Musique
Shy'm : "Je suis fière d'être une artiste commerciale"
Publié le 14 juin 2010 à 11:53
Par puremedias
Entretien avec la chanteuse, à l'occasion de la sortie de son troisième album "Prendre l'air".
Shy'm Shy'm© John Londoño
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Le R&B féminin a connu une véritable explosion en 2006 et 2007, et parmi celles qui ont réussi à conserver leur place, on compte Vitaa, Sheryfa Luna, mais aussi Shy'm. Celle qui se présentait à l'origine comme une "Femme de couleur" a lentement mais sûrement fait évoluer son image et sa direction musicale, et revient aujourd'hui avec un troisième album qu'elle a voulu plus pop, et qui est introduit par le premier single "Je Sais". Comme pour ses précédents opus, Shy'm a collaboré avec Cyril Kamar, alias K-Maro, qui lui a offert ses plus grands tubes, de "Victoire" à "Si tu savais", en passant par "La Première Fois".



A l'occasion de la sortie aujourd'hui de l'album "Prendre l'air", Shy'm a accordé un entretien à Ozap. Elle en dit plus sur ce troisième opus, plus proche d'elle que ce qu'elle a montré par le passé, et sur sa volonté de faire un album plus pop, reconnaissant que le R&B est un peu en train de s'essouffler. Shy'm n'hésite par ailleurs pas à se qualifier d'artiste commerciale, un statut qu'elle assume à 100%, et explique pourquoi "Je Sais" et son clip s'adressent plus aux petites filles que ses clips précédents. Enfin, elle évoque l'Eurovision, à l'occasion de laquelle la France était représentée par un artiste urbain, et reconnaît qu'elle n'aurait probablement pas dit oui si on lui avait proposé. Entretien.

"J'ai emmagasiné plein d'énergie"

Parle-nous un peu de ce troisième album...

Je suis super contente de ce qu'on a fait. Ca fait un an et demi qu'il y a une petite accalmie après le deuxième album, beaucoup moins de promo donc ça m'a permis de me retrouver, de me retrouver seule, en famille. Du coup, j'ai eu le temps de réaliser ce qui s'était passé pendant ces trois années euphoriques et de faire un petit bilan sur tout ce qui venait de se passer. Parce que quand tu es dans le rush au jour le jour, tu ne te rends pas forcément compte de tout ça.


Tu habites au Québec ?

Non j'habite en France, mais ces deux dernières années j'étais beaucoup à Montréal parce que j'avais envie de retrouver "l'anonymat" - même si je ne suis pas Madonna ici (rires) - de retrouver un peu une légèreté que j'avais perdue ici. Et puis parce que j'ai des amis et de la famille là-bas. Les studios aussi, avec mon producteur. Et effectivement, on s'est retrouvés dans une ambiance assez calme et sans pression pour le troisième album parce qu'on n'avait pas de date limite, on n'avait pas de pression sur une livraison d'album. Et donc, j'étais très sereine pendant cet enregistrement-là. Du coup, je crois aussi que j'ai emmagasiné plein d'énergie pendant cette année-là, beaucoup d'idées. J'avais envie de faire plein de choses, j'avais retenu plein de trucs, j'avais pris des notes et du coup j'avais envie de faire beaucoup de up-tempo sur cet album-là. Naturellement on s'est dirigé vers quelque chose de beaucoup plus pop que le précédent album. Il y a eu vraiment une évolution logique entre le premier, le deuxième et le troisième. Il y a une couleur vraiment pop, mais très prononcée sur celui-ci. Je pense que c'est inconsciemment avec la mouvance musicale du moment, avec mes goûts en tant que consommatrice, avec ce que j'avais envie de faire et de proposer au niveau de l'image. Tout va avec, et tout va avec l'évolution que j'ai prise en tant que femme aussi, depuis quatre ans.

" Mes premiers albums me ressemblaient moins "

Le nouveau single "Je sais" est-il représentatif de ce qui se trouve sur l'album ?
Oui, pour le coup, il est très représentatif. Ce n'est pas l'ovni qui n'a rien à voir avec tout le reste des titres. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup d'uptempo, de titres qui bougent. Il y a des thèmes aussi... comme "Je sais", qui parle d'amour forcément, mais avec beaucoup de dérision. Ca me ressemble parce que dans la vie de tous les jours, je ne suis pas fleur bleue, je ne suis pas romantique donc il y a peu de titres comme ça. Au contraire, il y a des titres qui parlent des relations mais avec un côté très second degré, beaucoup plus rigolo. Donc voilà, c'est plus dans la profondeur et plus dans ma personnalité, dans la complexité de ma personnalité (rires). K-Maro a pu le faire parce que ça fait quatre ans qu'il me connait. Il me connait aussi en tant que femme. On se fréquente aussi dans les moments de la vie de tous les jours, hors studio etc... Donc ça permet de se connaître et faire qu'il écrive des textes qui me ressemblent encore plus.


Donc au début, c'était moins toi ?

Alors c'était moins moi, oui forcément. Sur le premier album, j'avais 19 ans, donc moi j'étais déjà beaucoup en quête de moi-même, en quête d'un son, d'une image... J'étais vraiment en pleine découverte. Je le suis encore aujourd'hui, parce qu'on est en perpétuelle quête et on se cherche tous les jours finalement, personnellement, professionnellement. Mais c'est vrai que je me fais plus confiance aujourd'hui, je m'affirme plus dans mes idées, dans mes envies. K-Maro le sent aussi. Mais effectivement, sur le premier album, on a beaucoup cherché, on a cherché les directions. Il a beaucoup deviné parce que moi je ne me suis pas ouverte comme ça, du jour au lendemain. Je ne suis pas rapide sur le piston comme on dit (rires). Finalement, il m'a cerné assez bien, même s'il ne me connaissait pas beaucoup. Sur le deuxième album, mes textes ont été encore plus justes que sur le premier, et sur le troisième c'est moi à 100%. Si j'avais eu ce talent-là, je pense que j'aurais écrit les mêmes textes.

"J'assume et je revendique mon statut d'artiste commerciale"

C'est donc un peu plus pop, un peu plus dance même. C'est un peu le R&B d'aujourd'hui, avec les Black Eyed Peas qui ont "redynamisé" tout ça. Tu es cliente de ce genre de musique ?

Oui, je suis une super bonne consommatrice. J'adore les titres efficaces, les "tubes" comme on les appelle. Autant je peux consommer de la musique plus "underground", du jazz, du gospel, du classique même, autant je n'ai aucun complexe à dire que j'adore les artistes commerciaux. J'adore les tubes, j'adore avoir un refrain qui me passe en tête et qui ne me lâche pas de toute la journée. J'adore Lady Gaga, j'adore les Black Eyed Peas, j'adore Muse, j'adore The Gossip, j'adore Kesha avec "TiK ToK"... Et pourquoi aujourd'hui "commercial" est un terme péjoratif ? Ca fonctionne, ça marche, et du moment que tu t'éclates, et que tu fais de la bonne musique quand même. Evidemment à partir du moment où tu ne fais pas n'importe quoi et qu'il y a de la créativité, un talent, et une démarche artistique, moi je consomme à fond.


Tu revendiques ton statut d'artiste commerciale ?

Absolument. Carrément. Et je l'assume (rires).


Te considères-tu encore aujourd'hui comme une artiste urbaine?

Oui. Je pense que mon côté urbain reste parce que j'adore la danse donc forcément, même si à ce niveau-là, j'essaie de faire évoluer aussi les visuels chorégraphiques vers quelque chose de beaucoup plus moderne et contemporain, comme pour le dernier clip, "Je sais". J'ai travaillé avec une chorégraphe qui était très ouverte à mes envies, parce que, encore une fois, j'avais une bonne idée de ce que je voulais. Donc effectivement, je voulais quelque chose de beaucoup plus efficace, de beaucoup plus accessible surtout, parce que sur les clips précédents, c'était accessible, mais pour les danseurs. Alors que là, j'avais envie que les petites filles se reconnaissent, suivent les pas, comprennent beaucoup plus. Faire évoluer avec l'ambiance musicale, et moi aussi physiquement, au niveau de la mode etc...


Avec tout ça, tu es la Lorie urbaine ?

(Rires) Je ne crois pas. Non, je ne pense pas. Alors c'est sûr que mon public est jeune, probablement que la fourchette est plus grande que ce que faisait Lorie. Les textes et les thèmes le sont aussi... Dans une démarche d'album, dans la création, on ne pense pas forcément à ça. Je pense qu'on y pense après et ce n'est pas forcément moi qui y pense le plus. C'est le rôle de mon équipe pour le coup, et ils font bien leur travail, je suis bien entourée. Je fais ce que j'aime, et je pense que mes goûts changent parce que moi je change. Si j'ai envie d'interpréter un texte plus mûr, c'est parce que j'ai grandi, parce que j'ai mûri. Sur cet album-là, j'ai enregistré des titres que je n'aurais pas pu assumer les années précédentes, et je pense que tout se fait super naturellement et avec le coeur, surtout au feeling. Et c'est comme ça que j'ai toujours fonctionné avec K-Maro quand il me proposait une mélodie ou un texte. Il y a des textes pour le précédents albums, que je n'ai pas acceptés parce que c'était trop femme, ou parce que je ne l'avais pas vécu alors je ne voulais pas en parler. Et puis, sur le troisième album, je me sentais prête pour certaines choses et je les abordées pour la première fois.

"Dans la musique contemporaine, on manque d'ouverture d'esprit"

Sheryfa Luna dit que le R&B féminin était un peu en bout de course. Tu en penses quoi ?
Je trouve que c'est le R&B en général. D'ailleurs il n'y a qu'en France où on se pose la question "Qu'est-ce que le R&B ? Et que devient le R&B ?" (rires). Je pense qu'on est en manque de créativité, en général. Ce que j'aime aux Etats-Unis, et je m'en rends encore plus compte au Canada, c'est qu'on ne se pose pas cette question, on fait de la musique, on mélange beaucoup les styles. Rihanna va faire un duo avec le mec de Muse, Lady Gaga pourrait très bien faire un truc avec Marilyn Manson... C'est ça que j'aime. On ne se pose pas de question, on s'en fout de les mettre dans des cases. R&B, pop, variétés... On fait de la musique et on fait des tubes. En France, on fonctionne plus par les radios, où il faut entrer dans un créneau pour être diffusé sur une radio. Aux Etats-Unis, ça se joue beaucoup plus sur les télés et sur les clips. Ce n'est pas la même démarche, et ils n'ont pas les mêmes problèmes que nous, j'ai envie de dire. Ils ont une autre culture musicale, ils sont beaucoup plus ouverts que nous. On est encore très conservateurs.


C'est cette ouverture d'esprit que tu apprécies ?

Oui, ce que je trouve inspirant là-bas, c'est qu'il y a beaucoup moins de barrières. Un Kanye West ou un Lil Wayne vont faire un album de rock, un album plus contemporain et ils s'en foutent de la crédibilité, ils veulent faire de l'argent (rires). Ils sont dans le capitalisme à fond, mais on n'a pas la même culture. C'est aussi leur façon de faire. Ils veulent faire des tubes, des trucs qui fonctionnent et ils ont du talent. Et c'est pour ça que ça marche. Ils ne sont pas là pour rien, et d'une façon ou d'une autre leur talent est reconnu. Le public leur rend bien finalement. Et je pense qu'aujourd'hui en France, les rappeurs sont frileux. A part La Fouine qui se diversifie, qui ose un peu chanter... Dans le R&B, dans la musique contemporaine, oui, on manque d'ouverture d'esprit. Et c'est ce que j'essaie de faire de mon côté, et ça me facilite les choses de travailler au Canada parce que je travaille avec des gens qui vivent là-bas, qui ont cette culture-là aussi. On essaie de faire un son différent, pas de faire mieux ou moins bien, mais au moins d'avoir une signature musicale.

"Je suis fière de faire des tubes, et j'adore ça"

Cette nouvelle musique qui bouge, qui change, est très appréciée chez les jeunes, mais elle n'est pas forcément reconnue par les plus anciens...

Par les puristes oui, tout à fait. Je pense que notre culture en France, c'est la variété. Donc forcément, les Calogero, les Obispo, on ne parle même pas des Aznavour car ils sont encore dans une autre sphère, sont accueillis avec beaucoup mois d'a priori, moins de préjugés. Mais oui, ça fait des années qu'ils sont là, ils ont fait leurs preuves, ils ont leur public déjà "acquis"... Ce sont des artistes installés. Ensuite, on a vu beaucoup de choses dans le R&B français, féminin ou masculin. Il y a déjà beaucoup de préjugés à la base : les filles jolies qui chantonnent, qui ont des tubes et basta. En plus moi je danse, alors je suis encore plus cataloguée (rires). Mais bon, je fais avec. Je dirais même que je ne m'y attache pas vraiment. Je défends mon projet, mais je l'assume surtout. Je suis fière de l'équipe avec laquelle je travaille. Je me sens en confiance. Je suis entourée de personnes qui ont beaucoup de talent et c'est important de le sentir, de se sentir bien et surtout de se sentir en confiance avec les gens qui nous entourent. A partir de ce moment-là, on assume tout, il n'y a plus de complexes.


La reconnaissance du public compense un peu...

Oui parce que, finalement, il n'y a que ça de vrai. On ne peut pas rendre tout le monde unanime. Ce n'est pas possible. Effectivement, les puristes français vont plus s'attarder sur de la variété ou sur des artistes beaucoup plus "low profile", beaucoup moins commerciaux. Mais il faut des deux de toute façon. Moi je suis fière d'être une artiste commerciale, de faire des tubes, et j'adore ça. Le public me le rend bien, et c'est ce qu'il y a de plus concret finalement.

"Au Québec, on vend plus de disques qu'en France !"

On parle de succès commercial... Les ventes chutent de plus en plus en France, le digital ne décolle pas...

J'ai un avis assez partagé sur le sujet. C'est un super long débat, et oui ça devient inquiétant. Quand on voit que le disque d'or est à 50..000 et que, même moi quand j'ai sorti mon premier album il y a quatre ans, il était à 100..000... Oui ça fait peur c'est sûr. Ensuite, je suis née dans une génération où le téléchargement existait, où on était déjà avertis, où la consommation musicale se fait de plus en plus facilement. Je pense qu'aujourd'hui, de manière générale, dans la tête des gens, la musique devient un produit gratuit, comme la télé. Et tout est mis à disposition pour qu'on la consomme gratuitement. Que ce soit les mp3s, l'iPod...


Toi qui as vécu à l'étranger, ce n'est pas pareil...

Oui c'est sûr qu'au Canada, la consommation est différente, et bizarrement il y a beaucoup moins d'habitants, mais beaucoup plus de ventes de disques. Ca c'est assez flagrant et c'est assez incroyable. C'est vrai que les Français ne consomment pas de musique, et ils n'aiment pas mettre de l'argent pour de la musique surtout. Il y a encore ce respect-là à Montréal. Je parle de Montréal parce que j'ai vécu là-bas. On s'en rend vraiment compte. Il y a des artistes locaux qui vendent encore 100, 200, 300..000 albums, alors qu'il y a beaucoup moins d'habitants. Les gens consomment, suivent les artistes, les encouragent et aiment avoir le produit, le CD dans leurs mains. Et avoir du bon son. C'est ça aussi qui est important, avoir une bonne qualité de son. Et ce n'est pas forcément le cas quand c'est téléchargé illégalement sur internet. Mais bon...

"L'Eurovision ? Je crois que j'aurais trop de stress !"

L'Eurovision a eu lieu il y a deux semaines. C'est Jessy Matador qui a représenté la France, et c'est un artiste issu de la diversité. Tu penses que c'est bien que ce soit quelqu'un comme lui qui nous représente pour quelque chose qui est si ancien, si codé ?

C'est assez compliqué l'Eurovision à chaque fois, chaque année. Je ne sais pas si il faut avoir un avis juste en tant que consommateur parce que, des fois, ce sont des choix assez étonnants, certainement stratégiques, même si ça n'a pas forcément servi l'année dernière. J'ai l'impression que c'est très à l'écart de la consommation musicale réelle en France. Je ne sais pas comment expliquer mais on aurait peut-être tendance à prendre un artiste qui marche vachement bien en France, ou qui est reconnu en Allemagne, en Belgique... parce qu'il y en a en France qui ont réussi à s'exporter. Mais non, ce n'est pas ce choix-là qui est fait. C'est peut-être des gens aussi qui ne sont pas connus, comme il y a trois ans, je crois que c'était les Fatal Picards. C'est toujours des choix étonnants et au final on n'est pas très bien placé. Donc on essaie à chaque fois de changer de style. Tantôt de la variété, tantôt quelque chose de plus moderne... Donc pourquoi pas ? Pourquoi pas cette année-là ? Je t'avoue que ce n'est pas une émission que je regarde. Je me tiens au courant avant de qui nous représente et des résultats après, mais je ne suis pas vraiment devant ma télé pendant la soirée, en toute honnêteté.


Et si on t'avait proposé à toi ?

Alors je ne sais pas. Je crois que j'aurais trop de stress. Et puis c'est horrible après, les critiques que tu te tapes. Je pense que je n'aurais pas assumé. Pour le coup, l'Eurovision, on en parle tellement, c'est tellement attendu, que les critiques sont assassines.


En parlant de télé... Qu'est-ce que tu regardes à la télé ? Tu regardes la télé déjà ?

Pas beaucoup. Comme je voyage beaucoup, je n'aime pas trop m'attacher à une série, parce que tu ne la suis jamais et c'est super chiant. Tu te sens "addict" et c'est super frustrant donc j'évite. La dernière série que j'ai aimée, et je pense que c'est ma série phare de tous les temps, c'est Prison Break. J'ai adoré. En version originale d'ailleurs, car j'ai trouvé les rôles beaucoup plus crédibles. Je suis allée jusque bout de la série, même si à des moments c'était long, c'était chiant. Et en plus j'ai été super déçue de la fin (rires). J'étais un peu dégoutée, mais bon, c'est le risque d'une série. Mais à part ça, j'adore les reportages. J'adore regarder Arte, TV5, les reportages animaliers aussi. Je me tiens au courant niveau télé-réalité aussi. Nouvelle Star, Star Ac'... Même si je ne suis pas devant ma télé à chaque prime.

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