Cinq ans après la première salve de portraits intimes de huit candidats à l'élection présidentielle de 2017,"Une ambition intime" est de retour ce soir sur M6, dans une déclinaison dédiée aux "femmes de pouvoir".
Pendant 2h30, les téléspectateurs découvriront le passé, les forces et les failles ainsi que des bribes de vie personnelle des candidates à l'élection présidentielle, d'Anne Hidalgo (Parti socialiste) et Marine Le Pen (Rassemblement national), de la candidate à l'investiture chez Les Républicains, Valérie Pécresse, de la maire du VIIe arrondissement de Paris, Rachida Dati, et de la ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Un casting 100% féminin - dont le temps de parole sera décompté par le CSA - qui tranche avec celui de l'édition de 2016, où sept hommes et une femme seulement (déjà Marine Le Pen) s'étaient succédé face à Karine Le Marchand.
Dans l'empathie comme à son habitude, l'animatrice a joué la carte de la confiance pour convaincre les politiques de se livrer au jeu des confidences. Elle a par exemple dévoilé lors de la présentation du programme à la presse, le 19 octobre à Paris, que les participantes à l'émission (ou leur entourage) avaient eu voix au chapitre dans la construction de leur portrait.
"En général, j'attends une semaine entre la fin du tournage et le début du montage parce que parfois elles oublient les caméras, parfois elles sortent des trucs. Je leur dis 'Si dans la semaine, il y a des trucs qui vous reviennent que vous regrettez, vous me le dites et je ne le montrerai pas, et je le fais'." De la même façon, deux fins ont été tournées pour les femmes qui n'avaient pas encore déclaré leurs intentions pour la présidentielle, lors du tournage il y a plusieurs mois. "Je leur ai proposé pour qu'elles me disent oui", a justifié l'animatrice.
Critiquée à l'époque pour son mélange des genres, l'émission avait déclenché un vif débat sur l'exposition de l'intimité des politiques à la télévision. Karine Le Marchand assume. "C'est un vieux débat", lâche-t-elle. "On ne peut pas à la fois reprocher aux gens d'être hors-sol, de ne pas comprendre les Français, de ne pas comprendre les problématiques des gens et quand ils (ne) le sont (pas), dire : 'Ah bah non quand même, est-ce que vous ne les humanisez pas un peu trop ?' Ils sont humains, ils ont forcément des émotions, des sentiments et des épreuves dans leur vie, des joies et des peines, forcément".
La productrice tacle au passage "l'hypocrisie" de ses détracteurs : "Tous ces journalistes politiques, qui ont pu critiquer 'Une ambition intime' il y a cinq ans, étaient les premiers à décrypter la personnalité de Trump par le menu de ses maîtresses ou à parler de la possible homosexualité supposée d'Emmanuel Macron pendant six mois. À un moment donné, il faut se regarder dans une glace : soit on n'aborde pas du tout l'aspect privé, 'je ne vais faire que l'analyse politique de leurs idées, je m'en tiens qu'à ca parce que c'est ça qui est digne', soit on peut se permettre d'aborder des choses de côté. Il faut être honnête dans sa vie".
L'animatrice est à ce sujet convaincue que "si (elle) avait été encartée à France inter, on n'aurait peut-être pas autant critiqué (l'émission). Et si j'avais été encartée à France inter, je n'aurais jamais pu faire ces émissions. Si je n'avais pas été à M6, je n'aurais jamais pu faire cette émission."
Karine Le Marchand revendique, au passage haut et fort, une équité de traitement entre les différentes participantes, quel que soit leur bord politique. "Vous vous rendez compte que vous ne savez pas pour qui je vote !, lâche-t-elle. M6 n'est pas politisée. Tous (ceux que j'ai pu interviewer) m'ont dit 'France Télévisions c'est à gauche, TF1 c'est à droite, on sait qu'on ne sera pas traité de la même façon qu'on aille là ou là'. Je ne trouve pas ça normal, respectueux des téléspectateurs, des Français. Je trouve que la neutralité (dans le traitement de l'actualité) politique, c'est nécessaire".
"Une ambition intime" n'a d'ailleurs pas fait l'unanimité contre elle, tient-elle à rappeler. "On retient plus ceux qui critiquent mais j'ai eu beaucoup de soutiens de journalistes politiques qui ont trouvé que c'était une offre complémentaire à leur travail et pas du tout substitutive", relève-t-elle. L'émission aurait même inspiré, selon Karine Le Marchand, les émissions politiques plus classiques. "Depuis la diffusion d'"Une ambition intime", les émissions politiques ont changé, la réalisation des émissions politiques a changé. Maintenant on va prendre des profils, on va regarder des mains qui se tordent, on a une lumière beaucoup plus douce. Ruth Elkrief a fait une émission politique avec Marine Le Pen pour lui parler de ses chats. J'ai le sentiment que les choses ont changé."
Les portraits de l'émission de ce soir fourmillent d'ailleurs de révélations et d'anecdotes politiques, défend-elle encore. "Je révèle, par exemple, que la fille de Marine Le Pen vote à gauche, je la fais réagir là-dessus", illustre-t-elle. Valérie Pécresse raconte aussi que, lorsqu'elle était au gouvernement, Nicolas Sarkozy ne lui "laissait rien passer" particulièrement à elle, "la chiraquienne", au contraire de celles qu'elle surnomme ses "groupies", Rama Yade, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Rachida Dati.
Dans chacun des cinq portraits, le téléspectateur découvrira aussi une part de l'intimité de ces femmes politiques, comme le retour de Rachida Dati dans le HLM de son enfance à Chalon-sur-Saône, la "vie en coloc" de Marine Le Pen avec son amie d'enfance, la passion de Valérie Pécresse pour le fromage ou encore les confidences d'Anne Hidalgo sur l'exode subi par sa famille pour fuir le franquisme. Les témoignages de plusieurs proches mais aussi de leurs pairs - Nicolas Sarkozy, François Hollande et Gérald Darmanin sont notamment annoncés - viendront alimenter la discussion entre l'animatrice et chacune des femmes politiques. Jean-Paul Huchon, adversaire historique de Valérie Pécresse dans la bataille pour la région Île-de-France, aura aussi un mot à son attention. Toutes les cinq "ignorent ce que les proches allaient dire sur elles. C'est là où l'enquête est fondamentale, pour sortir de sa zone de confort et de ses éléments de langage qu'on a l'habitude de dire", confie Karine Le Marchand.
Le calendrier politique, notamment la date du congrès des Républicains (le 4 décembre), a contraint M6 à avancer la date de diffusion du programme de trois semaines. Lorsque la date de programmation de l'émission, ce dimanche 7 novembre, a été annoncée il y a trois semaines, l'ordre de passage, ô combien déterminant pour l'exposition des personnalités, n'était pas défini.
"Il y en a que l'on attend plus que d'autres, il y en a que l'on attend moins mais qui ont un super portrait, on est en train de se tâter", résumait le 19 octobre Karine Le Marchand, dubitative quant à un deuxième épisode dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022. "Après janvier, c'est l'égalité des temps de parole, c'est plus compliqué. Je n'aurai pas le temps, la campagne a démarré trop tard". Guillaume Charles, patron des programmes de M6, de conclure : "On retrouvera peut-être une forme beaucoup plus directe, on y réfléchit, mais ca ne dépend pas que de nous".