Musique
Stanislas : "Faire du André Rieu, ça ne m'intéresse pas"
Publié le 21 janvier 2010 à 12:26
Par puremedias
Entretien inédit avec le chanteur français.
Stanislas Stanislas© Universal, Music
Stanislas Stanislas - "Les carnets de la vigie"
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Il y a deux ans, Stanislas débarquait sur la scène pop française avec un premier album, "L'équilibre instable", porté par un single qui a monopolisé les ondes pendant plus de six mois, "Le Manège". Suivirent "La Belle de Mai", puis un duo avec son ami Calogero, "La Débâcle des Sentiments". Aujourd'hui, le chef d'orchestre est de retour avec "Les Carnets de la Vigie", un deuxième album différent - mais pas trop - et plus osé.

A l'occasion de la sortie de ce deuxième opus, dont le premier extrait "Fou d'elle" a déjà fait forte impression, Stanislas a accordé un entretien à Ozap. Il y explique l'origine et le cheminement de ce nouvel album, son public et ce qu'on appelle les chansons à l'eau de rose, et revient sur son travail sur le premier album de la Star Academy, pour lequel il avait préféré prendre un pseudonyme. Interview.



"Les Carnets de la Vigie" parle d'une histoire de solitude, de ce personnage qu'est la vigie, pourquoi avoir choisi ce sujet ?
Je suis comme un avatar, on parle pas mal d'avatar en ce moment... La vigie est une espèce d'avatar, c'est une projection de moi sublimée. Je m'invente un destin en haut du mât comme si j'avais voulu m'élever, mais tout seul. Pas m'élever plus haut que les autres, mais m'élever plus haut que ma condition d'artiste souffrant, souffreteux. La vigie a une fonction tragi-comique, la fonction de scruter le désert d'eau, en attente d'une île improbable. On passe des heures et des heures à voir le rien.

C'est ça, être artiste ?
Disons qu'il y a une condition d'artiste qui est un peu comparable, une condition souffrante, condition humaine tout court, mais exacerbée puisqu'on est dans l'introspection pour essayer de sortir quelque chose. Donc c'est vrai que moi je me suis senti cet hiver, non pas seul, mais en tout cas une solitude sans doute voulue et en même temps subie. Cet album, c'était un petit peu la recherche. C'est un album existentiel traité sous le mode, pas second degré, mais un peu comique parfois. C'est un album de l'espérance, de l'espérance de la terre, un album existentiel mais sans grande philosophie. C'est juste un espoir.

Certains titres sont assez mélancoliques...
Je suis mélancolique.

Ca va ensemble la mélancolie et l'espérance ?
On peut être content de se sortir de moments tristes. Les Hollandais l'ont bien compris dans le « clair-obscur ». La lumière n'a de relief qu'au sein de la pénombre. Au-delà de la figure stylistique, c'est vrai que peut-être que je m'invente un destin tragique pour entrer dans une lumière. Mais en fait, finalement, c'est Hitchcock qui disait ça, « le cinéma, c'est la vie sans les temps morts ». On s'invente des moments de gouffre, on s'invente des lumières absolues. Voilà, c'est ça qu'on a envie de peindre. Moi, personnellement, je n'ai pas envie de peindre du blanc sur du blanc.



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Et les chanteurs qui chantent la vie quotidienne ?
Ca ne me touche absolument pas. Je reconnais le talent, la chronique et l'intérêt que ça représente. Moi, j'aime bien que l'art me touche, ce n'est qu'une partie de l'art, j'en ai bien conscience. Que ce soit en littérature, en peinture, en opéra, j'aime que l'art me touche et j'ai bien conscience que ce n'est qu'une partie de l'art. Il y a l'art comique, l'art qui fait réfléchir sur une condition, l'art politique, engagé. J'imagine que vous allez y venir à un moment donné, car il y a une de mes chansons qui est politique... (Rires). Oui, principalement, je fais de l'art pour émouvoir. Et si j'arrive à m'émouvoir, je vais essayer d'émouvoir les autres. Emouvoir, transporter, c'est la même racine.

Généralement, pour émouvoir les gens, on parle d'amour...
J'ai l'impression de chanter l'amour, non pas comme on chante l'amour pour séduire les dames - et encore, pourquoi pas ! -, mais surtout c'est ce qui m'émeut. Pour moi, le chant, c'est à la fois tragique, plein d'espérance ou sur des grands sentiments.

A propos de séduire les dames, je lisais une critique de l'album qui disait "par son style romantique, il attire plutôt un public féminin". Vous pensez qu'il y a une musique pour les femmes et une pour les hommes, ou c'est un peu simple ?
Non, ce n'est pas un peu simple, mais disons qu'on a tôt fait de dire qu'il y a une littérature féminine ou une presse féminine. C'est délicat parce que évidemment quand on parle d'amour, souvent, on peut être qualifié d'être "à l'eau de rose". Alors, on s'imagine la bonne femme habillée en rose qui lit du Barbara Cartland sur le quai de gare et qui a la larme facile. C'est vachement sexiste. Et puis récemment, j'étais en concert en Belgique, j'avais deux-tiers, un tiers. Deux-tiers de femmes, un tiers d'hommes. Peut-être que c'était les maris, je ne sais pas ! (Rires)



La maison de disques et les médias présentent votre album comme étant plus osé, plus diversifié que le premier. Est-ce que c'était un besoin d'élargir vos horizons musicalement ?
Non, ce n'était pas du tout un besoin. Le seul dogme qu'il y a eu au départ de cet album, c'est justement « pas de dogme », y compris le premier album, parce que le premier album peut vite devenir un style. Dans ce nouvel album, il y a encore de la musique pop avec des instruments classiques qui enluminent certains titres, mais c'est vrai que le premier album était peut-être plus cohérent stylistiquement, parce que je me présentais aussi aux gens. Je pense que c'était plus important de penser au style de présentation du premier que du second, où je suis parti un peu en freestyle, pour employer un mot récent. Ce sont mes chansons qui ont guidé mes choix de style.

Il y a quand même eu une réflexion au coeur de tout ça ?
Oui, bien sûr. Par exemple, j'ai fait une chanson qui s'appelle "Fou d'elle", et qui parle de l'obsession. Alors j'y ai fait une ritournelle qui rappelle "Le Manège", qui m'a obsédé pendant des semaines, voire des mois. J'ai du écrire "Le Manège" pendant des mois comme tout bon compositeur qui essaye de refaire la même chose mais en moins bien. (Rires) Dans cette chanson, c'est obsessionnel, il y a très peu de texte, ça tient en dix lignes, on redit les choses. J'ai fait en sorte que la mélodie se morde la queue, que dans le refrain, on ait l'impression qu'on en sort et on n'en sorte pas. Ce sont des réflexions sur des chansons. Mais je n'ai pas eu de réflexion profonde sur le style, comme j'en ai eu dans le premier avec la question : comment me présenter aux gens avec mon parcours, mes musiciens, mais sans faire du néo-classicisme ou du cross-over. Ca ne m'intéresse que moyennement, même si je n'ai rien contre André Rieu, il remplit des stades et les gens sont ravis à ses concerts. Mais voilà, je n'avais pas envie de faire ce crossover-là.



Est-ce que vous aviez une certaine pression au moment de la conception de cet album qui peut être relié à pleins de choses, les ventes, la qualité ?
Ma maison de disques ne m'a pas dit : « T'as fait 250..000 au premier album, coco ! Allez, cette fois-ci on fait 300..000 ! » Parce que malgré tout ce qu'on nous dit sur l'industrie du disque, il reste encore, en tout cas dans cette maison, une considération pour l'art. Certes, tout ça est entouré de données marketing auxquelles je ne participe que peu - non pas par infantilisme mais parce que j'essaye quand même de me protéger d'un certain nombre de choses. Si on commence à penser aux chiffres et à la cible, ça devient « alors je fais cette chanson pour les ménagères », etc... On ne peut pas penser à travailler, à faire une oeuvre, quelle qu'elle soit, en pensant à ce genre de choses.

Donc, pas de pression ?
Si, mais je me la suis mise tout seul. La pression du deuxième disque, de ce qu'on m'a dit, de gens qui arrivent comme des comètes et qui disparaissent aussi vite. Parce que les chansons du premier disque ont été entendues, il y a eu des critiques, des articles, il y a une attente des gens, d'un public qui existe. Donc il y a la peur de décevoir et en même temps, on ne peut pas écrire en pensant à ça. Donc pendant longtemps, je n'ai écrit que de la merde. En oubliant la grossièreté et la provocation, j'ai écrit des choses qui ne me plaisaient pas du tout parce que, effectivement, j'étais en pression du "Manège". J'avais trouvé un truc avec "Le Manège" et ce qu'il fallait, c'était retrouver ce truc-là. C'est l'erreur que j'ai faite pendant quelques semaines, évidemment. C'était peine perdue, faut pas essayer, c'était l'erreur. Du coup, j'ai fait table rase de tout ça. J'ai fait un album aux influences folkloriques qui me plaisait bien, et puis on lance les dés, et on voit à qui ça plaira. Si ça plaît moins, j'essaierai de faire mieux la prochaine fois.



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Vous venez du milieu classique, et on a généralement une forme de respect pour la musique classique, qu'elle soit de qualité ou non, alors qu'on tire plus facilement sur la pop, la variété, même quand elle est bonne. Comment êtes-vous passé d'un univers à l'autre ?
Je me suis autorisé à passer de l'un à l'autre une fois que j'ai entendu Yehudi Menuhin dire cette phrase, qui est presque une épitaphe, un guide, aux Victoires de la Musique classique ou pop, je ne sais plus : « Parfois la musique savante sait être populaire, parfois la musique populaire sait être savante ». Je crois qu'il parlait de Sting. Ca a été la révélation finalement de ce grand homme, qui avait une vision non pas attendrie, non pas condescendante pour une autre musique que la sienne, mais une vision bienveillante. Sans être un béni-oui-oui, la bienveillance, c'est le minimum quand on n'est pas cynique. Quand on n'a pas d'a priori, c'est d'écouter ce qui il y a de plus alambiqué, de plus savant, de plus facile dans une musique, ce qui est de l'ordre du cynisme, de la recherche... Après, bien sûr, il y a des imbéciles dans la musique classique comme il y a des imbéciles dans la pop et parfois je peux être imbécile ! Ce que j'ai plus de mal à comprendre, c'est le manque de bienveillance absolue, c'est à dire le mépris, en toute chose. Après, ne pas laisser passer les cynismes, le je-m'en-foutisme en musique, je comprends. Quand on a donné sa vie à la musique et quand on voit porté au pinacle ou aux nues des gens qui vivent sans avoir bossé et qui sont finalement une somme d'opportunités, je comprends que ça puisse énerver. Moi, ça ne m'énerve pas. C'est la vie du monde moderne ou la roulette passe parfois. C'est injuste, la vie est injuste. Des gens sans aucun talent sont considérés comme des génies absolus ! Tant mieux pour eux.

Vous avez vraiment vu des gens sans aucun talent réussir ?
Ca dépend si on peut appliquer le mot talent à l'opportunisme. On peut. Ca ne sert à rien et c'est irrespectueux. Le mot génie est employé à toutes les sauces. Je voyais un type qu'on comparait à Prince ! C'est drôle...

C'était qui ?
Peu importe. Prince est véritablement un grand talent. Un génie, je ne sais pas trop ce que c'est, mais s'il y a bien un ou deux génies dans la pop, c'est Sting, Prince, Michael Jackson ou Elvis Presley, qui a inventé des tas de trucs ! Pour moi, c'est ça le génie. Et on comparait ce type-là à Prince. Là, on est dans le grand n'importe quoi. Mais en même temps pourquoi pas ! Il y a des choses plus injustes et qui sont plus importantes.



Je lisais dans plusieurs interviews que vous n'assumiez pas le travail que vous aviez fait dans le premier album de la Star Ac'...
Non, je l'assume. Quand je l'écoute, je l'écoute avec plaisir. Mais à l'époque, on n'a pas assumé, c'est à dire qu'on a pris un pseudo, mais plus par mimétisme qu'autre chose.

C'était par rapport à la réputation et à l'image de l'émission ?
Oui, et c'était totalement idiot d'ailleurs. C'est pour ça que j'avais dit que plus jamais je ne le ferai, non pas de ne pas retravailler avec la Star Ac'...

Ca va être difficile maintenant...
Oui, en plus ! Mais pourquoi pas. Non, c'est surtout que, au nom de quoi on peut se sentir meilleur que ça... Donc oui, j'ai assez regretté.

Justement, là on en revient à ce que vous disiez tout à l'heure et à des gens qui n'ont pas nécessairement travaillé et qui arrivent tout de suite sur le devant de la scène.
Là, on entre sur un terrain dangereux qui est celui du mérite. Je ne considère pas qu'il faille mériter son succès. Parfois, effectivement, il y a de la propulsion. On sent le type propulsé par un tas de trucs. Est-ce que je trouve ça injuste ? Je n'en sais rien. En revanche, moi personnellement, je me suis posé la question de faire la Star Ac', parce que, comme tout artiste vaniteux, à un moment donné, je pensais que je n'étais pas assez reconnu par ce que je faisais. Une moitié des artistes sont comme ça et j'espère que l'autre moitié a une meilleure âme que nous. Je ne l'ai pas fait parce que j'avais les boules d'être vu en caleçon ! (Rires) L'idée d'être vu dans la vie de tous les jours en se mangeant les ongles, ça ne me plaisait pas du tout.

Il faut garder une part de mystère pour être artiste ou pour être intéressant ?
Je suis assez impudique, y compris dans mes interviews et dans ma musique. J'accepte les interviews, j'accepte de parler de moi, et c'est sans doute un grand déballage nécessaire à ma vie. Mais je dis ce que je veux bien dire, et j'ai envie d'être acteur de ce déballage. Ca m'intéresse assez moyennement, et je prendrais ça un peu comme un viol, comme tous ceux qui en sont victimes, d'être suivi par les paparazzis. Ils ne s'intéressent pas du tout à moi, et c'est très bien comme ça ! En revanche, oui, je pense qu'il faut garder une part de mystère, en tout cas dans sa musique, dans son travail. Je pense que donner toutes les clefs de son travail, c'est lever le voile sur le décor.

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