Que retenir de cette année médiatique ? Pour la quatrième saison, puremedias.com propose sa série d'interviews des personnalités du PAF, qui vous livrent leurs coups de coeur et coups de gueule. Au tour de Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, les @Garriberts, journalistes médias et cofondateurs du site d'information LesJours.fr.
La personnalité médiatique de l'année ?
Comme aux Jours.fr, on est légèrement obsessionnels, on ne voit que Vincent Bolloré, héros et scénariste de génie de notre série journalistique "L'empire" qui raconte la façon dont il a mangé Canal+. Et on vous prévient, on va vous en parler dans toutes nos réponses ! Car, pour nous en 2016, personne n'arrive à la cheville de Bolloré dans le monde des médias. La violence avec laquelle il a fait du petit bois du groupe Canal+ est absolument inédite.
La personnalité politique de l'année ?
Vous l'aurez deviné : Vincent Bolloré. Comment ça, ce n'est pas une personnalité politique ? Bien sûr que si ! Comment expliquer sinon qu'il puisse mettre le groupe Canal+ au pas dans l'indifférence politique quasi générale ? Faire perdre 500.000 abonnés à Canal+ en un an, alors que c'est le principal financier du cinéma français, sans qu'un(e) politique ne lève un sourcil ? Ecraser la rédaction d'iTELE, faire partir la quasi totalité de ses journalistes, et piétiner de la même façon les timides et tardives tentatives d'intervention du gouvernement en toute impunité ? Franchement, il devrait se présenter à la présidentielle. Les sommets avec Donald Trump auraient de la gueule.
Le coup médias de l'année ?
Pffffffff, tout le monde l'a déjà cité mais bon, Yann Barthès rapté par TF1. C'est beau, c'est tellement beau cette vengeance d'Ara Aprikian, viré comme un malpropre de D8 par Vincent Bolloré à l'été 2015, qui atterrit à TF1 et lui pique Yann Barthès. Lequel Barthès taille des croupières audimatesques à Cyril Hanouna qui était la raison de l'éjection d'Aprikian. Dans une fiction, on nous dirait que les ficelles sont trop grosses. Mais là, c'est simplement la Bollo-réalité.
Le mensonge médiatique de l'année ?
Alors là, on a le choix parmi tous ceux de notre cher Vincent : voyons, voir... Je ferme Canal si le deal avec beIN Sports n'est pas validé par l'autorité de la concurrence ? Patrick Menais du Zapping a commis une faute lourde, du coup je le vire ? Maïtena Biraben a commis une faute grave du coup je la vire ? J'ai une idée pour faire exploser les audiences du clair de Canal, d'abord le mettre en crypté puis en clair, héhé ? Jean-Marc Morandini est journaliste ?
L'émission TV de l'année ?
Toutes celles dont Vincent Bolloré n'a pas eu l'idée.
L'émission radio de l'année ?
Le son du comité de management où Vincent Bolloré a viré un tiers des cadres de Canal+ diffusé par Les Jours ici (désolés pour la retape, mais on vous avait prévenus). Spoiler : au début il dit "Ne vous inquiétez pas, je vais être tout doux !". Et après c'est le red wedding de Game of Thrones...
Le dérapage médias de l'année ?
Ce déménagement forcé et décrété par Vincent Bolloré, d'une partie de la rédaction d'iTELE, le 22 octobre 2016, en pleine grève, pour laisser un étage à Direct Matin. Les journalistes ont retrouvé leurs effets personnels à la poubelle parmi des cafés renversés et des bouts de moquette maculés. Dans le même temps Bolloré faisait apposer sur la façade les lettres "NEWS FACTORY" du nom du machine à débiter de l'info qu'il voulait créer. Mais voilà, l'image de l'ensemble son oeuvre à Canal+, l'humiliation était faite à la va-vite et le "O" est tombé, puis le "E" manquant d'estourbir les passants.
Le flop TV/radio de l'année ?
iTELE, bien sûr, sa démolition par Vincent Bolloré et son équipe de bras cassés. Après un an à la laisser partir à vau-l'eau, uniquement tenue à bout de bras par son équipe, il lui aura suffit de 31 jours, ceux de la grève, pour la vider de la quasi totalité de ses journalistes, c'est-à-dire de sa substance, de ce qui en faisait la chair. Et tout ça pour faire quoi ? Une peau de chagrin. Une machine qui ne peut plus tourner. Si encore il y avait un projet qui tenait la route à la clé, autre chose qu'un Jean-Marc Morandini, que des tentations de Bogdanoff, d'Elkabbach. Mais non, c'est une absurdité. Une mise au pas et une absurdité.
Le/la journaliste de l'année ?
Ils auraient eu leur place dans chacune de vos catégories, et peut-être aussi dans celle de la personnalité politique : les journalistes d'iTELE et leur grève de 31 jours. Ce sont eux les journalistes de l'année, ceux qui ont défendu et remis au coeur du débat public des gros mots comme déontologie, éthique, rigueur. Eux les journalistes des robinets à info, les petites mains, les visages qu'on zappe, le temps d'attraper des bribes d'info. Leur combat a été exemplaire de bout en bout face à une direction violente et obtuse qui n'a eu pour seule réponse que "partez". Ils sont partis, ils ont perdu, mais ils ont lutté, ils ont essayé.
L'animateur/animatrice de l'année ?
Jean-Marc Morandini, l'épouvantail à journalistes d'iTELE, who else ?
Le/la personnalité médiatique qui marquera 2017 ?
Vincent Bolloré (d'accord, on est bon à enfermer), bien évidemment, pourquoi s'arrêterait-il en si bon chemin ? Une année de présidentielle avec Vincent Bolloré aux commandes d'un groupe de médias qu'il a mis au pas en supprimant l'investigation, la dérision sur Canal+, l'information sur iTELE ? On en a déjà les doigts qui gigotent d'impatience sur le clavier.