Un rôle troublant. Ce mercredi 23 octobre 2024, Doria Tillier est à l'affiche sur Disney+ des "Enfants sont rois", mini-série en 6 épisodes librement adaptée du best-seller de Delphine de Vigan publié chez Gallimard en 2021. Dans cette série où elle partage l'affiche avec Géraldine Nakache, Oussama Kheddam, India Hair et Panayotis Pascot, l'ex-Miss météo du "Grand journal" de Canal+ incarne Mélanie Dior, une mère de famille obsédée par son apparence et l’opinion des réseaux sociaux. Une influenceuse qui va voir son monde merveilleux s'effondrer lorsque son enfant va disparaître du jour au lendemain. Satire de l'époque et des dangers des réseaux sociaux, "Les enfants sont rois" est un thriller efficace, mêlant mystère et drame. L'occasion d'échanger avec Doria Tillier sur sa carrière, la célébrité et sa vision bien personnelle des réseaux sociaux. Interview.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
Puremédias : Comment êtes-vous arrivée sur ce projet ?
Doria Tillier : La productrice de la série Fanny Riedberger ("Les randonneuses", "Lycée Toulouse Lautrec" sur TF1) a lu le livre peu de temps après sa sortie et a eu l’idée de l’adapter. Elle m’a envoyé le livre et m’a demandé si le projet pouvait m'intéresser. Je l'ai lu et j'ai trouvé le sujet intéressant. C’est comme ça que le rôle est arrivé à moi. Au départ, il n’y avait pas de scénario, juste le livre.
Elle vous a immédiatement parlé de ce rôle de mère influenceuse ?
Ce n’était même pas une question. C’était le personnage auquel elle pensait donc je n'ai pas envisagé autre chose. Mais d'ailleurs, à l’époque et encore un peu maintenant si je suis honnête, ça m’avait étonnée qu’elle pense à moi pour ce rôle.
"J'ai eu du mal à vraiment comprendre l'intention derrière ce personnage"Doria Tillier ("Les enfants sont rois")
Dans une interview, vous disiez que vous n'aviez pas vraiment "compris le personnage". Comment incarne-t-on un personnage que l'on ne comprend pas ?
J’ai dit que je ne comprenais pas toujours ce personnage. C'est surtout son comportement qui me semblait parfois incohérent. Le problème ne venait pas de ses failles, ça, je pouvais les imaginer, il venait de ses choix. Comme je suis quelqu’un d’assez cohérent dans la vie, je crois que c’est ça qui m’a troublé. J'ai souvent besoin de cohérence, de comprendre le pourquoi des choses : pourquoi un personnage fait ci, pourquoi fait-il ça, etc… Là, j'ai eu plus de mal à vraiment comprendre l'intention derrière ce personnage. Chez elle, je trouvais parfois que les intentions se contredisaient.
Comment ne pas tomber dans la caricature dans votre jeu alors si vous aviez dû mal à la cerner...
À vrai dire, ça m'angoissait beaucoup. Concrètement, comment on joue dans ces cas-là ? Bah, on fait, j'ai envie de vous répondre. En tant qu'actrice, c'est assez simple, vous avez des mots, un texte et vous les jouez. Je ne dirais pas que j'étais comme une marionnette mais pas loin. Donc je me suis simplement lancée et j’ai fait confiance au réalisateur.
C'est une série contemporaine sur l'impact des réseaux sociaux dans nos vies. En tant que personnage public, comment avez-vous vécu l'émergence d'Instagram, Twitter et autres plateformes dans votre vie, dans votre carrière ?
Pour moi, ce sont deux choses séparées. J'ai un avis sur les réseaux sociaux. Mais le plus important je crois c'est que je ne me sens pas vraiment comme un personnage public.
Vous êtes quand même tête d'affiche d’une série sur Disney+, ça prouve que vous avez aujourd'hui une certaine notoriété. Que les gens vous reconnaissent, vous suivent, vous arrêtent dans la rue...
Mais pas tant que ça. Peut-être que les gens me reconnaissent, mais très peu m’interpellent. Donc s'ils me reconnaissent, je ne le ressens pas. Il m'arrive qu'on me le dise, qu'on me le fasse sentir, mais ce n'est pas si courant. Non, franchement, la célébrité, ce n’est pas une chose à laquelle je songe dans mon quotidien. Quand je vis ma vie, je n'ai pas le sentiment et je n'ai pas la pensée d'être quelqu'un de connu. Et je le précise, il y a aussi beaucoup de gens qui ne me connaissent pas (rires).
Vous n'êtes pas sur les réseaux sociaux. Pourquoi ?
Je n'y suis pas parce que ça ne m'intéresse pas. J'ai l'impression que c’est assez nuisible. Comme ça ne m'attire pas, autant ne pas y aller. En ce qui concerne la promotion, comme je ne suis pas productrice, je le fais pour les autres et avec plaisir, mais ce n’est pas une finalité pour moi.
La série montre l'impact des réseaux sociaux sur le quotidien d'une famille qui va perdre pied à cause de la célébrité... Il y a quinze ans, votre vie a changé lorsque vous êtes devenue chroniqueuse au "Grand Journal" sur Canal+. Comment l'avez-vous vécu ? Est-ce qu'on arrive à garder les pieds sur terre ?
Déjà, je pense qu’ils sont peu nombreux les gens qui n'ont plus les pieds sur terre et qui en ont conscience. Moi, j'ai l'impression d'avoir les pieds sur terre. Personne ne vous dira dans ce métier "j'ai complètement la grosse tête".
"Je ne me sens pas à l’aise pendant les interviews"Doria Tillier ("Les enfants sont rois")
Mais comment gère-t-on cette vague de célébrité qui doit arriver d'un coup finalement ?
Vraiment, en ce qui me concerne, ce n'était pas à ce point-là. Moi, concrètement, quand j’étais au 'Grand Journal', j’allais bosser et le soir je rentrais chez moi. Je ne la vivais pas tant que ça, cette vague de célébrité. Je ne sais pas si elle existait ou non, mais ma vie, mes amis, c'était les mêmes. Je dirais plus que c'est avec le temps qu'on le ressent. Là où je le vis principalement, où je le ressens, c'est dans les périodes de promotion. C'est vraiment le seul endroit où je le ressens, et où ça me provoque un petit malaise. On ne réagit pas en interview comme dans la vraie vie. Les interviews, ce n'est pas comme des conversations normales, on ne répond pas ce qu'on répondrait dans la vraie vie, parce qu'on est pressé par le temps, parce qu'on ne veut pas être désagréable, etc. Du coup, on n'est pas naturel. C'est un peu les seules situations où je ressens que ma notoriété peut m'affecter.
Comment fait-on alors pour gagner en naturel lors d'interviews ?
On s'efforce, on s'entraîne et on le dit. Je vous dis la vérité là par exemple : je ne me sens pas à l’aise pendant les interviews. Par exemple, quand un journaliste m’interroge et me dit 'ah, ben, ce rôle, c'était incroyable, non ?', ça me gêne toujours, car il attend forcément une réponse qui va dans son sens. Si on ne répond pas ce qu’il veut entendre, on sait que ça va être désagréable pour lui et que ça peut renvoyer le sentiment que sa question était conne. D’oser assumer, de dire que je ne vois pas les choses comme l’intervieweur en face, ça a été un travail pour moi. J’ai dû me relaxer là-dessus.