"J'étais le pitre de la classe. Les professeurs en devenaient fous. J'étais un trouble-fête prêt à tout pour faire rire. C'était un vrai plaisir*. Icône comique du cinéma américain, le pitre Jerry Lewis s'est éteint ce week-end à l'âge de 91 ans à son domicile de Las Vegas, rapporte ce soir le magazine américain Variety, citant son agent. L'acteur et réalisateur souffrait depuis plusieurs années de lourds problèmes de santé. Il avait évoqué ces derniers dès 2004 dans une interview restée célèbre accordée à Thierry Ardisson sur le plateau de "Tout le monde en parle".
Icône légendaire du cinéma américain, Jerry Lewis, né Joseph Levitch, est né dans le New Jersey en 1926. Fils unique d'un père artiste de scène - sous le nom de Danny Lewis - et d'une mère pianiste, le jeune garçon s'empare de l'humour comme compagnon de vie pour ne plus jamais s'en séparer. Aux côtés de son père, le jeune Jerry montera d'ailleurs sur les planches dès l'âge de cinq ans. Dès lors, il passera le reste de sa vie à faire rire le monde.
Dans les années 1940, sa rencontre avec Dean Martin donne un tournant décisif à sa carrière. Ensemble, dans l'Amérique d'après-guerre, ils forment un duo comique légendaire sur les planches avant d'être repérés par le réalisateur George Marshall qui leur confie un second rôle dans "Ma bonne amie Irma". Vient ensuite le temps du vedettariat pour le duo qui enchaîne les rôles dans des comédies de la Paramount à l'heure de l'apogée des studios américains et de l'âge d'or d'Hollywood.
Le duo se sépare en 1956 après "Un vrai cinglé de cinéma", laissant derrière lui une quinzaine de comédies. Sous contrat avec la Paramount, Jerry Lewis débute alors sa carrière en solo sous le patronage du cinéaste Frank Tashlin ("Trois bébés sur les bras", "Le Kid en kimono", "Cendrillon aux grands pieds", "L'increvable Jerry"). Dans les années 1960, Jerry Lewis, en soif d'indépendance, passe derrière la caméra et embrasse une carrière de réalisateur. C'est à cette période prolifique qu'il propose nombre de comédies devenues des classiques du cinéma américain parmi lesquelles "Le Dingue du Palace", "Le Tombeur de ces dames", "Docteur Jerry et Mister Love" ou encore "Les Tontons farceurs".
Passé cet âge d'or sur grand écran - qui lui a valu les éloges de la critique française -, la suite de la carrière de Jerry Lewis est plus disparate. L'homme de cinéma commence à souffrir de problèmes de santé. En 1972, son film "The Day The Clown Cried", tourné à Paris, ne peut être distribué dans les salles en raison de contraintes budgétaires et juridiques. Il reste aujourd'hui l'un des plus célèbres films invisibles. Marqué par cet épisode douloureux, Jerry Lewis ne fera son retour au cinéma qu'en 1980 avec "Au boulot... Jerry !", succès surprise au box-office américain.
Méprisé par les critiques américains et pourtant adoré en Europe - et particulièrement en France -, Jerry Lewis se tourne momentanément vers le cinéma français. En 1984, il donne la réplique à Michel Blanc dans "Retenez-moi... ou je fais un malheur" de Michel Gérard. La même année, il est à l'affiche de "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" de Philippe Clair. La relation privilégiée de Jerry Lewis avec la France ne doit rien au hasard. L'acteur s'était produit à plusieurs reprises sur la scène de l'Olympia dans les années 1970. En 2006, dans les colonnes de L'Express , il évoquait sa relation de coeur avec les Français en déclarant notamment : "Pour les Français, pas de milieu: soit vous êtes Dieu, soit vous êtes de la merde ! J'ai eu de la chance !".
Celui que Jean-Luc Godard avait qualifié de "de plus grand cinéaste politique américain des années 1960" s'était vu remettre, des mains de Jack Lang, la Légion d'honneur en 1984. Créateur - en 1966 - et animateur du "Jerry Lewis MDA Telethon" aux Etats-Unis, il participe, en 1987 au lancement du "Telethon" sur Antenne 2. Dans les prochains jours, il est probable que des chaînes de télévision procède à des déprogrammations en hommage à la carrière de l'illustre clown américain.
* Citation extraite du documentaire français "Jerry Lewis, clown rebelle" réalisé en 2016 par Grégory Monro et diffusé sur Arte