moi, c'est pas de l'homophobie, c'est des mecs qui n'aiment pas un mode de vie. Après moi, je ne suis pas forcément ce qu'ils disent, je n'approuve pas mais moi, voilà, un homosexuel, ça ne me dérange pas, c'est un humain. Après, c'est une musique, c'est des paroles. Quand Booba il dit des choses bien pires que ça, c'est pas pour autant qu'on va le censurer.
Tu penses que les médias s'acharnent ?
Oui, les médias s'acharnent un peu et ça me semble bizarre que ce soit venu comme ça, à ce moment-là, quand ils étaient au sommet, que ça leur arrive maintenant, parce que ça fait longtemps qu'ils font du rap quand même. C'est un peu bête. Je n'approuve pas franchement ce que disent les médias.
Ces derniers mois, on a pas mal vu les lycéens dans la rue se mobiliser contre la réforme des retraites. Tu y étais aussi ? Pourquoi tu te sens concerné ?
Non, moi j'ai dormi ! (rires). Je ne vais pas mentir, j'ai dormi ! Je m'en fous de la retraite. Je me sens un petit peu concerné parce que je vais y passer un jour mais voilà, c'est dans 50 ans ! J'ai le temps. Après, d'ici là, peut-être que la loi aura changé. Après, je pense qu'il y a beaucoup de lycéens qui font ça pour s'éclater, pour foutre le bordel. Après voilà, c'est dans 50 ans donc je pense c'est un peu beaucoup ! Qu'il y ait des gens de 45 ans, 50 ans qui manifestent, je suis d'accord mais les lycéens, je n'ai pas trop compris.
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